Par Julie CHARPENTRAT
PARIS, 26 mars 2011 (AFP) -
Plusieurs textes français et une convention de l'Onu garantissent, même de façon indirecte, aux personnes handicapées le droit à la sexualité et le respect de leur intimité, qu'elles habitent chez elles ou en institution, lesquelles sont quasiment toutes mixtes depuis plusieurs années.
Mais en pratique, comment faire quand les impératifs de sécurité du foyer exigent, par exemple, que les portes restent ouvertes la nuit, s'est interrogée une directrice d'établissement lors du colloque "Sexualité et Handicap" organisé vendredi par la Croix Rouge française.
Et en général, il n'y a pas de chambre double dans ces établissements où sont accueillis environ 250.000 adultes et plus de 100.000 enfants et adolescents;
Les foyers, comme les établissements d'aide par le travail, interdisent les rapports sexuels dans leur règlement intérieur, notent les intervenants. Alors que "les personnes handicapées vivent dans un désert affectif", relève le pédopsychiatre Roger Salbreux.
Pour Laurent Cobac, psychologue dans un établissement pour jeunes handicapés situé en Seine-et-Marne, "l'institution se protège, par peur du scandale, peur de l'image que les parents pourraient avoir" du foyer si les rapports sexuels étaient officiellement autorisés.
La sexualité des handicapés, moteurs ou physiques, "c'est sans doute l'un des derniers tabous" même si on commence, timidement, à en parler, affirme le directeur général de la Croix Rouge. Le récent débat autour des "assistants sexuels" pour personnes handicapées pourrait d'ailleurs aider à une prise de conscience de l'opinion publique, estime-t-il.
Pour une partie de la société, la sexualité des handicapés est "bestiale ou inexistante", ajoute le Dr Salbreux, d'où la difficulté d'aborder le problème, pourtant bien réel pour les personnes handicapées, dont beaucoup passent leur vie en institution.
Véronique Vernoux, éducatrice spécialisée dans l'établissement de Villepatour en Seine-et-Marne, évoque ainsi l'exemple de la mère d'une jeune femme de 20 ans, déficiente mentale accueillie dans l'établissement. "Quand on lui parle de contraception, elle dit que sa fille n'en est pas là".
Pourtant, plus encore que les autres, les handicapés "sont en demande d'amour" et cherchent le contact, témoigne Christine Emond, infirmière dans cet institut pour jeunes poly-handicapés.
"On leur explique la notion de pudeur, qu'ils peuvent se faire des bisous mais pas plus", ajoute l'infirmière, mais "c'est compliqué".
Alors, les adolescents "se cachent, il y a plein d'endroits sympas, des chambres ou les toilettes, tout le monde le sait, c'est totalement hypocrite", explique M. Cobac, qui serait favorable à ce qu'on autorise les rapports sexuels en établissement et les assistants sexuels à domicile.
"Oui, il y a de l'hypocrisie", abonde Olivier Brault. "On ne va pas dire que l'on autorise les relations sexuelles mais on refuse de se voiler la face, on met la question sur la place publique", argumente-t-il, tout en reconnaissant que sa position est "inconfortable".
La Croix Rouge s'attelle à former ses personnels à faire face aux situations délicates, aux questionnements des résidents, notamment grâce à l'intervention du Planning familial dans les établissements.
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Handicap- foyer: des rapports sexuels interdits mais tolérés
Les personnes handicapées ont bien du mal à avoir une vie sexuelle, surtout quand elles sont accueillies en établissements spécialisés, qui interdisent les rapports sexuels tout en les tolérant, un système "hypocrite" selon les professionnels.