Addictions : réalité virtuelle, le nouveau traitement 2.0

En 2021, le service d'addictologie de l'hôpital Pitié-Salpêtrière, à Paris, a accueilli ses 1e casques de réalité virtuelle. L'objectif ? Soigner des patients addicts grâce à la thérapie par exposition à la réalité virtuelle. Et ça marche !

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Un jeu vidéo pour soigner les addictions ? « Oui, oui, on peut vraiment utiliser la réalité virtuelle (VR) pour traiter des addictions, au tabac, à l'alcool, à différentes drogues… », répond Eric Malbos, médecin psychiatre (vidéo ci-contre). C'est ce que propose, depuis fin 2021, l'équipe d'addictologie de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris, dans le cadre d'un protocole de soin basé sur la réalité virtuelle, en collaboration avec C2Care, une start-up spécialisée dans les « serious games » (« jeu sérieux » en français).

Thérapies in virtuo

D'abord utilisée pour traiter les phobies ou l'anxiété, la « VR » a récemment fait ses preuves auprès de patients addicts. On parle alors de thérapie par exposition à la réalité virtuelle (TERV) ou de « thérapies in virtuo ». Alcool, tabac, cannabis, héroïne, écrans, jeux d'argent, sexe… Il existe de nombreuses substances ou pratiques addictives qui, en cas de dépendance, conduisent toutes à une perte de contrôle, une modification de l'équilibre émotionnel, des troubles d'ordre médical et des perturbations de la vie personnelle, professionnelle et sociale. Pour sortir du cycle infernal de cette pathologie psychiatrique répertoriée au sein du fameux Manuel de diagnostic et statistiques des troubles mentaux (DSM), le patient doit suivre une prise en charge multidisciplinaire.

Aider le patient face au craving

A l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, le patient est d'abord reçu lors d'une consultation de pré-admission « qui permet d'évaluer sa motivation » avant une hospitalisation de sevrage d'environ trois semaines, avec suivi médicamenteux et psychothérapeutique. La réalité virtuelle intervient au stade de la gestion du « craving », autrement dit lorsque l'envie irrépressible de l'addiction se fait sentir. Pendant une semaine, le patient va bénéficier de trois à quatre séances individuelles de réalité virtuelle (30 à 60 minutes chacune). Equipé d'un casque de VR, il est alors plongé dans un univers personnalisé au contact direct avec la source de sa tentation : alcool à portée de main, cigarettes, drogues, jeux d'argent dans différents contextes sociaux (bar, casino, domicile…).  Autant de décors qui « déclenchent les réponses cognitives, émotionnelles et comportementales identiques à celles subies par l'addiction dans son quotidien », affirme C2care. Mais « en toute sécurité et en toute confidentialité » puisque tout se passe derrière un écran et au sein du cabinet du professionnel de santé.

Exposer le patient aux sources de l'addiction

« Plus cet environnement est proche de celui du patient, plus les acquis de la séance peuvent être transposés dans son monde réel », explique le service d'addictologie de la Salpêtrière. L'objectif ? Que les stratégies d'adaptation mise au point en TERV puissent être reproduites dans son environnement habituel. « Lorsqu'on expose les patients dépendants aux environnements virtual C2care, au départ, la plupart pensent qu'ils ne vont pas être impactés par la tentation. Or ce n'est pas le cas puisqu'ils ressentent rapidement l'envie de consommer », illustre Eric Malbos. Si les émotions provoquées sont trop intenses, le thérapeute peut alors recourir à des environnements relaxants (méditation, autohypnose…). Après l'hospitalisation, une séance de renforcement de TERV en ambulatoire, une fois par mois pendant un an, vient parachever le parcours de soin. Une centaine de patients de ce service ont bénéficié de ce dispositif avec un « retour positif ».

Plus efficace que certaines thérapies d'exposition

La réalité virtuelle permet en effet « de générer significativement plus de pensées automatiques dysfonctionnelles. Elle présente une réelle pertinence clinique dans le travail de restauration cognitive », indique la start-up C2Care. D'après une étude scientifique sur le sujet, publiée dans la revue Nature en décembre 2021, la réalité virtuelle se montre même plus efficace que les stratégies d'exposition traditionnelles déjà éprouvées comme les bars de laboratoire qui « induisent des attentes d'effets d'alcool plus faibles que les vrais bars ». Au contraire, les mondes générés par ordinateur réagissent aux mouvements et comportements individuels. Avec la sophistication des nouveaux outils VR, des casques plus minces et plus légers avec un angle de vue amélioré et une résolution augmentée, ces nouvelles technologies de pointe devraient se généraliser en psychiatrie, notamment « en complément d'interventions cognitivo-comportementales ou de type mindfulness », concluent les équipes de la Salpêtrière. D'autres centres hospitaliers se sont également mis à la TERV. C'est le cas de l'hôpital Le Vinatier à Lyon, de la Conception à Marseille ou encore de l'hôpital de jour de Cenon à côté de Bordeaux.

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Clotilde Costil, journaliste Handicap.fr"
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