« L'obésité n'est pas un gros mot, c'est une maladie ! » Une maladie chronique complexe qui concerne 800 millions d'adultes à travers le globe et fait toujours plus de victimes. Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), depuis 1975, leur nombre a presque triplé. Parmi eux, 8 millions de Français, écrasés par ce poids considérable sur leur vie sociale, professionnelle mais aussi leur santé, physique comme mentale. « Pourtant, ils ne bénéficient pas d'une véritable prise en charge adaptée », déplore le Collectif national des associations d'obèses (CNAO). A l'occasion des Journées mondiales dédiées, du 2 au 4 mars 2023, de nombreuses voix s'élèvent pour lutter contre ce « fléau » et faire bouger... les lignes.
1 adulte sur 2 en excès de poids
L'étude Obépi-Roche 2020, menée par la Ligue contre l'obésité, coordonnée par des chercheurs de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et du CHU de Montpellier, publiée en janvier 2023, est alarmante : 47,3 % des adultes français sont obèses ou en surpoids, soit près d'un majeur sur deux. Quelle différence ? Chez l'adulte, on parle de surpoids quand l'indice de masse corporelle (IMC) est égal ou supérieur à 25 et d'obésité quand il est égal ou supérieur à 30. Chez les enfants, il faut tenir compte de l'âge pour le définir. Si, depuis 1997, la prévalence du surpoids fluctue autour de 30 %, celle de l'obésité est passée de 8,5 % en 1997 à 15 % en 2012 et 17 % en 2020. L'augmentation est encore plus marquée dans les groupes d'âge les plus jeunes, et pour l'obésité morbide dont la prévalence a été multipliée par près de sept en 23 ans. « Force est de constater qu'au contraire des espérances tant des pouvoirs publics que des professionnels de santé, depuis la mise en œuvre du Programme national nutrition santé en 2001, l'obésité en France ne fait que s'accroître, année après année », soulignent Annick Fontbonne et David Nocca, auteurs de l'étude.
Comorbidités et mortalité élevées
« L'obésité correspond à un excès de masse grasse et à une modification du tissu adipeux », définit l'Inserm. Ses causes sont complexes. Elle résulte de plusieurs facteurs (alimentaires, génétiques épigénétiques et environnementaux) qui se mêlent et influencent son développement. Cet excès de masse grasse est associé à de nombreuses comorbidités et à une mortalité élevée. Cette pathologie augmenterait notamment le risque de maladies cardiovasculaires (première cause de décès dans le monde), de diabète, de troubles musculo-squelettiques, de nombreuses formes de cancers (endomètre, sein, ovaires, prostate, foie, vésicule biliaire, rein et colon). Plus récemment, des données ont montré que les personnes touchées étaient plus sujettes aux formes graves de Covid-19. « Son impact sur la santé et son coût économique et social sont donc considérables », alerte l'Inserm.
Obésité multipliée par 4 chez les 18-24 ans
Outre le fait d'alerter, l'enquête de l'Inserm vise à fournir des indications précises sur les populations les plus touchées afin d'affiner les politiques de prévention. Premier constat : les plus âgés sont, pour l'heure, davantage concernés, l'excès de poids touchant 57,3 % des 65 ans et plus contre 23,2 % des 18-24 ans. « Néanmoins, c'est chez les plus jeunes que l'augmentation de la prévalence de l'obésité au fil des ans est la plus forte, s'inquiète l'Inserm. Depuis 1997, elle a été multipliée par plus de quatre chez les 18-24 ans et par près de trois chez les 25-34 ans, tandis que la hausse chez les 55 ans et plus est faible depuis 2009. »
Les femmes et les habitants du Nord plus touchés
Des différences entre les sexes sont aussi observées. En 2020, les hommes sont plus souvent en surpoids que les femmes (36,9 % contre 23,9 %) mais c'est l'inverse pour l'obésité. Ainsi, on dénombre 17,4 % d'obèses chez les femmes contre 16,7 % chez les hommes. Sur le plan géographique, la prévalence de l'obésité dépasse 20 % dans le Nord et le Nord-Est de la France et est la plus basse (moins de 14,5 %) en Ile-de-France et dans les Pays-de-la-Loire. Autre facteur : la catégorie socioprofessionnelle. Si environ 18 % des ouvriers et des employés sont concernés, ce chiffre est nettement plus faible chez les cadres (9,9 %) et les professions intermédiaires (14,4 %).
Prévenir plutôt que guérir
Pour inverser cette tendance « inquiétante », Anne-Sophie Joly, présidente du CNAO, incite à mettre en place des politiques publiques qui s'appuient sur des « fondamentaux » : favoriser la pratique d'une activité physique dès le plus jeune âge, enseigner les bienfaits d'une alimentation saine et équilibrée, lutter contre les différentes sources de pollution et les perturbateurs endocriniens et contre la précarité. Elle recommande également de bâtir un environnement plus favorable à la santé, assurer une prise en charge psychologique des patients, lutter contre la sédentarité, avec des politiques de préventions fortes, instaurer une réglementation mondiale forte des industries de l'agro-alimentaire sur l'ultra-transformation des aliments, imposer le Nutri-score sur tous les aliments ainsi que sur les publicités. « Les professionnels de santé, médecins et paramédicaux doivent également être formés, dès leur cursus initial, sur l'obésité et ses pluri-pathologies », ajoute-t-elle.
Une prise en charge thérapeutique personnalisée
Si la prévention est, selon l'Inserm, la « clé de voûte » de la lutte contre l'obésité, une prise en charge thérapeutique est également nécessaire. Selon cet organisme de recherche, les interventions portant sur le mode de vie (comportement alimentaire, sédentarité et activité physique, sommeil, difficultés psychologiques…) constituent le premier pilier mais « elles sont rarement suffisantes pour obtenir une perte de poids significative et la maintenir à long terme ». En fonction des situations individuelles, la prise en charge peut donc être combinée à d'autres stratégies incluant la prise de médicaments anti-obésité et/ou la chirurgie bariatrique, qui consiste à modifier la façon dont les aliments sont absorbés par le système digestif. « Des techniques endoscopiques moins invasives sont également possibles dans certains cas », ajoute l'Inserm.
Parce qu'un accompagnement sur-mesure est fondamental, des centres spécialisés fleurissent sur le territoire depuis plusieurs années. C'est notamment le cas de celui du groupe hospitalier Diaconesses Croix Saint-Simon, situé à Paris 20e. Outre le fait de proposer un suivi au long cours, en secteur 1, sans dépassement d'honoraires, sa force réside surtout dans sa capacité à orchestrer l'intervention des différents spécialistes de l'établissement pour une prise en charge multidisciplinaire. Dernière évolution en date ? La collaboration avec le centre de fertilité, « pour répondre qualitativement aux besoins des patientes dont l'obésité entraîne une infertilité ».
Sensibiliser pour cesser d'être stigmatisé
Enfin, « il est aujourd'hui capital de sensibiliser le grand public et de vulgariser ces questions afin que les personnes obèses cessent d'être stigmatisées, qu'elles soient véritablement considérées comme des patients et puissent bénéficier d'une prise en charge adaptée », martèle Anne-Sophie Joly. Pour ce faire, le CNAO a notamment réalisé un spot audiovisuel « positif, rythmé et impactant », diffusé le 4 mars 2023 dans les médias à l'occasion de la Journée mondiale, qui s'articule autour du message : « L'obésité est une maladie qui se soigne. Pensez à vous, prenez soin de vous ». Pour donner du poids à son message, il organise, le 2 mars, de 18h à 20h, un webinaire dédié à la prévention. Ouvert à tous, il donne la parole à des médecins, sénateurs, économistes et autres experts afin de mobiliser sur cet enjeu de santé publique. En parallèle, le collectif milite pour faire reconnaître l'obésité comme une maladie chronique et la faire déclarer « grande cause nationale, avec la mise en place d'un plan décennal et interministériel hébergé au niveau de Matignon ». Leitmotiv ? « L'obésité est associée à 19 pathologies aux conséquences humaines, sociales, sanitaires et économiques importantes, pas un choix de vie ! »