Le point commun entre la plupart des maladies neurodégénératives rares ? L'absence de traitement efficace. C'est le cas de l'adrénoleucodystrophie liée à l'X (ou X-ALD), une affection héréditaire qui concerne six à huit naissances sur 100 000. Elle se caractérise par l'accumulation excessive d'acides gras à très longues chaînes -les composants principaux des lipides ou des graisses, composés de plus de 24 atomes- dans les tissus du corps, notamment au niveau du cerveau, de la moelle épinière et des glandes surrénales, qui régulent de nombreuses fonctions du corps, comme la croissance, le sommeil, la faim... Cela provoque, notamment, une dégénérescence de la moelle épinière. En conséquence, les patients manifestent souvent une adrénomyéloneuropathie (AMN), à l'origine de symptômes chroniques handicapants, en particulier une raideur à la marche et des troubles de l'équilibre, qui augmentent le risque de chutes, ainsi que des troubles urinaires. Un nouveau médicament, mis en évidence dans l'étude Advance, pourrait changer la donne... Son nom ? Leriglitazone. Ces résultats « prometteurs » ont été publiés fin janvier 2023 dans la revue scientifique The Lancet neurology .
Les hommes particulièrement touchés
Parce que cette maladie évolutive est liée à une mutation sur le chromosome sexuel X, ses formes les plus graves touchent majoritairement les hommes. « On estime qu'un tiers des garçons et plus de la moitié des hommes touchés par l'AMN développent également une inflammation agressive du cerveau, appelée adrénoleucodystrophie cérébrale (cALD), dans laquelle les gaines de myéline qui entourent les prolongements des neurones sont attaquées, expliquent les chercheurs. Les perturbations de la circulation de l'influx nerveux provoquent un déclin cognitif et moteur rapide, dont l'issue peut être fatale en quelques années. » Le contrôle de l'inflammation apparaît donc comme une piste à explorer pour ralentir l'évolution de la maladie. C'est le chemin emprunté par le professeur Fanny Mochel du service de génétique médicale de l'hôpital Pitié-Salpêtrière AP-HP et de l'Institut du cerveau, en collaboration avec des équipes européennes et américaines.
Réduction de symptômes clés...
Dans le cadre d'Advance, une étude randomisée en double aveugle contrôlée par placebo -c'est-à-dire que ni le patient ni le prescripteur ne savent si le médicament actif ou le placebo est utilisé-, les chercheurs ont suivi, durant deux ans, 116 hommes adultes présentant les signes cliniques de l'AMN. Objectif : tester l'efficacité de la leriglitazone, mise au point par la biotech espagnole Minoryx therapeutics. « Capable de pénétrer dans le cerveau, cette molécule régule l'expression de gènes qui contribuent à la neuro-inflammation et la neuro-dégénerescence observées dans la progression de la maladie. »
... et absence d'effets secondaires sévères
Les chercheurs ont constaté que la prise quotidienne de leriglitazone avait permis de réduire la progression de certains symptômes clés, comme l'instabilité de la station debout, et surtout de diminuer le risque de voir apparaître la « très redoutée » cALD, forme cérébrale aiguë de la maladie. « Seuls les patients du groupe placebo ont été affectés par cette dernière, suggérant un effet protecteur du médicament », constatent-ils. Par ailleurs, la leriglitazone a provoqué des effets secondaires de « sévérité modérée », principalement une prise de poids et des œdèmes superficiels, ce qui, selon eux, est « susceptible de favoriser l'adhésion au traitement ».
Autorisation de mise sur le marché déposée...
L'étude connaît actuellement une phase d'extension afin de confirmer la capacité de la molécule à retarder l'évolution de la maladie. Par ailleurs, l'équipe du professeur Fanny Mochel traite désormais dans un cadre compassionnel une dizaine de patients adultes avec cALD, et a observé chez eux une stabilisation, voire une régression des lésions cérébrales. « Compte tenu de ces résultats très encourageants, une demande d'autorisation de mise sur le marché pour la leriglitazone a été déposée auprès de l'Agence européenne des médicaments pour le traitement des patients adultes de sexe masculin atteints d'adrénoleucodystrophie liée à l'X », explique l'AP-HP.
... pour répondre à un besoin pressant
« Le besoin d'un traitement efficace et peu contraignant est pressant », ajoute le centre hospitalier. Actuellement, seule la greffe de cellules souches hématopoïétiques (à l'origine de toutes les cellules sanguines produites au cours de la vie d'un organisme) est susceptible de soigner la cALD. Une procédure « lourde » associée à une chimiothérapie qui nécessite notamment de trouver un donneur, « ce qui peut être difficile puisque les proches parents peuvent porter l'anomalie génétique présente dans l'adrénoleucodystrophie liée à l'X », souligne-t-il.
Un réseau de surveillance sur le long terme
Le défi est aujourd'hui de repérer précocement les patients et de les suivre tout au long de leur vie, notamment via des IRM. Pr Mochel coordonne désormais, à cet effet, un réseau de surveillance national au sein du centre de référence des leucodystrophies et leucoencéphalopathies basé à la Pitié-Salpêtrière. A l'issue des résultats de l'étude Advance, la leriglitazone sera évaluée pour d'autres indications dans lesquelles elle est susceptible d'agir sur la neuro-inflammation, en particulier d'autres formes de leucodystrophies.