Il y a 70 ans, la rue Soufflot, à Paris, voyait s'avancer une foule serrée de personnes aveugles qui suivaient le corps de Louis Braille remontant vers le Panthéon au bruit de leur canne blanche balayant les pavés. Le 22 juin 2022, « Braille is back » ! Pour l'occasion, une cérémonie officielle, organisée par plusieurs associations * et ouverte au public replonge les participants dans l'émotion que provoqua l'arrivée au Panthéon de l'enfant génie devenu homme puis grand homme reconnu par sa patrie. Lumière sur le parcours de celui qui a dissipé les ténèbres pour les personnes aveugles...
1825 : naissance du braille
Louis Braille voit le jour le 4 janvier 1809 à Coupvray, en Seine et Marne. Son père exerce la profession de bourrelier, travaillant la bourre et le cuir afin de réaliser des pièces d'attelage. En 1812, à l'âge de trois ans, il se blesse à l'œil en jouant dans l'atelier paternel. Malgré les soins, l'infection gagne l'autre œil et le rend aveugle. Quelques années plus tard, il est scolarisé à Paris au sein de l'Institution royale des aveugles, école fondée par Valentin Haüy. Il y apprend la sonographie, qui permet aux militaires de communiquer la nuit. Le hic, c'est que ce système se base uniquement sur les sons et ne prend pas en compte l'orthographe, la ponctuation... Insatisfait, Louis, élève particulièrement brillant, décide alors de créer son propre code alphabétique. En 1825, à seulement seize ans, il invente officiellement l'écriture à points qui portera bientôt son nom et ouvre ainsi les livres et la connaissance aux personnes aveugles du monde entier. A partir de 1 à 6 points en relief, disposés en deux colonnes de trois points, le braille permet 64 combinaisons comprenant l'alphabet, les accents, la ponctuation, les signes mathématiques et les notes de musique... De nombreux objets ou appareils (montres, jeux de société, mesureurs, ascenseurs...) sont ainsi adaptés à l'usage des personnes aveugles ou très malvoyantes.
Un manifeste pour promouvoir l'utilisation du braille
Alors que le braille favorise l'insertion sociale et professionnelle des personnes en situation de handicap visuel et garantit leur autonomie, il reste très insuffisamment soutenu dans l'Hexagone. On estime en effet que, en France, seules 15 % d'entre elles savent le lire (article complet en lien ci-dessous). Afin de promouvoir cet « outil précieux », l'ensemble des associations dédiées publie un manifeste comprenant quatre propositions (en lien ci-dessous). La première ? Garantir son enseignement dès le plus jeune âge à tous les enfants déficients visuels, notamment en augmentant le nombre d'enseignants qualifiés ou encore en introduisant dans les programmes scolaires une sensibilisation à la cécité et au braille. Le collectif propose également de financer de façon pérenne la production de livres en braille pour avoir accès à l'ouvrage de leur choix « dans un délai raisonnable et au prix du marché ». Autres recommandations : généraliser l'utilisation du braille sur les sites culturels, dont seuls 10 % sont accessibles aux personnes aveugles, mais aussi développer l'étiquetage en braille sur les produits de grande consommation et dans les espaces publics.
Programme de la journée d'hommages
Afin de revenir en détails sur cet alphabet tactile qui permet à des millions de personnes d'accéder au savoir, l'Institut national des jeunes aveugles (Inja) organise le 22 juin, de 10h à 12h, le colloque international (en français et en anglais) sur les thèmes « l'histoire de Louis Braille, le braille en 2022, le braille dans le monde, le braille et les écrits scientifiques » (inscription gratuite via le lien ci-dessous). Rendez-vous ensuite, de 14h à 19h, place du Panthéon, autour de la sculpture de Louis Braille pour participer à des ateliers de sensibilisation (lecture, concerts, parcours de mobilité à l'aveugle...). La cérémonie officielle d'hommage débute à 15h30. Des personnalités telles que Rima Abdul-Malak, ministre de la Culture, l'écrivain Erik Orsenna, le comédien Thierry Lhermitte, le pianiste Pascal Amoyel, la violoncelliste Emmanuelle Bertrand, la chanteuse Maria Doyle (article en lien ci-dessous), le chanteur lyrique Bertrand Bontoux et d'autres artistes déficients visuels se succèderont pour rendre hommage au « tout premier codeur de l'histoire ». A 17h, une gerbe de fleurs sera déposée sur son tombeau dans la crypte du Panthéon. Enfin, les associations demandent à clôturer cette cérémonie par un acte « symbolique et fondateur » : rebaptiser la station de métro Duroc -située à proximité des sièges des associations historiques-, en Louis Braille-Duroc. A voir ?
* L'Institut national des jeunes aveugles (Inja), apiDV, Valentin Haüy, Voir Ensemble, la Fédération des aveugles et amblyopes de France