Métro Marseille : une 1ère victoire pour son accessibilité

Trois Marseillais handicapés traînent leur ville en justice pour réclamer une expertise visant à savoir si son métro peut être rendu accessible. Ils viennent d'obtenir gain de cause. Une procédure exceptionnelle selon leur avocat, maître Candon.

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Handicap.fr : Le métro de Marseille est totalement inaccessible aux personnes à mobilité réduite ?
Maître Benoit Candon : Sur les 28 stations, seules 4 sont accessibles, les plus récentes. Et encore, pas pour le moment car les rames ne sont pas au niveau des quais ; il faudra donc attendre le renouvellement du matériel roulant ! Le métro marseillais n'est pourtant pas si vieux puisque ses 2 lignes ont été inaugurées en 1977 et 1984. Rappelons que Marseille, en 2014, a été classée 83ème sur 96 en termes d'accessibilité. Constat affligeant pour la 2ème ville de France ! Je reviens de Barcelone où les deux-tiers des stations sont accessibles alors que son métro est bien plus ancien. A Lyon, toutes les stations sont équipées d'ascenseurs. Je précise que j'emploie le terme « mobilité réduite » au sens large, incluant tous les handicaps et même les personnes âgées ou avec poussettes.

H.fr : En février 2014, vous décidez donc d'intenter une action en justice…
BC : Oui car, en juin 2010, la communauté urbaine Marseille-Provence-Métropole a établi un schéma directeur sur l'accessibilité qui exclut le métro au prétexte, selon un rapport, d'une « probable » ITA (impossibilité technique avérée). Or il n'y a jamais eu de réelle expertise réalisée dans ce domaine.

H.fr : Que demandiez-vous au tribunal ?
BC : D'ordonner cette expertise pour savoir si chacune des 24 stations de métro peut être rendue accessible et selon quelles modalités techniques et financières. Mais aussi de déterminer les besoins des personnes à mobilité réduite en transports de substitution, de proposer différentes solutions en conséquence et de dire de quels moyens il convenait de se doter pour y répondre. Nous souhaitions, par ailleurs, que tous les frais de l'expertise soient supportés, ou tout au moins avancés par Marseille-Provence-Métropole.

H.fr : Le 28 mai 2014, le verdict est tombé : le tribunal accède à votre demande. Une expertise aura bien lieu…
BC : Oui, le juge nous a donné raison et a missionné un expert venant de l'Hérault. Il a six mois pour visiter les 24 stations, déterminer si des obstacles techniques insurmontables existent ou s'ils ne peuvent être surmontés qu'au prix d'aménagements spéciaux d'un coût manifestement hors de proportion. Sachant que personne n'a vraiment établi le niveau de cette « disproportion » !

H.fr : Et si l'expertise conclut que les travaux sont possibles ?
BC : Ils seront obligés de les faire ! Mais Marseille possède de vastes espaces et de tels aménagements ne devraient pas être très compliqués. Certaines stations sont en plein air et une autre de plain-pied. Notre association et la communauté urbaine allons nous rendre sur place aux côtés de l'expert qui a demandé les plans des stations. Nous rentrons maintenant dans le concret ! Mais lorsqu'on aura franchi l'obstacle juridique, encore faudra-t-il trouver l'argent…

H.fr : Il n'existe pas d'autres moyens de substitution pour les personnes handicapées ?
BC : Si, il y a bien quelques lignes de bus adaptées et surtout le service Mobimétropole (transport public à la demande) mais qui ne suffit pas à répondre à la demande sans cesse croissante. Nous avions également demandé au tribunal que l'expert analyse les besoins en moyens de transports de substitution mais, estimant que les données sur le réseau existant étaient suffisantes, il a rejeté cette requête.

H.fr : Votre action a porté ses fruits. C'était pourtant le pot de terre contre le pot de fer. L'association que vous défendez, « Marseille accessible », a été créée par trois personnes handicapées ?
BC : Oui, l'indignation qui a poussé ces trois citoyens, très actifs mais interdits de métro, à s'engager est un excellent moteur, et ils ont pu valablement constituer une association pour agir en justice, même si la communauté urbaine a vainement tenté de faire valoir auprès du tribunal qu'elle n'avait pas de légitimité. Ils m'ont ensuite sollicité en tant qu'avocat spécialisé dans les affaires d'usagers contre le service public. Nous étions d'abord entrés en contact avec des associations locales comme l'APF (Association des paralysés de France) pour leur demander de s'engager à nos côtés… Mais nous attendons toujours leur soutien. Rien ne vaut un groupe de copains déterminés et concernés pour mener une action rapide et efficace ! La preuve, nous avons obtenu gain de cause. Pour le moment…

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Emmanuelle Dal'Secco, journaliste Handicap.fr"
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