« Nous avons engagé un mouvement majeur de simplification de la vie des personnes en situation de handicap », assure Edouard Philippe, à l'issue du Comité interministériel du handicap (CIH), le 3 décembre 2019. Ce troisième CIH de l'ère Macron réunissait plusieurs ministres au sein du musée de l'Homme à Paris, à l'occasion de l'ouverture de l'exposition Etre beau qui présente 26 portraits de personnes en situation de handicap (article en lien ci-dessous), inaugurée en présence, notamment, de Brigitte Macron. Le Premier ministre a dressé un bilan des dix mesures tenues en 2019 et en a annoncé 22 « nouvelles » qui seront déployées en 2020, pour la grande majorité déjà connues (en détail dans le lien ci-dessous). Il en a profité pour annoncer, enfin, la date de la prochaine Conférence nationale du handicap (CNH) qui se tiendra le 11 février 2020, à l'Elysée, en présence d'Emmanuel Macron. Un choix symbolique 15 ans après l'adoption de la loi Handicap du 11 février 2005.
5 mesures inédites
Parmi ces mesures, cinq sont inédites : une meilleure scolarisation des enfants polyhandicapés grâce à des unités d'enseignement adaptées, la mise en œuvre, dès 2020, des premiers logements « évolutifs », avec obligation de salles de bain adaptables (zéro ressaut de douche). Mais aussi la mise en place d'un centre de ressources « Vie intime, sexuelle et accompagnement à la parentalité » dans chaque région, déjà évoqué lors du récent Grenelle contre les violences conjugales (article en lien ci-dessous). En matière de santé, le gouvernement prévoit le déploiement d'une offre de consultations dédiées au sein des établissements de santé et une tarification graduée des consultations hospitalières pour tenir compte de la situation spécifique des patients handicapés. Il s'est également engagé à renforcer l'accessibilité des biens et services culturels via l'amélioration des livres adaptés et des catalogues d'éditeurs au format numérique. Une charte était, par ailleurs, signée lors de cette soirée, promettant d'améliorer la visibilité des personnes handicapées dans l'audiovisuel (article complet en lien ci-dessous).
17 déjà connues
Les 17 mesures restantes avaient déjà fait l'objet d'annonces et promettent d'être déployées en 2020. Il s'agit notamment de l'ouverture des droits à vie pour certains bénéficiaires de la PCH (prestation de compensation du handicap) ou de la RQTH (reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé), la suppression de la barrière d'âge qui empêchait une personne handicapée admissible à la PCH de la demander après 75 ans, mais aussi des solutions nouvelles de proximité pour éviter les départs en Belgique. En termes d'éducation, une amélioration des modalités d'accompagnement dans l'enseignement agricole est prévue. En matière d'emploi, une plateforme numérique emploi formation va être lancée, et chaque région proposera un accueil unique Pôle emploi/Cap emploi. Le gouvernement promet également une « augmentation forte » du nombre d'apprentis en situation de handicap et le déploiement d'un service national universel ouvert à tous. Un plan massif de formation au bénévolat intégrant la formation aux premiers secours devrait permettre d'engager 3 000 volontaires en situation de handicap sur les évènements sportifs internationaux, notamment Paris 2024.
Sport, aidants, transports...
Par ailleurs, les premières équipes mobiles départementales croisant l'expertise de la protection de l'enfance et du médico-social sont à l'ordre du jour. Tandis qu'une nouvelle version du « Handiguide » permettra d'identifier l'offre de sport accessible à proximité de son domicile. Côté mobilité, des tarifs préférentiels pouvant aller jusqu'à la gratuité dans tous les transports collectifs terrestres seront accordés aux accompagnateurs de personnes handicapées. Quant aux services de transport adapté à la demande, ils seront ouverts plus largement. Enfin, trois mesures sont dédiées aux aidants : création d'un congé rémunéré, défiscalisation et exonération totale de contributions sociales pour le dédommagement « aidant » attaché à la PCH et la mise en place d'un numéro unique d'appel pour rompre leur isolement.
Handicap : politique transversale
« Nous avons, par ailleurs, confié au Dr Denormandie une mission pour améliorer l'accès et la qualité d'usage des aides techniques », poursuit Edouard Philippe. Un sujet qu'il estime « complexe » du fait des différentes législations. Le chef du gouvernement dit également vouloir être « plus exemplaire concernant l'accessibilité au service public et l'emploi au sein des administrations publiques ». « Nous avons essayé de faire en sorte que l'on se demande systématiquement comment prendre en compte la situation des personnes handicapées dans chaque politique publique », a-t-il ajouté. Un exercice, selon lui, des plus « utiles » et un objectif « assez simple à formuler mais pas à atteindre ». En conclusion, il s'est dit à la fois « très ambitieux et très réaliste ». En l'absence d'annonce tonitruante, dont on laissera peut-être le privilège à Emmanuel Macron lors de la future CNH, les réactions des associations sont attendues...
Réaction des associations
Pour APF France handicap, « il est nécessaire d'aller bien au-delà des mesures, pour la plupart déjà annoncées auparavant ! ». Elle se satisfait néanmoins que certaines « répondent » aux « mobilisations de longue date » des associations mais compte sur la prochaine CNH pour que le gouvernement réponde « concrètement aux attentes des 12 millions de personnes en situation de handicap et de leur famille ». A cet égard, elle pointe trois priorités, en premier lieu le bilan des Agendas d'accessibilité programmée (Ad'AP) qui devait être réalisé avant fin 2019 et l'application de sanctions. Elle rappelle par ailleurs qu'elle est contre l'intégration de l'AAH (allocation adulte handicapé) dans le futur revenu universel d'activité. Enfin, elle demande l'application d'un droit à compensation du handicap intégral afin de financer, notamment, toutes les aides humaines et techniques. De son côté, l'Unapei dénonce un «paradoxe entre l'ambition affichée et les moyens effectivement dédiés ». Si cette association de personnes avec un handicap mental « salue ces mesures qui vont permettre de poursuivre les efforts impulsés », elle « regrette cependant que les engagements portés ne répondent pas à l'urgence (…), ainsi qu'aux enjeux de la transformation des modèles d'accompagnement existants ».