Par Simon VALMARY
PARIS, 29 mars 2008 (AFP) - Accidentés, séropositifs, myopathes, aveugles ont défilé aux cris de "On veut des sous!", derrière une banderole "handicap, maladie invalidante: l'urgence d'un revenu d'existence".
En fauteuil ou sur des béquilles, guidés par une canne blanche ou un chien, les manifestants, évalués à "près de 30.000 personnes" par les organisateurs et 16.500 par la police, rassemblaient l'ensemble du monde des "accidentés de la vie" pour une mobilisation "historique", a indiqué Arnaud de Broca, président de la Fnath, une de la centaine d'associations membres du collectif.
Une délégation a été reçue à l'Elysée pour remettre une pétition. "C'est la révolte des handicapés, c'est la révolte de millions de personnes pour dire qu'il y en a assez de toucher 628 euros par mois (montant de l'allocation adultes handicapés (AAH), ndr), qu'avec ça, on ne peut pas vivre", a ajouté M. de Broca.
Beaucoup brandissaient des panneaux jaune et noir, couleurs du collectif portant le slogan "handicap + pauvreté = double peine". Dans le défilé également, des sourds-muets, des trisomiques, arrivés avec quelques uns des 13 trains, 5 avions ou 700 autocars affrétés pour l'occasion.
"Sur le sujet des ressources et des conditions de vie, ça fait 30 ans qu'on ne veut pas en parler, on est là pour mettre le sujet sur la table pour que les choses changent définitivement", a déclaré Jean-Marie Barbier, président de l'Association des paralysés de France (APF).
Edmond Thomas, 57 ans, paraplégique depuis 35 ans après un accident de moto, venu de Valence (Drôme), résume le problème à sa façon: "J'ai dû appeler ma banque pour augmenter mon autorisation de découvert à -700 euros".
"J'arrive à me débrouiller", estime-t-il. "Je viens plus pour le 'Ni soumis' que pour le 'Ni pauvre', parce qu'en Belgique ou dans les pays soumis du Nord, les handicapés sont mieux considérés. C'est une question de dignité et de droits de l'Homme", s'emporte cet homme.
Quelque 810.000 handicapés, qui ne peuvent pas ou plus travailler, vivent avec l'AAH.
Bernard, 58 ans dont 54 cloué dans un fauteuil roulant par la poliomyélite, estime avoir "eu de la chance": il a pu travailler pendant 30 ans à mi-temps comme psychologue.
Il s'est déplacé de Bretagne par solidarité. "Moi, j'ai pu travailler, donc j'aurai une petite retraite, mais pour d'autres, c'est difficile", explique l'homme, qui hausse les épaules lorsqu'on évoque l'augmentation de 5% de l'AAH annoncée par Nicolas Sarkozy, quatre jours avant la manifestation.
"Ca ne fera pas passer les gens au-dessus du seuil de pauvreté" (817 euros par mois pour une personne seule)", rappelle-t-il.
Daniel M., 46 ans, membre de l'association Aides, s'accroche à son travail dans le milieu hospitalier malgré sa séropositivité. "Je n'ai pas demandé l'AAH parce que je veux travailler le plus longtemps possible", explique-t-il. "Mais je connais beaucoup de gens qui ne vivent qu'avec l'AAH et pour eux c'est souvent l'exclusion sociale"."Je viens aussi pour mon avenir, parce que je sais que j'aurai besoin de l'AAH quand je ne pourrais plus travailler", ajoute-t-il. Appuyé sur une perfusion à roulettes débranchée, il se dit "épuisé" par les quatre heures de marche et station debout. "Mais j'irai jusqu'au bout, c'est trop important".
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