Catherine Barthélémy prône des soins précoces pour changer le destin des enfants autistes. Le regard toujours vif à l'âge de 70 ans, la professeure de pédopsychiatrie, installée à Tours, doit recevoir, jeudi 8 décembre 2016, le prix de l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) couronnant 40 ans de recherche. « C'est formidable ! C'est une triple reconnaissance : d'une équipe (de l'Université de Tours, NDLR) où tout le monde est pleinement impliqué, de l'infirmière au chercheur en passant par l'orthophoniste; (de ce) que l'autisme n'est pas une maladie honteuse, qu'elle mérite la recherche; du combat des parents pour qu'on fasse de la recherche », insiste la scientifique.
Bien former pour mieux soigner
« J'ai consacré ma vie à cela et je continue », confie Mme Barthélémy en exposant : « Vous savez, c'est un engagement social. Je suis médecin... Je veux guérir, aider les gens ». Elle insiste sur le fait qu'il faut « former les médecins pour qu'ils identifient le plus précocement possible les petits signes cliniques, neurologiques ou morphologiques chez les enfants ». C'est là l'une de ses plus importantes découvertes pris précocement, vers 18 mois ou deux ans, un enfant autiste peut voir changer le cours de sa vie, pour peu qu'il bénéficie d'un traitement adapté. À Tours, on parle de « thérapie d'échange et de développement ». « Grâce à des jeux, on refera avec l'enfant tout le cheminement du développement du cerveau », explique-t-elle.
Des causes multifactorielles
Catherine Barthélémy se souvient de l'époque, pas si lointaine - dans les années 1980 - où elle se faisait huer dans les congrès de spécialistes parce qu'elle osait dire que les enfants autistes n'étaient pas victimes du comportement de leur mère, qu'ils ne souffraient pas d'une maladie d'origine psychologique, mais de troubles du développement de leur cerveau. Aujourd'hui, elle décrit un trouble du comportement affectant la relation à l'autre et dont les conditions d'apparition, au-delà de la prédisposition neurologique, sont multifactorielles. Elle cite ainsi l'exposition de la mère au médicament antiépileptique Dépakine au cours de la grossesse comme l'un des facteurs pouvant favoriser le « déclenchement » de l'autisme chez l'enfant. Elle soupçonne par ailleurs d'autres circonstances susceptibles de participer à l'apparition de la maladie...
De nombreuses variantes
Le champ de recherche, en revanche, n'est pas clos. Le spectre des patients affectés est très large, allant du surdoué au cas extrême de déficience intellectuelle : « Au moins 1% de la population française, tout âge confondu, présente des troubles autistiques », explique la chercheuse. Dans ses formes les plus légères, il peut s'agir de personnes « perçues seulement comme égoïstes, maniaques, indifférentes aux autres... ». « Ceci n'est pas une option pour elles : elles n'ont pas le choix », poursuit-elle.
Vers plus de confiance
Hormis les troubles relationnels, « les comportements répétitifs et obsessionnels et l'extrême sensibilité au moindre changement dans leur environnement peuvent prendre, pour eux, des dimensions cataclysmiques », précise la pédopsychiatre, qui insiste sur l'importance d'un dépistage précoce. « Nous avons des cas d'enfants atteints d'autisme sévère qui ont passé le bac. Bien sûr, ce n'est pas le cas de tous, mais nous améliorons de toute façon leur qualité de vie en leur permettant d'accéder à la confiance, à l'échange, à la complicité et à la relation avec l'autre », résume-t-elle.
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