Gagner, c'était le carburant d'Axel Allétru. Champion du monde de BMX et de motocross, il chute lors d'un Grand prix en 2010 et devient paraplégique à tout juste 20 ans. Ses médecins sont formels : « fauteuil roulant à vie ». Pourtant, deux ans et demi plus tard, au prix d'efforts intensifs et de techniques mentales, il remarche.
Axel repart de zéro et s'illustre en natation handisport avant de participer en 2020 au rallye Dakar, en buggy ( Rallye Dakar : Axel Allétru, paraplégique, un pilote en "or"). Il gagne dans sa catégorie, devant des concurrents valides. Une première historique et le début de nouveaux défis. Dernier en date ? L'écriture de son livre Et toujours rebondir, en collaboration avec Peggy Olmi (éditions Albin Michel). 214 pages vivifiantes et inspirantes, en librairie depuis le 31 octobre 2024 !
Handicap.fr : Le rebond, c'est votre leitmotiv puisqu'en 2018, vous avez écrit, avec Riad Kacim, 28 principes pour rebondir... C'est quoi au juste le « rebond » pour vous ?
Axel Allétru : Effectivement, c'est le thème de ma vie, je l'ai appris dès mon plus jeune âge. En tant que sportif de haut niveau, on doit savoir rebondir dans tous types de situations, quand on est blessé, que l'on fait un mauvais résultat... Donc, après mon accident, j'ai eu cette capacité à croire en l'avenir et à aller de l'avant. Le sport ayant toujours été un vecteur pour moi, ça a été la solution la plus évidente pour me reconstruire, plutôt que de me lancer dans l'inconnu.
H.fr : Quelle est la genèse de votre livre ? Pourquoi maintenant ?
AA : Ça fait longtemps que cette idée me trotte dans la tête. Avec Riad, on a écrit un livret de plusieurs dizaines de pages mais, là, j'avais envie d'écrire un « vrai livre ». Et toujours rebondir retrace mon histoire en détails et dévoile des infos que le grand public, et même parfois mes proches, ne connaissent pas. L'idée est de laisser une trace mais aussi de transmettre, et c'est pour cela qu'il regroupe à la fois du récit et des conseils, bien étoffés, pour se familiariser avec le handicap, la résilience, le dépassement de soi. Mon message est universel, il n'est pas destiné uniquement aux personnes en situation de handicap mais pour toutes celles qui ont besoin d'un « shot » d'optimisme et de motivation.
H.fr : C'est un thème d'actualité. L'aventurier quadri-amputé Philippe Croizon a également co-écrit le « manuel du rebond » Tout est possible (éditions Arthaud) (Croizon : nouveau livre Tout est possible ? A vous de jouer). Est-ce que ce livre, ou un autre, a pu vous inspirer ?
AA : Non, pour être honnête, on est parti d'une page blanche avec Peggy Olmi. On n'a pas voulu copier ou s'inspirer, mais faire les choses à notre sauce, avec la volonté d'être vraiment authentiques.
H.fr : Vous êtes un homme de défis (Rallye Dakar, Enduropale, des conférences devant des centaines de personnes...). L'écriture d'un livre est-elle votre plus gros défi ?
AA : Non, loin de là. Le livre, c'est du temps, de l'énergie mais pas forcément un « défi ». Mes plus gros challenges étaient la rééducation et les défis sportifs, notamment l'Enduropale du Touquet (Enduropale Touquet : l'exploit du pilote para, Axel Allétru). Pouvoir remonter sur une moto, avec un handicap lourd, après avoir eu un accident de moto, c'était difficile. Il y avait énormément de risques sachant que je n'ai aucun équilibre, c'était assez fou. Mais tout s'est très bien passé, heureusement. Un documentaire sur cette expérience sera d'ailleurs diffusé en 2025.
H.fr : On dit souvent que l'écriture d'un livre est libératrice, voire cathartique. Ça n'a pas été trop difficile de vous « mettre à nu » face à votre co-autrice ?
AA : Non car je connaissais déjà Peggy, c'est moi qui l'ai choisie, elle ne m'a pas été imposée par la maison d'édition. Elle a une plume extraordinaire et a vraiment bien retranscrit nos échanges, même Albin Michel a été bluffé ! Je me « mets à nu » en conférence devant des inconnus près de 70 fois par an donc ça a été facile de le faire face à Peggy en qui j'ai toute confiance.
H.fr : Pour reprendre la « baseline » de votre livre, êtes-vous convaincu qu' « un accident ou un échec peut être la chance d'une vie » ?
AA : Si on prend le bon côté des choses, oui. On a deux options quand on est à l'hôpital, abandonner et se dire : « C'est foutu, ma vie ne sera plus jamais la même », ou utiliser cette « vague » et ce qui nous reste pour faire en sorte que notre vie soit la plus belle possible. J'ai opté pour la deuxième option et cela m'a donné accès à des opportunités qui, avant mon accident, ne se seraient jamais présentées, notamment celle d'écrire un livre.
H.fr : Avez-vous immédiatement vu le verre à moitié plein après votre accident ?
AA : Non, bien sûr, au début, on voit le côté négatif, c'est normal, c'est humain, et cela m'arrive encore aujourd'hui. Les premiers temps, à l'hôpital, je me disais que la moto, c'était terminé et que ma carrière était foutue mais, petit à petit, je me suis convaincu que je devais rester positif pour réussir à me « relever ».
H.fr : Votre livre révèle aussi ces fêlures, ces doutes... Dans une société où l'on se montre souvent sous son plus beau visage, notamment sur les réseaux sociaux, en quoi était-ce important pour vous de mettre en lumière les moments difficiles ?
AA : C'est vrai, souvent dans les médias, lors des interviews, on parle de nos réussites mais les gens ne se rendent pas compte des obstacles auxquels on a dû faire face avant d'y arriver. C'est important de rappeler qu'on est tous confrontés à des difficultés et qu'il faut s'accrocher pour s'en sortir et accomplir ses projets.
H.fr : Qu'est-ce que ces obstacles vous ont appris sur vous ?
AA : J'ai beaucoup appris sur moi-même après l'accident, et c'est essentiel pour surmonter les difficultés, identifier ses capacités, ses limites. Ils m'ont permis d'avoir une grande flexibilité mentale, de m'adapter dans tous types de situation.
H.fr : Qu'est-ce qui vous a aidé sur le chemin de votre reconstruction ?
AA : Mon entourage, ma kiné et mes progressions. Le fait de récupérer un petit muscle sur la cuisse de gauche, puis celle de droite, ça engrange du positif. Après la rééducation, le sport m'a permis de redevenir un « champion », d'avoir à nouveau une carrière, et de prouver que, malgré mon handicap, je pouvais challenger les « valides ».
H.fr : Votre prochain défi ?
AA : Le Paris-Roubaix (ndlr : l'une des plus anciennes courses cyclistes) en avril 2025, où j'emmène avec moi un peloton « inclusif » de cent personnes (femmes, hommes, handicapées, valides, jeunes, moins jeunes, sportifs ou non), avec toutes sortes d'entreprises. L'objectif est, une fois de plus, de porter un message fort : « Rien n'est impossible ».
H.fr : Un autre message à transmettre aux jeunes, et moins jeunes, qui traversent des épreuves douloureuses ?
AA : Le monde qui nous entoure est parfois cruel, il ne faut pas le nier, ça ne va pas toujours être facile, vous serez parfois confrontés à des gens qui vous mettrons des bâtons dans les roues... Mais il faut trouver la force, en soi, pour passer au-delà et continuer à vivre. Il ne faut pas se focaliser sur les réseaux sociaux et le paraître, qui amènent à la comparaison et à la frustration. Si l'on s'arrête à la première remarque, au premier regard de travers, on vivra toujours dans le passé. Vivez l'instant présent et profitez des plaisirs simples de la vie !
© Astrid di Crollalanza
Livre Axel Allétru: "Et toujours rebondir", shot d'optimisme
"Echec, accident... Si c'était la chance de votre vie ?" En situation de handicap moteur depuis une chute en moto, Axel Allétru est un challenger et un optimiste invétéré. Il retrace son parcours dans son livre "Et toujours rebondir". Inspirant !
"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Cassandre Rogeret, journaliste Handicap.fr"