Son intervention à la chambre haute a ému ses collègues sénateurs et le grand public. Le 15 octobre 2024, Gilbert Bouchet, sénateur de la Drôme (Auvergne-Rhône-Alpes), défendait une proposition de loi visant à améliorer la prise en charge de la sclérose latérale amyotrophique (SLA), dont il est lui-même atteint ( SLA : le Sénat se mobilise pour améliorer sa prise en charge). Deux semaines plus tard, le Républicain de 77 ans se livre sur son quotidien avec cette maladie neurodégénérative qui entraîne une paralysie progressive.
Handicap.fr : Avez-vous déjà eu le sentiment que l'on vous prenait moins au sérieux à cause de votre maladie ?
Gilbert Bouchet : Pas du tout, au contraire. D'après les témoignages que je reçois, les gens me disent leur admiration de me voir continuer mon engagement.
H.fr : Quand et comment la maladie de Charcot s'est-elle déclarée ?
GB : Tout a commencé par des douleurs dans le dos qui ont duré des mois. J'ai même subi en décembre 2022 une intervention chirurgicale, qui s'est très bien passée. Mais, deux mois plus tard, les douleurs sont revenues. J'ai alors été passé au crible, subissant de nombreux examens médicaux sans qu'on ne trouve ce que j'avais réellement. Ce n'est qu'en avril 2023, après avoir effectué un électromyogramme (ndlr : examen médical qui consiste à enregistrer l'activité électrique des muscles) que le diagnostic de la SLA a été posé.
H.fr : Aviez-vous entendu parler de cette maladie avant cela ?
GB : Jamais. Ce n'est qu'après mon diagnostic que j'ai eu connaissance, dans un environnement plus ou moins proche, de personnes qui en ont été atteintes.
H.fr : Quels handicaps a-t-elle entraînés ?
GB : Actuellement, je souffre d'un handicap respiratoire qui m'oblige à avoir recours à une machine. J'ai un aussi une perte de mobilité et il ne m'est plus possible de me tenir debout, ni de marcher. Enfin, les gestes fins sont aussi touchés. Par exemple, je n'arrive quasiment plus à tenir un stylo.
H.fr : Quel impact a-t-elle eu sur votre activité professionnelle ?
GB : La perte d'autonomie a entraîné un ralentissement de mes activités « professionnelles », sachant qu'être élu n'est pas une profession. Aujourd'hui, pour me déplacer, il me faut impérativement quelqu'un pour m'accompagner car je suis en fauteuil roulant. Dans la mesure du possible. Je gère un maximum de choses de chez moi, avec l'aide de de mes trois collaboratrices.
Évidemment, je ne siège quasiment plus au Sénat mais je m'astreins quand même à y aller une fois par mois. Et j'essaie aussi d'être présent dans un certain nombre de manifestations de mon département, environ deux à trois fois par semaine.
H.fr : La SLA est-elle source d'interrogation de la part de vos collègues sénateurs ? En parlez-vous librement avec eux ?
GB : Oui, j'en parle librement avec eux et je n'ai jamais eu le sentiment qu'il s'agissait d'un sujet tabou. Preuve en est la proposition de loi pour améliorer la prise en charge de la SLA et d'autres maladies évolutives graves, que j'ai défendue et qui a été adoptée à l'unanimité dans l'hémicycle.
H.fr : Êtes-vous confiant concernant la promulgation de cette proposition de loi ?
GB : Oui parce qu'elle a adoptée au Sénat à l'unanimité par les sénateurs, quel que soit leur bord politique. J'espère qu'il en sera de même à l'Assemblée nationale mais j'ai peu de doutes là-dessus !
H.fr : Bien souvent, dans l'esprit collectif, les personnalités politiques doivent être « fortes » voire « intrépides », en bonne santé, comme si une personne malade ou handicapée était moins digne de confiance, il est temps que ça change, non ?
GB : Évidemment. Mais cette question se base sur des archétypes qui ne semblent pas correspondre à la réalité. Handicapé ou pas, jeune ou âgé, homme ou femme, il me semble que la personnalité politique est davantage jugée sur ses valeurs, son engagement et son implication dans son mandat. Évidemment, certaines personnes ont des a priori qui pourraient les freiner pour accorder leur confiance à quelqu'un qui n'a pas toutes ses capacités physiques, mais en faire une généralité me paraît excessif.
© Capture d'écran de la séance publique du 15 octobre au Sénat