Des personnes qui se déplacent en fauteuil roulant et certaines associations représentatives réclament plus d'accessibilité dans le métro parisien. Cette revendication, on ne peut plus légitime pour un égal accès aux services, qu'il soit public ou privé, est régulièrement l'objet d'actions et de communiqués complaisamment relayés par la presse, souvent illustrés par une photo qui joue sur l'émotion au détriment de l'information et met en scène une personne en fauteuil roulant face à une bouche de métro.
Un parcours de tragédie grecque
Les transports souterrains parisiens sont une galère, un « parcours du combattant », laborieux surtout à cause du manque d'accessibilité ; parfois, c'est lorsque cela devient accessible que les difficultés commencent. Sarah en sait quelque chose, elle qui rapporte sur un réseau social la galère qu'elle a vécue fin septembre 2019 sur la ligne A du RER, pourtant réputée 100 % accessible (article en lien ci-dessous). Comme le Minotaure, elle s'est en effet butée à plusieurs ascenseurs en panne, s'est battue contre des portillons récalcitrants, a ferraillé contre des agents incompétents et finalement rejoint sa destination avec le soutien de « gentils voyageurs ». « Heureusement que je ne me suis pas engouffrée dans votre alternative accessible », conclut-elle après un parcours de tragédie grecque. Dominique Gillot fait à son tour le récit d'une évacuation hasardeuse : « Bloquée 3/4 d'heure dans le tunnel du métro entre Louis Blanc et Stalingrad. Plus de courant sur les voies, coupé ! Nous devons être évacués via le tunnel. »
A chacun des contraintes
Des solutions existent pourtant, quand on les recherche, et l'accessibilité se fait péniblement mais avec constance une place dans la conception des produits et des espaces. Des initiatives voient le jour partout en Europe et dans le monde, l'accessibilité dite universelle imprègne plusieurs programmes de recherche européens et inspire un nombre croissant de concepteurs, souvent sous la pression des organisations représentatives et grâce à l'implication de personnes concernées par le handicap. Mais ce qui fonctionne là-bas n'est pas automatiquement adapté ici, et ce qui est fait à Londres ou à Amsterdam n'est pas obligatoirement transposable à Paris ou à Naples. Pour ce qui est des moyens de transport, chacun, du fabricant à l'exploitant et du conducteur à l'usager, a aujourd'hui compris les multiples intérêts et bénéfices secondaires de l'accessibilité en termes de confort, de facilitations et de sécurité. Mais si faire et construire accessible au plus grand nombre est un objectif que les associations de personnes en situation de handicap peuvent s'enorgueillir d'avoir, sinon atteint, au moins engagé, transformer l'existant pour l'ouvrir à tous ne répond ni aux mêmes contraintes ni aux mêmes solutions. C'est très souvent plus coûteux, moins productif et moins sûr.
Le métro historique aux oubliettes SVP
La mise en accessibilité du RER doit être poursuivie et aboutie, celle des réseaux en construction dans le cadre du Grand Paris garantie mais, de grâce, laissons le métro historique parisien aux oubliettes et construisons les transports de l'avenir. Pourquoi vouloir me faire emprunter un réseau souterrain où le moindre incident, évacuation ou panne est susceptible de me laisser quelque part sous terre entre Opéra et Nation ? Pourquoi truffer ce dédale centenaire d'ascenseurs et de plateformes pour que je puisse atteindre le quai alors que, souvent, je ne pourrai pas trouver place dans le wagon au milieu de la foule ? C'est bien là un autre frein majeur : le réseau est sous dimensionné, et trop de voyageurs s'y pressent dans une concurrence permanente.
Des solutions d'avenir
Celles et ceux qui utilisent le tramway qui ceindra bientôt totalement la Capitale comprennent rapidement que l'avenir se trouve plutôt dans cette direction ; c'est un moyen de transport propre et silencieux, qui humanise la ville, verdit les rues et transporte chaque jour des milliers de voyageurs en toute sécurité. Sans changement de niveau ni portillon, le tramway est le « plug and play » du transport urbain. Facile à trouver, facile à rejoindre et à quitter, il offre une solution d'avenir, durable, sûre et accessible, préférable à l'option souterraine où l'air est plus pollué, l'accès plus difficile et l'évacuation plus compliquée.
Dans le cadre de la préparation de Paris 2024, ce n'est donc pas d'ascenseurs dans le métro dont nous avons le plus urgent besoin, leur installation lourde et coûteuse pourrait en améliorer utilement l'accessibilité mais leur fonctionnement est trop aléatoire, les parcours labyrinthiques sont trop épuisants et les incidents de service comme les accidents trop lourds de conséquences. Pour faire l'expérience quotidienne des transports parisiens en fauteuil roulant depuis 27 ans, hier en taxi et à la force des poignets, aujourd'hui en bus et en tramway, je ne tiens pas à m'enfoncer sous terre dans un dédale de tunnels, je veux voir et respirer Paris à l'air libre et en sécurité.