Handicap.fr: Vestiaires, Dans la peau d'un handicapé, Dans tes yeux sur Arte... En 2011, tous ces programmes abordent la question du handicap. Comment expliquez-vous un tel phénomène ?
Rémy Pflimlin: Il faut se féliciter de la présence de plus en plus importante des personnes en situation de handicap dans les programmes. En effet, l'exposition de la différence, qu'elle soit banalisée ou au contraire expliquée, est un levier d'intégration. Cette exposition grandissante est le reflet du travail des associations et des personnes handicapées elles-mêmes pour faire reconnaître leurs droits à être intégrées dans la société au même titre que toute personne valide. France Télévisions, avec son bouquet de chaînes, s'adresse à tous les publics et doit donc rendre compte de cette évolution et se doit d'y contribuer.
H: Sans parler du succès sidérant du film « Intouchables », le handicap devient-il, enfin, visible à l'écran ?
RP: Il y a encore du chemin à parcourir, mais l'on observe une vraie évolution. La démarche doit être double. Il faut, d'une part, traiter des questions de handicap à l'écran. C'est ce que France Télévisions s'attache à faire avec le lancement du programme court Vestiaires mais également avec la programmation de magazines spécifiques tels que A vous de voir ou encore de programmes unitaires et de thématiques dédiées (fiction Simple suivi d'un débat, documentaire Sexe, amour et handicap sur France 2, Les maternelles, Allo Rufo sur France 5). Cette année encore, l'ensemble des chaînes du groupe a bouleversé ses grilles et ses programmes pour fêter Les 25 ans du Téléthon.
H: Quelle est la seconde ambition d'un media de service public ?
RP: Banaliser, autant que faire se peut, la présence de la personne en situation de handicap dans les programmes sans que cette dernière ne soit un sujet en soi. Faire d'elle un protagoniste au même titre que les autres : personnage de fiction, animateur, journaliste... A ce titre, il est certain que des progrès restent à faire mais on peut déjà noter quelques initiatives comme l'intégration de journalistes et chroniqueurs en situation de handicap dans les journaux de France 2, Télématin, ou bien encore au sein du magazine L'œil et la main, seule émission du paysage audiovisuel français en langue des signes, diffusée sur France 5, qui aborde des thèmes reflétant les préoccupations propres à la communauté mais aussi de l'information générale.
H: Comment vous est venue l'idée de Dans la peau d'un handicapé diffusé en mars sur France 4 ?
RP: C'est Olivier Hallé, le producteur, qui est venu trouver France 4 avec ce projet un peu avant l'été 2011. La chaîne cherchait depuis quelques temps comment aborder les questions de société touchant les jeunes avec une écriture feuilletonnante basée sur l'immersion. Le film permet à quatre jeunes de tester in situ les obstacles de la vie quotidienne en chaise roulante, le tout commenté par une jeune handicapée rayonnante. Nous avons réussi avec ce programme à donner une image positive et non larmoyante, tout en dénonçant les difficultés réelles.
H: Et comment est né Vestiaires ? Y-aura-t-il une autre saison ?
RP: Adda Abdelli et Fabrice Chanut (qui jouent également dans la série), membres de la Fédération handisport de natation, et passionnés de cinéma, sont à l'origine de ce concept inédit. Au départ, une seule envie les animait : faire rire. Lorsqu'ils ont proposé, sans trop y croire, leur projet à France 2, l'engouement de la chaîne fut immédiat. Une autre saison est en préparation.
H: Avez-vous reçu des témoignages de détracteurs qui critiquent ce type de programme, vous reprochent leur cynisme ou leur indécence ?
RP: L'ensemble des courriers téléspectateurs que nous avons pu recevoir ont été très positifs et les réactions enthousiastes. Il est vrai que la manière dont est abordé le handicap est nouvelle, mais c'est justement l'intérêt de ces offres et notre mission que de faire bouger les perceptions.
H: Et les personnes handicapées, les associations concernées, comment réagissent-elles ?
RP: France Télévisions travaille en étroite collaboration avec les associations œuvrant pour la représentation du handicap. En janvier dernier, notre directrice en charge de la Responsabilité sociétale et environnementale a échangé directement de nos programmes dédiés avec l'ensemble des associations au service des personnes handicapées, lors de la réunion intermédiaire de la commission nationale Culture et handicap au Ministère de la Culture. Nos programmes ont été unanimement salués. Les associations et leurs représentants sont par ailleurs des interlocuteurs naturels et réguliers de France Télévisions et de sa filiale MFP en ce qui concerne les moyens d'accessibilité (sous-titrage et audiodescription - cf. infra)
H: Est-ce que toutes ces actions sont également motivées par la nécessaire représentation des minorités imposées par le CSA ? Les chaînes de télé ont-elles des consignes à ce sujet ?
RP: La diversité à l'antenne est un sujet essentiel pour France Télévisions, et ceci, je dirai, par principe, indépendamment du fait que le CSA, dont c'est pleinement le rôle, s'en préoccupe également.
H: Ces émissions sont-elles « rentables » en termes de part de marché ?
RP: Je ne parlerais pas de « rentabilité » ; mais notre souhait est bien entendu que ces programmes rencontrent le succès et touchent le maximum de téléspectateurs. C'est pourquoi nous nous efforçons qu'ils soient de qualité et séduisants.
H: Comment réagissent les annonceurs sur ce type de programmes ?
RP:De manière générale, ils sont très ouverts. C'est également l'occasion pour eux de peaufiner leur image. Les équipes de la communication interne comme externe ont pour objectif d'élaborer des plans de communications prioritaires pour les évènements antennes liés à la diversité. De même, notre direction des partenariats et notre régie publicitaire ont pour objectif de mieux valoriser et de rationnaliser les partenariats avec les associations œuvrant dans le domaine de la diversité.
H: Quelles sont les actions menées par votre groupe, cette fois-ci en faveur des travailleurs handicapés ?
RP: Nous travaillons depuis mai 2006 au développement d'une politique en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés. Souhaitant renfoncer nos efforts en la matière, nous nous sommes engagés à partir du 1er janvier 2011 dans un nouvel accord plus ambitieux qui doit permettre d'intégrer la prise en compte du handicap dans l'ensemble des processus RH (ressources humaines) de l'entreprise. Par ailleurs, France Télévisions tient compte des critères de responsabilité sociale et environnementale dans les appels d'offres du groupe et travaille étroitement avec l'association Pas@Pas pour promouvoir les achats solidaires.
Propos recueillis par Emmanuelle Dal'Seco, journaliste Handicap.fr
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