Parmi les centaines de milliers de lycéens qui s'apprêtent à affronter les épreuves du bac l'angoisse au ventre,
certains candidats ont un défi supplémentaire à relever, comme Yvan Wouandji, non voyant, qui passe cette année l'épreuve anticipée de français.
Aveugle depuis l'âge de dix ans en raison d'un décollement de la rétine, Yvan a fait le choix depuis deux ans d'étudier dans un lycée ordinaire, à Buffon (15ème) et de préparer le bac aux côtés d'élèves voyants. "C'est bien d'être dans une école spécialisée mais on s'habitue à un cocon, tout est fait pour nous, tout est à portée de main. Mais dans la vie, on n'a rien à portée de main, il faut toujours se battre", justifie ce jeune homme de vingt ans, jusqu'alors scolarisé à l'institut national des jeunes aveugles.
Chaque jour, il quitte son internat et se rend au lycée, canne blanche télescopique à la main. Se repérer dans l'établissement et suivre les cours sans en perdre une miette ne s'est pas fait sans effort.
"La première année d'adaptation, on doit apprendre à gérer plein de choses, ce n'est pas toujours facile", explique Yvan, qui retrouve sa famille à Rosny-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) chaque week-end.
Après avoir planché sur les épreuves du bac de français l'an dernier, ses résultats - 5 à l'écrit et 10 à l'oral- l'ont déçu: Yvan a donc choisi de redoubler sa première L cette année pour décrocher de meilleures notes.
Alors que s'achèvent les cours, dernière séance de révision pour la classe. Yvan déchiffre un poème de Victor Hugo en laissant glisser ses doigts sur les textes écrits en braille, trébuchant parfois sur certains mots. Les autres l'écoutent patiemment. Un tiers de temps en plus.
En classe, il peut aussi écouter les textes grâce à une oreillette reliée à son ordinateur portable. Pour cela, les professeurs ont dû aussi s'adapter, en fournissant à Yvan les textes étudiés sous forme électronique. "C'est une difficulté matérielle, de prévoir à chaque fois la clé USB" reconnaît Thierry Guilbot, son professeur de français. Très souriant et sociable, le jeune homme en baskets et polo s'est "très bien intégré" dans sa classe, juge Thomas, 16 ans, un de ses condisciples. "J'ai eu de la chance de me faire des copains. Je peux compter sur eux pour qu'ils me lisent ce que le professeur écrit au tableau", raconte le jeune homme, plutôt populaire au lycée. "Mais ça peut être lassant pour eux", ajoute-t-il, tâchant de solliciter à tour de rôle ses camarades.
"Plutôt doué à l'oral", Yvan "sait qu'il n'est pas capable de faire une dissertation, qui demande une méthode très lourde", estime son professeur de français, qui lui conseille de choisir plutôt le sujet d'invention.
Le lycéen, extrêmement volontaire, a conscience de ses limites. Sans handicap, explique-t-il, "j'aurais lu autant que mes copains, voire plus. Quand on voit, c'est beaucoup plus facile, on a accès à beaucoup plus de
documents". Ce passionné de sport et de théâtre, qui veut devenir journaliste, vise
tout de même la moyenne à l'écrit de français et un peu plus à l'oral. Le jour de l'épreuve, comme plus de 20.000 candidats en situation de handicap, Yvan aura droit à un tiers de temps supplémentaire. Il pourra
écrire sa copie grâce à un ordinateur ou la dicter à un assistant.
Mais un autre défi l'attend: l'écrit de français tombe en plein milieu des championnats d'Europe de cécifoot, auquel participe ce vice-champion paralympique. "J'ai envie de réussir les deux", clame-t-il, tout en avouant
en riant: "Je suis beaucoup plus stressé pour le championnat d'Europe que pour le bac français".*
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