En mai prochain, devait se tenir à Cuba un premier colloque international initié par l'Association tourisme et handicaps (on apprend aujourd'hui qu'il est reporté de quelques mois).
Tous les membres de l'association ont reçu une « invitation » qui suscite quelques interrogations. Jusqu'à 1500 € pour l'ensemble des prestations sur place ! Certains s'insurgent. A l'heure où les budgets sont à la diète, comment ATH a-t-elle les moyens de faire bombance sous les tropiques ? C'est le cas de Marc, responsable d'un gîte labélisé : « J'ai assumé, par conviction personnelle, des aménagements spécifiques pour les hôtes handicapés mais j'en accueille à peine une dizaine par an. Il faut même que l'on paye 50 € pour nos plaques de label. Alors, lorsque je vois la facture pour ce colloque cubain, cela m'interpelle. La gestion est peut-être transparente mais je me permets d'émettre des doutes. »
Une question bien légitime qui appelait forcément une réponse. C'est donc Pierre Boudot-Lamotte, membre du conseil d'administration d'ATH et coordinateur du colloque, qui s'empresse de lever toute suspicion.
Handicap.fr : L'Association tourisme et handicaps dépenserait-t-elle inconsidérément son budget ?
Pierre Boudot-Lamotte : Je trouve les craintes de Marc bien légitimes et je suis heureux qu'on me donne l'occasion de m'exprimer. C'est le ministre cubain du tourisme, Manuel Marrero, qui a demandé à notre association de piloter cet évènement autour des professionnels qui se préoccupent de l'accessibilité des sites. C'est une première internationale ! Le BITS (Bureau international du tourisme social) organise régulièrement des rencontres mais jamais spécifiques à la question du handicap. Même constat au niveau européen. Aux yeux de l'Etat cubain, la France est suffisamment crédible pour pouvoir fédérer les différentes composantes.
H : Mais l'association va tout de même devoir prendre en charge le voyage des membres du Conseil d'administration ?
PBL : Absolument pas ! Il avait été décidé que l'association ne débourserait pas un centime et notre investissement vient surtout du temps passé car je vous rappelle que nous sommes tous bénévoles. ATH fonctionne sur des budgets confiés par l'Etat pour faire fonctionner le label et pas pour aller se balader à Cuba. Sur les dix membres, nous sommes trois à partir et nous finançons le voyage, soit sur nos fonds propres soit sur ceux de nos structures commerciales.
H : Combien de Français ont-ils répondu à cette proposition et qui sont-ils ?
PBL : Nous avons envoyé un mail à près de 6000 adhérents. Nous avons misé sur 30 à 50 personnes, créateurs de concepts, gestionnaires de sites ou propriétaires de gîtes. Avec les autres pays (Québec, Canada, Mexique, Brésil, Vénézuela, Argentine, Espagne et Italie), nous envisageons entre 250 et 300 participants.
H : Quel est l'intérêt pour ces prestataires de participer à un tel colloque ?
PBL : Les créateurs de concept, par exemple, peuvent espérer vendre leurs produits à l'étranger. Je pense notamment à l'un d'entre eux qui a mis au point un système d'audioplage pour permettre aux personnes aveugles de se repérer dans l'eau et sur la plage grâce à des balises. C'est une très belle idée qui peut trouver des débouchés auprès de nos collègues étrangers. Les Cubains et les Canadiens avaient hâte de le rencontrer. C'est aussi l'occasion, notamment pour des organismes comme les CDT ou les Gîtes de France, de représenter leur corporation, d'apporter un éclairage nouveau sur les questions du handicap mais aussi de trouver chez les autres quelques idées et recettes. La France est très innovante et il y a de réels marchés à prendre sur l'ensemble du continent américain.
H : Pourquoi avoir reporté la date initiale ?
PBL : Parce que les Français ont bien réagi à la proposition mais l'intérêt des autres pays a été plus timide. Quitte à aller si loin, autant y aller pour quelque chose. Nous en saurons plus d'ici quelques jours sur une nouvelle date.
H : Plus globalement que répondez-vous à Marc qui rappelle que les investissements qu'il a supportés ne sont pas vraiment rentables ?
PBL : Je peux comprendre qu'un prestataire qui a mis en œuvre tant de travaux par conviction puisse s'interroger. Mais il faut qu'il se dise que c'est un confort d'usage, par exemple son plan incliné, qui satisfera, à l'avenir, aussi bien une maman avec poussette, qu'un client avec sa valise à roulette, une personne âgée ou une autre avec des béquilles. Oui, seulement dix clients handicapés ! Mais il ne tient pas compte de la satisfaction plus globale de sa clientèle. Il est vrai aussi que les prestataires sont souvent isolés, alors à quoi bon une chambre labélisée s'il n'y a à rien à faire autour ? C'est pourquoi nous raisonnons désormais en termes de « territoires adaptés ». Nos adhérents peuvent nous poser des questions et, s'ils ont besoin d'un coup de main, on trouvera une solution pour les mettre en relation, les faire connaître et constituer un réseau.