Diane Maroger, réalisatrice engagée
[BC][EC]Monteuse de formation, puis réalisatrice elle commence à tourner. Un court-métrage d'abord, puis son premier film en 2002 : « Maternité interdite ». « A l'époque, j'étais dans un circuit « femme et handicap », je travaillais sur les violences faites aux personnes handicapées » explique t'elle. Le film reprend le fil du « pilote » primé lors de la Journée mondiale des personnes handicapées en 1999. Titré « Wounded wombs » (Utérus blessés), il servait de support au témoignage d'une jeune femme IMC stérilisée de force. Diane poursuit avec fougue : « C'est sa mère qui l'avait fait stériliser, ça m'avait semblé extrêmement important d'en parler car de nombreuses femmes ont subi cette violence ou se sont vues proposer l'opération. »
[BB]Culture dominante[EB]
La jeune femme dont Diane rapporte l'histoire n'était pas handicapée mentale et souffrait seulement de troubles de l'apprentissage. « L'éducation et la culture des personnes handicapées m'intéresse beaucoup et en particulier le fait que les catégories qui ont cours dans la société sont fondées sur le principe de culture dominante. » poursuit Diane. « Maternité interdite », c'est un docu-fiction qui se développe sur deux ans de la vie du couple. Ils vont essayer de se séparer de parents trop proches et trouver leur autonomie pour dénoncer la stérilisation, pour porter plainte et mettre ainsi en lumière le tort commis par la société . » Elle suit le couple pendant un an et demi. Le procès n'était toujours pas engagé quand il lui a fallu terminer le film pour France 3 : « Ce travail aura au moins servi à faire lever la curatelle de la jeune femme » lance Diane qui poursuit : « que je réalise ce film a provoqué chez eux une prise de conscience qui les a aidé à bouger. »
[BB]Rétrospective critique[EB]
En 2003, Diane propose à ces confrères de monter « une rétrospective critique sur la présence des personnes handicapées au cinéma ». « J'ai profité de mes entrées dans le monde du cinéma et je les ai mis au service de la personne et de la femme handicapée. » Cependant, de nombreux intérêts commerciaux sont en jeu, et s'il est assez facile de montrer des films que l'on voit pas ou peu, il faut obtenir l'accord des distributeurs pour projeter des films récents et il est difficile d'obtenir des avant-premières. « On a rendu les films accessibles aux aveugles et aux sourds, c'est la part la plus importante du budget » Malheureusement l'opération n'a que peu d'impact auprès des financeurs et l'équipe sort lourdement endettée de cette première édition. « On n'est toujours pas rentré dans les frais
» Ainsi va naître l'association Retour d'image (voir encadré).
[BB]Société eugéniste[EB]
« Je travaille actuellement sur le diagnostic prénatal ; le film devrait s'appeler « Est-il normal ? » et il pose des questions qui vont bien au-delà de celles que se posent les parents. Je m'interroge depuis longtemps sur la tendance actuelle de penser que l'on peut gérer le problème du handicap en l'éliminant dès avant la naissance. Nous sommes dans une société indiscutablement eugéniste qui nous prépare un monde sans handicap. On ne peut procéder à une IVG au-delà des délais légaux que dans le cas d'une affection incurable au moment du diagnostic. Mais si les parents le veulent, on peut tuer le ftus sur simple suspicion de trisomie, de nanisme ou de membre manquant
» Une problématique dont le manque de méthode dans l'annonce du handicap est peut-être la source : « Les médecins se demandent si la médecine n'a pas généré elle-même cette situation qu'ils ont souvent du mal à vivre .» On sent Diane est déjà très impliquée dans cette histoire : « Ca touche à quelque chose de très profond, c'est personnel car je vais être témoin d'annonces qui seront difficiles à vivre. » Une chose est sûre, on peut lui faire confiance qu'elle nous livre un film sans concession : « Si, d'ici vingt ans, on élimine toutes les malformations esthétiques visibles et diagnostiquées, comment pourra t'on intégrer ceux qui, forcément, naîtront plus tard handicapés ? »
Serge Mouraret