Handicap.fr: L'Apajh vient de saisir la Halde pour discrimination d'Etat, êtes-vous seuls à l'origine de cette démarche ?
Jean-Louis Garcia: Oui, l'Apajh a agi toute seule, comme une grande ! Pour l'instant, nous ne sommes pas suivis par d'autres associations, mais le monde associatif semble apprécier notre démarche.
H: C'est fort comme terme, « discrimination d'Etat » ?
JLG: Comment appeler autrement les remises en cause répétées de l'Etat des principes fondateurs de la République qui marquent une rupture d'égalité et de traitement des citoyens en situation de handicap : l'égalité des droits civils et civiques, ainsi que le plein exercice de la citoyenneté ?
H: Pourquoi entreprenez-vous aujourd'hui une telle action ?
JLG: La fin de l'année 2009 a été catastrophique. Je parle volontiers de « décembre noir », et d'autres associations ont même évoqué une « année noire » pour le handicap. Je vous rappelle le report des contributions des entreprises ne satisfaisant pas à l'embauche des travailleurs en situation de handicap. C'est scandaleux ! Madame Morano, secrétaire d'Etat chargée de la famille et de la solidarité, est venue nous expliquer que nous n'avions pas bien compris. Ce n'est pas sérieux ! Le monde associatif vit un combat permanent, mais on assiste là à un recul législatif indécent, insupportable. Notre mission c'est de nous préoccuper des plus vulnérables de notre pays, qui sont abimés et qui souffrent. Nous avions confiance dans la loi de 2005. Ces reculs doivent cesser.
H: Il est vrai que la semaine anniversaire de la loi, autour du 11 février 2010, a été riche en déclarations et controverses de la part de nombreuses associations...
JLG: En effet. Nous sommes tous exaspérés de constater que le gouvernement détricote complètement cette loi. Il n'entend rien, n'écoute plus et continue de clamer qu'il est le meilleur tout en revenant sur les points les plus importants de ce texte. Son titre était beau et ambitieux, « pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » et fixait un calendrier et un échéancier pour éviter que les pouvoirs publics ne s'endorment. Mais, à mi-parcours, le monde du handicap est amer et agacé, se sent floué.
H: Que comporte la saisine adressée à la Halde ?
JLG: La Fédération des APAJH y dénonce des discriminations d'État dans quatre domaines majeurs, ce qui n'exclut pas les autres : accès aux logements et aux bâtiments, accès à l'emploi, accès à la scolarisation et projet personnel de compensation.
H: Avez-vous reçu une réponse de Louis Schweitzer, le président de la Halde ?
JLG: Non, ses services prennent à peu près trois mois pour émettre un avis mais le dossier a été pris en charge puisque la Halde nous demande déjà des pièces complémentaires. Dans son rapport d'activité 2009, Louis Schweitzer rappelle que le handicap et la deuxième cause de discrimination, avec 19 % des plaintes déposées. C'est donc un dossier important.
H: C'est également une action politique de votre part ?
JLG: Pas le moins du monde. Je vous rappelle que la loi de 2005 a été mise en place par la majorité actuelle. Nous ne sommes pas des acharnés et nous sommes capable d'entendre des choses difficiles. Mais lorsque la dérogation devient loi, nous nous devons d'intervenir.
H: C'est la première fois qu'une saisine est portée à l'encontre de l'Etat ?
JLG: Je crois qu'il y a eu un précédent de la municipalité de la Courneuve pour discrimination territoriale. Mais cette possibilité était dans les statuts de la Halde. Nous avons bien évidemment vérifié !
Propos recueillis par Emmanuelle Dal'Secco
* Fédération d'associations au service de la personne en situation de handicap
** Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité