HANOI, 30 mai 2013 (AFP) -
Le pays de 89 millions d'habitants affiche l'un des taux de handicap infantile les plus élevés au monde, héritage de l'épandage intensif par l'armée américaine d'agent orange - un défoliant - sur le maquis Vietcong.
L'orphelinat Bo De Pagoda, à Hanoi, où s'activent 34 bénévoles, accueille des dizaines d'enfants souffrant de handicap mental ou physique, parfois les deux, trisomiques, aveugles, hydrocéphales...
C'est le cas de ce bébé de six jours, affecté par un excès de liquide céphalorachidien, abandonné aux portes de l'orphelinat il y a quelques jours.
"Les parents laissent les enfants à l'entrée de la pagode ou les abandonnent à l'hôpital. Pour les plus lourdement handicapés, les familles les amènent ici quand elles ne peuvent tout simplement plus s'en occuper", explique à l'AFP un bénévole, Nguyen Thi Thanh Hue.
Selon Hanoi, jusqu'à trois millions de Vietnamiens ont été exposés à l'agent orange, et un million souffrent de graves problèmes de santé aujourd'hui à cause de la dioxine qu'il contient, dont 150.000 enfants nés avec des malformations.
Signe de l'acuité du problème, l'Unicef a choisi la ville de Danang pour publier ce jeudi son rapport 2013 sur les enfants dans le monde, consacré cette année au handicap.
Danang était utilisée par les Américains pour mélanger, stocker et charger dans les avions l'agent orange dont 80 millions de litres ont été pulvérisés sur les jungles du Sud Vietnam.
Le pays, qui a signé la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées mais ne l'a pas ratifiée, compte aujourd'hui 20.000 enfants pris en charge dans des établissements spécialisés, dont la moitié sont handicapés, selon le directeur exécutif de l'Unicef, Anthony Lake.
"Dans ces institutions, les enfants ne reçoivent pas le genre de stimulation et, sans vouloir être trop sentimental, l'amour qui permettent au cerveau de se développer", explique-t-il.
La vie des enfants non internés n'est souvent guère plus radieuse. Les familles pauvres sont dans l'incapacité d'équiper leurs enfants, de leur payer les soins dont ils ont besoin, et les écoles ne sont pas adaptées.
Linh Chi, dont le grand-père a été exposé à l'agent orange, est née sans membres inférieurs et supérieurs. La famille n'a quasiment pas reçu d'aide du gouvernement vietnamien et leur salaire - quatre millions de dongs par mois (environ 150 euros) - leur permet à peine de survivre.
"J'aimerais simplement que la société lui accorde un peu d'attention. Ce serait bien pour l'image qu'elle a d'elle-même", confie sa mère Trinh Ngoc Thuy, jointe par téléphone dans la province de Yen Bai où vit la famille.
Le gouvernement s'est publiquement engagé à faire davantage pour les handicapés dont il estime le nombre à 6,7 millions, sans toutefois préciser les tranches d'âge.
Dans les pays pauvres ou émergents, "s'occuper d'un enfant handicapé est un fardeau incroyable" pour les familles, reconnaît Anthony Lake. L'aide au maintien à domicile et la scolarisation ou l'hospitalisation de jour devraient primer sur le placement, selon lui.
Phuong Ahn, 16 ans, est atteinte d'ostéogenèse imparfaite, une affection qui rend les os fragiles dite "maladie des os de verre". Sa mère a quitté son emploi pour s'occuper d'elle et lui permettre de suivre une scolarité à peu près normale.
Mais "c'est très difficile parce que (...) les locaux de l'école publique ne sont pas adaptés aux personnes en chaise roulante. C'est la réalité au Vietnam et j'espère que ça changera", déclare-t-elle à l'AFP.
Phuong Ahn a récemment connu la célébrité en participant à l'émission "Le Viet Nam a du talent", une tribune exceptionnelle pour l'adolescente qui entend changer les perceptions.
"Le plus important est que les autres nous considèrent comme leurs égaux", dit-elle.
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