Face à l'obstacle

Le 16 décembre, la chaîne Equidia, consacrait une soirée à l'équitation handisport. L'occasion de découvrir les talents de Laetitia Bernard, cavalière aveugle, journaliste et réalisatrice d'un documentaire émouvant sur 3 cavaliers handicapés

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5 ans, jeune, jolie, cavalière de haut niveau, journaliste radio... Un descriptif plutôt flatteur pour une jeune fille dans l'air du temps à qui tout semble réussir. A un détail près, elle est aveugle ! De naissance. Laetitia Bernard est de ces icones qui ont fait de leur handicap une force et qui, malgré un parcours semé d'obstacles, ont réussi à réaliser leurs rêves les plus fous. Celle qui cumule les titres de championne de France de saut d'obstacles handisport se jette dans la selle dès l'âge de cinq ans, à peine dissuadée par ses yeux restés clos. Mais c'est à treize ans qu'elle se découvre une vraie passion pour les sports équestres. « Je suis tombée sur un moniteur qui m'a considérée comme une cavalière à part entière et qui était convaincu que ma cécité n'était pas rédhibitoire, même pour sauter des obstacles. J'ai ensuite rencontré des sportifs handicapés de haut niveau qui m'ont incitée à me lancer dans la compétition. Ils avaient dix ans de plus que moi et j'avais besoin de modèles. J'ai compris qu'on pouvait être unijambiste, avoir une femme et des enfants, rigoler, être bien dans sa peau... »

Le soutien d'une fondation suisse

L'ado aveugle se lance dans d'ambitieux challenges. Elle a la niaque et, à 14 ans, remporte son premier titre. Championne en saut d'obstacles ! Impossible me direz-vous ? « Et bien si. Je suis assistée par un cavalier voyant qui part devant moi et commente le parcours à haute voix « Obstacle à 15 mètres, à 5 mètres, je saute, je tourne à droite... » Parfois, faisant fi des castes et des barrières, elle concoure même avec les valides. Elle est portée dans ses défis par Goldeau, un cheval qui lui a été confié par la fondation suisse Little dreams qui réalise les rêves d'artistes ou de sportifs, notamment par le biais d'un fond « No difference » dédié aux porteurs de projets handicapés. « Grâce à eux, j'ai pu m'offrir un cheval et payer mes entraînements, mes déplacements en compétition. Même si la notion de résultat est importante, cette fondation recherche avant tout l'épanouissement personnel de ses « poulains ». »

Porte parole de l'excellence sportive

Malgré cet engagement sportif, Laetitia a toujours été portée par le désir ou la nécessité d'une vie professionnelle stable. Elle hésite entre une carrière au sein de la commission handicap de l'Union européenne et le journalisme. Elle choisit la seconde voie et intègre Sciences Po Strasbourg, part pour Berlin dans le cadre du programme Erasmus puis poursuit ses études au CFJ (Centre de formation des journalistes) où elle obtient une bourse créée en hommage à un journaliste aveugle de Radio France. Elle commence par donner de la plume en presse écrite, dans un magazine équestre mais sans renoncer à sa passion de toujours : la radio. En 2007, elle décroche un job à France Inter, un rêve d'étudiante enfin exaucé ! Et pendant quelques mois, sa voix suave fait le bonheur de ses auditeurs puisqu'elle y présente, le week-end, le Journal des sports. Un pied de nez aux conventions ! Aveugle, handicapée et pourtant porte parole, à sa façon, de l'excellence sportive ! Elle est équipée d'un clavier spécifique doté d'une ligne braille et utilise un logiciel qui permet d'oraliser les textes reçus. Facile, comme tout le monde, alors ? « Il ne faut pas édulcorer la situation. La cécité reste un frein. C'est notamment une vraie galère pour se déplacer tous les matins. Et puis la preuve, c'est que les journalistes aveugles ne courent pas les rues. » Ne reculant devant aucune tentation, elle se lance dans la réalisation d'un documentaire pour la chaîne Equidia. « Vous avez dit handicapés ? » qui fait le portrait de trois cavaliers handisport.

Un équipement performant

Depuis fin septembre, elle a rejoint l'équipe du Mouv', l'onde « djeuns » de Radio France. « La radio m'a financé un équipement très performant. C'est un privilège rare car ce n'est pas toujours évident de trouver des employeurs qui acceptent de s'adapter et d'investir. Avec la technique, le handicap est surmontable mais ca suppose tout de même un gros travail derrière. » A 25 ans à peine, pleine d'ardeur et d'envie, Laetitia continue à se battre, notamment pour la reconnaissance du saut d'obstacle aux jeux paralympiques. Un tempérament de championne, ascendant passionaria qui, à défaut de voir, sait donner de la voix.

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