Ce colloque du 16 mars 2012 a pour titre : « Trisomie 21, un enjeu éthique. Quelle urgence pour les politiques ? ». Le conseiller du premier ministre est présent, ainsi que les représentants des quatre principales compositions politiques : PS, FN, UMP et Modem. Leur présence s'inscrit dans la lettre ouverte que le collectif « Les amis d'Eléonore » (en l'occurrence une jeune femme trisomique de 26 ans) adressera à tous les candidats à l'élection présidentielle courant mars 2012. Il y affirme que nul ne peut ignorer cette question sociétale et existentielle et que seule une volonté politique pourra changer les choses. A deux reprises, le collectif a remis à François Fillon un dossier de candidature de grande cause nationale. En attendant, Emmanuel Laloux, président du collectif et papa d'Eléonore a déposé un nom de domaine : « Les oubliés de la campagne » !
Jean-Paul Delevoye, sans langue de bois
C'est ici que sont débattus les grands sujets de société. Il était donc légitime que Jean-Paul Delevoye, président du CESE (Conseil économique social et environnemental), ouvre les portes de l'hémicycle du Palais d'Iéna à ce colloque. La responsabilité politique est au cœur de son discours : « Très souvent, dans les moments de débats politiques, il y a des tours de prestidigitateurs qui cherchent à détourner notre attention de l'essentiel. Ce genre de débat sur la vie, sur la mort, sur la différence ne peut se faire sous le poids de l'émotion. Il faut de la distanciation pour avoir un regard sur l'essentiel. Je ne cesse d'entendre les illusions dans lesquelles le monde politique entretient la société : à travers les expertises, l'humain serait quelque chose de prévisible, qui garantit à une maman une enfant normal, presque sans rayure, comme sa voiture. Cette dérive de la maîtrise des défauts est très préoccupante car la société ne sera bientôt plus en mesure de supporter les aléas de la nature, jusqu'à faire en sorte que le handicap n'apparaisse plus. Faut-il réellement encourager cette quête de l'idéal ? Il y a urgence à prendre en compte cet enjeu éthique. Il faut réintroduire l'idée que la richesse de la vie ne vaut que par la perception de la mort, qu'il est nécessaire de souffrir, parfois, pour mesurer le bien-être. Si nous laissons nous entraîner dans une société de normes, nous cautionnons le discours hypocrite d'une société d'inclusion qui met en place un mécanisme d'exclusion. Nos sociétés développent des richesses matérielles qui appauvrissent notre richesse intellectuelle. »
Trisomie 21 : laboratoire humain
Parce que les personnes trisomiques font l'objet d'une stigmatisation violente et que l'élimination prénatale de 90 % des enfants détectés exprime l'intensité du rejet sociétal qui les touche, la trisomie 21 apparait comme emblématique mais aussi précurseur d'une vision générale sur le handicap, la maladie et la vulnérabilité. Comme un laboratoire humain et sociétal qui doit donc mobiliser notre vigilence ! Loin des considérations catégorielles qui se font entendre pendant une campagne politique, la place accordée par notre société aux personnes trisomiques relève de l'intérêt général car elle met en jeu la conception de l'humanité. Cette question semble donc aller bien au delà des clivages politiques et mobilise les inquiétudes quels que soient le partis. C'est en tout cas ce qui est affirmé dans le velours feutré de cet hémicycle. Feutré mais réactif !
Front national : Marie-Christine Arnautu
L'intervention impromptue de Marie-Christine Arnautu, vice-présidente du Front national en charge des affaires sociales, crée la confusion dans l'assemblée. Elle doit partir, prend la parole en premier. Tous les partis politiques ont été conviés mais, dans la précipitation, sans préambule, à peine présentée, mêler IVG, eugénisme et Front national, ça crée forcément la pagaille. Dans le public, certains décident de quitter la salle. La forme ayant été bâclée, le fond se laisse entendre. « Il n'est pas question de remettre en question la loi Veil mais nous voulons proposer le libre choix de ne pas avorter. Dans ce cas, la volonté politique peut jouer, notamment en créant le statut social de l'aidant. Dans le cas de l'IMG (Interruption médicale de grossesse), il faut être extrêmement vigilants car je suis bien incapable de vous dire ce qui est normal ou pas. La société doit faire un effort sur le regard porté sur les enfants et les personnes différentes. Il faut apprendre la tolérance et que l'Homme revienne au cœur du projet présidentiel. »
Parti Socialiste : Hamou Bouakkaz
Quelques minutes plus tard, l'hémicycle ayant retrouvé sa sérénité, c'est au tour de Hamou Bouakkaz, adjoint au maire de Paris, d'intervenir au nom du Parti socialiste. « J'ai beaucoup à transmettre à François Hollande pour qu'il soit à la hauteur des enjeux que vous avez définis. Aveugle de naissance, je me cherche une place dans un zoo pour conservation de l'espèce. La France s'est construite en se voulant universelle et en arasant les difficultés. Or le monde est issu d'un écart à la norme. Notre parti souhaite redonner toute sa place au singulier, à ceux qui posent un problème dans notre société. » Campagne électorale oblige, il égratigne au passage le candidat concurrent. Ce discours politisant ne sied guère à certains. Sifflet et huée... Froissant à nouveau le velours ! Par une habile pirouette, Hamou Bouakkaz se remet en selle : « La présence lumineuse d'Eléonore achève de me convaincre ; elle a beaucoup à nous apporter en potentiel d'émotions... Il faut redonner de l'initiative aux associations car la vie des personnes trisomiques s'est nettement améliorée grâce à la créativité du tissu associatif.
Modem : Geneviève Darrieussecq
Geneviève Darrieussecq, médecin expert santé et handicap, prend la parole au nom du Modem, par téléphone. Elle dit François Bayrou sensible aux situations humaines que pose le problème de la trisomie, qui exige compréhension, respect et solidarité. A la faveur d'ondes téléphoniques capricieuses, on ne retient que le mot « problème ». Rien ne vaut le direct !
UMP : Marie-Anne Montchamp
Marie-Anne Montchamp conclut ce quatuor de l'hémicycle pour ne pas dire cette quadrature du cercle. Elle n'est pas là au titre de son mandat de secrétaire d'Etat en charge du handicap mais bien en tant que support du candidat Sarkozy. Le propos est incisif. Pour elle, la trisomie 21 est synonyme de mort, dans deux cas de figure : la mort biologique ou sociétale. « Le diagnostic prénatal peut être vertueux car préparer l'arrivée d'un enfant différent ce n'est pas une perte de chance mais un gain de temps. Le non choix c'est l'échec du politique chaque fois que cela se produit. Cela suppose l'accessibilité à une information de qualité avec un langage adapté pour que le message puisse passer. La société française change ses repères mais elle est bien lente à comprendre ce qu'est le handicap psychique ou mental. Il faut que les parents aient le choix entre l'option médicale et celle du projet de vie. C'est à ce titre que le projet éthique sera respecté. Pour que la peur ne l'emporte pas sur le droit au bonheur. »
Eléonore présidente !
Le mot de la fin revient au papa d'Eléonore « Le non financement de la recherche est lourd de conséquences. Nous sommes enfermés dans la loi de 1975 qui a créé les établissements. Cela tue la responsabilité des parents et empêche la construction d'un vrai projet de vie. Aujourd'hui, pour m'être bagarré depuis 26 ans pour Eléonore, j'attends de l'Etat qu'il encourage et libère les initiatives. Investir dans la recherche serait très positif. Ce colloque montre le bonheur que nous avons à vivre avec un enfant différent mais je voudrais aussi que l'Etat le dis