Nicolas Dourlens est chargé de mission " gares et accessibilité " à la Direction des Infrastructures et des transports de la Région Centre. Il nous parle avec passion de la démarche à laquelle il participe, une démarche globale de mise en accessibilité engagée bien avant que la loi de février 2005 ne la rende obligatoire.
Handirect : Comment en êtes-vous arrivé à vous intéresser à l'accessibilité ?
Nicolas Dourlens : Géographe de formation, j'étais totalement extérieur au monde du handicap. C'est venu à travers la partie Service public et Transport de mon travail et c'est ce qui est intéressant car je ne me suis jamais attaché à chercher une réponse spécifique à une problématique spécifique, mais au contraire j'ai toujours cherché à répondre aux préoccupations du plus grand nombre. C'est un travail de compromis, tant dans la pratique on ne peut répondre à tous les besoins des uns et des autres qu'au niveau économique qu'il faut également prendre en compte.
H. : Parlez-nous de la politique engagée par la Région Centre.
N.D : Depuis la loi de décentralisation de 2002, l'espace décisionnaire a changé de côté et la SNCF a perdu son pouvoir sur les réseaux régionaux. Les Conseils régionaux sont devenus décisionnaires en matière de définition de la politique des transports. Nous sommes en rapport avec la SNCF et RFF, Réseau Ferré Français mais nous sommes l'autorité organisatrice du TER. Toute l'impulsion des projets se fait à notre niveau et nous déterminons ainsi les offres de services, horaires, gares, la mise en uvre des projets se faisant avec nos partenaires. La loi a officialisé les choses mais la Région Centre était, dès 1998, région pilote expérimentale.
H : La délocalisation a vraiment changé quelque chose ?
N.D : Je ne citerais que l'exemple du TER. En 10 ans, nous avons réussi à en multiplier par 3 la fréquentation ! Des investissements colossaux alliés à une stratégie de modernisation et d'amélioration du service nous ont permis d'arriver à un " système vertueux "
H. : Un système vertueux ?
N.D : J'entends par là un système qui offre aux citoyens des services de qualité et qui soit une réponse à un TER qui périclitait. Un système qui propose des trains neufs, des trains qui arrivent à l'heure, des gares rénovées et accessibles, qui offrent un ensemble d'informations accessibles au public.
H. : La mise en accessibilité a-t-elle été une de vos priorités ?
N.D : Au départ, nous avons mené une réflexion sur le TER, les gares, les trains et la qualité des services offerts. L'accessibilité n'est venue qu'après puisqu'en 1994 déjà, nous avions rénové toutes les gares de la Région Centre c'est-à-dire bien avant l'expérience engagée sur le TER. En 2002, nous avons engagé une réflexion avec la SNCF et les associations (l'APF, Valentin Hauÿ et une association régionale de lutte contre les maladies rhumatismales) sur un projet de réseau maillé et d'accessibilité des gares. C'était un vrai besoin qui nécessitait une vraie réponse.
H. : La mise en uvre a-t-elle été aisée ?
N.D : En 2003, une convention cadre de 5 ans a été signée entre la Région, la SNCF, RFF et l'Etat puis l'intervention s'est engagée sur 33 gares. Le financement s'est fait avec la SNCF, qui est propriétaire des gares et exploite le service, et RFF, propriétaire des voies ferrées, des passages souterrains et des passerelles. Il reste aujourd'hui un an de conventionnement (2007-2008) et l'on profite des financements disponibles pour installer des équipements dans chaque gare : bandes de guidage, portes automatiques. C'est l'embryon de ce qui devra être la chaîne de déplacement grâce à laquelle une personne pourra venir en fauteuil du parking accessible, où la personne, quel que soit son handicap trouvera un système de guidage adapté, des guichets surbaissés, des portes automatiques, des boucles sonores... Ce sont des aménagements qui au fond profitent à tout le monde - même si bien des valides ne les perçoivent pas - en fluidifiant la circulation de tous. Nous sommes là pour faciliter la vie du citoyen.
H. : On parle des gares, mais qu'en est-il des quais...
N.D : C'est un sujet plus complexe et plus cher et il est vrai que si 33 gares sont accessibles, le plus gros du travail reste à faire sur les quais. Pour avoir une accessibilité parfaite entre le quai et le train, il faut une hauteur de 55cm pour qu'il n'y ait aucune lacune verticale. C'est d'autant plus compliqué que ce sont des travaux chers et lourds qui impliquent que l'on joue aussi sur la circulation des trains. Grâce à la participation inespérée de l'Etat, nous avons déjà pu programmer des travaux dans une gare où des besoins avaient été signalés. Nous allons créer un passage souterrain équipé de deux ascenseurs, pour un montant de 1,5M.
H. : Faites vous des émules ?
N.D : Nous avons été pionniers en la matière et le Président Michel Sapin a toujours défendu le dossier et a tout de suite intégré l'accessibilité dans le dossier transport. Ainsi, nous sommes la seule région à avoir lancé ce type de réflexion à cette échelle, sans jouer la carte du saupoudrage mais en élaborant, au contraire, un vrai projet. Seule, la Région Picardie suit aujourd'hui le même chemin. La loi a imposé la création d'un schéma et l'on s'est saisi de l'opportunité d'un appel à projet lancé conjointement par le ministère de la Recherche et celui des Transports pour se positionner et nous avons été retenus. Un travail de deux ans va s'engager avec un chercheur de l'Université de Lille, Frank Bodin, afin d'établir une base de données qui, utilisé avec un logiciel approprié, permettra une cartographie précise des besoins.