AAH en couple: le Sénat pour, le gouvernement contre

Après les députés, les sénateurs ont voté la fin de la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l'AAH. Mais ce texte doit maintenant repasser à l'Assemblée, à majorité LREM. Or Sophie Cluzel se dit contre ce principe. Quelle issue ?

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Par Véronique Martinache

Dernière minute du 19 mars 2021
La proposition de loi visant à cesser de prendre en compte les revenus du conjoint pour attribuer l'allocation aux adultes handicapés (AAH) votée le 9 mars par les sénateurs devait repasser par l'Assemblée nationale. Mais quand ? Le groupe Gauche démocrate et républicaine (GDR) a décidé de l'inscrire à l'ordre du jour de sa niche parlementaire, le 17 juin, a annoncé sur Facebook la députée Marie-George Buffet, qui était déjà à l'initiative d'une proposition de loi sur le sujet en 2017.


Article initial du 9 mars 2021
C'est une victoire fragile pour le secteur associatif. Le Sénat dominé par l'opposition de droite s'est prononcé très largement le 9 mars 2021 en première lecture en faveur d'une individualisation de l'Allocation adulte handicapé (AAH), mais le gouvernement y reste fermement opposé.

Mobilisation sur tous les fronts

Créée en 1975, l'AAH est destinée à compenser l'incapacité de travailler. Elle est versée sur des critères médicaux et sociaux. D'un montant maximum de 900 euros mensuels, elle compte aujourd'hui plus de 1,2 million de bénéficiaires, dont 270 000 sont en couple, pour une dépense annuelle d'environ 11 milliards d'euros. La suppression de la prise en compte des revenus du conjoint dans son calcul est une demande forte des associations de défense des droits des personnes handicapées et des associations féministes, les femmes handicapées étant plus sujettes aux violences dans le couple. Un petit rassemblement pour "exiger la désolidarisation de l'AAH" avait d'ailleurs lieu à la mi-journée devant le palais du Luxembourg, auquel participaient des militants d'Act Up Paris, du collectif des Dévalideuses ou encore d'APF France handicap. Des sénatrices du groupe CRCE à majorité communiste sont allées à leur rencontre. Cette revendication a aussi fait l'objet d'une pétition sur le site du Sénat qui a dépassé les 100 000 signatures, la première à atteindre ce seuil, conditionnant la possibilité d'une inscription à l'ordre du jour de la chambre haute.

Retour par la case Assemblée

Pour y répondre et aller le plus rapidement possible, la commission des Affaires sociales du Sénat s'est saisie d'une proposition de loi des députés Libertés et Territoires "portant diverses mesures de justice sociale", dont une individualisation de l'AAH, votée à l'Assemblée nationale en première lecture en février 2020, contre l'avis du gouvernement et de la majorité. Le texte, modifié par les sénateurs, va devoir repartir au Palais Bourbon en deuxième lecture. Son rapporteur au Sénat, Philippe Mouiller (LR), a indiqué à l'AFP s'activer "pour voir quel groupe à l'Assemblée peut le reprendre dans sa niche parlementaire". "Ca veut dire que, derrière, la mobilisation est toujours nécessaire", a-t-il ajouté.

Sophie Cluzel contre

La secrétaire d'État au Handicap, Sophie Cluzel, s'est en effet livrée à un réquisitoire contre la proposition de loi, affirmant qu'elle "vient remettre en cause le coeur de nos principes de solidarité et de redistribution". Selon la ministre, la "juste articulation entre solidarité nationale et solidarité conjugale ne peut fonctionner que si les ressources du foyer des bénéficiaires sont pris en compte". Actuellement, l'AAH n'est plus versée à la personne handicapée en couple lorsque les revenus du couple dépassent un certain seuil. L'AAH "a toujours eu un caractère hybride, entre minimum social et prestation de compensation", a souligné Philippe Mouiller. Les sénateurs ont "choisi de trancher" en faveur de la seconde option pour accepter la "déconjugalisation".

Une transition de 10 ans

Ils ont toutefois modifié la rédaction des députés pour réintroduire le plafonnement du cumul de l'AAH avec les ressources propres du bénéficiaire. Le dispositif ainsi réécrit aurait un coût évalué à 560 millions d'euros par an, selon M. Mouiller, contre 20 milliards dans la version votée par les députés. Les sénateurs ont aussi prévu "un mécanisme transitoire" de dix ans, pour permettre aux bénéficiaires de l'AAH qui seraient perdants de conserver le mode de calcul actuel. Selon des estimations des ministères sociaux, la déconjugalisation de l'AAH ferait 44.000 ménages perdants, contre 196 000 qui y gagneraient, a précisé M. Mouiller. La ministre a fustigé "un régime à deux vitesses" qui "rajoute de la complexité".

La proposition de loi a été votée à main levée par l'ensemble des groupes du Sénat, à l'exception du groupe RDPI à majorité En Marche, qui a majoritairement voté contre, et du groupe Indépendants qui s'est majoritairement abstenu. "Le handicap ne se partage pas", a souligné Monique Lubin (PS). Cathy Apourceau-Poly a salué le "changement de position de la droite sénatoriale" qui, en 2018, s'était opposée à une proposition de loi de son groupe CRCE visant à supprimer la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l'AAH.

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