Dimitri Fargette, 41 ans, autiste sévère, interné en hôpital psychiatrique, sous camisole chimique, 10 comprimés par jour, à l'isolement avec des visites interdites, une permission tous les quinze jours. Oui, reconnaît sa famille, Dimitri peut avoir des « troubles du comportement » mais elle les explique par une « prise en charge inadaptée ». Pas de place en MAS (maison d'accueil spécialisée) depuis des années, seule solution, l'HP ! Sa famille a écumé tous les recours, poussé toutes les portes, cru à toutes les promesses. Elle est aujourd'hui si désespérée qu'elle projette de porter plainte contre l'Etat. Dimitri n'est pas un cas unique… Sur les 600 000 personnes autistes estimées en France, ils seraient environ un millier d'adultes avec des troubles si sévères qu'aucune solution ne leur est proposée. Certains sont au domicile de parents épuisés et dépassés, d'autres exilés en Belgique.
Un constat sans appel
La Délégation interministérielle à la stratégie nationale pour l'autisme et les TND ne nie pas ce constat. Son bilan est sans appel, comme une triste liste à la Prévert. Selon elle, les dispositifs d'accompagnement sont « mis en échec », parfois « maltraitants », avec de nombreuses « ruptures de parcours », des « prises en charge inadaptées », un « défaut d'accès aux droits », des « évictions suite à des violences sur le personnel », des « équipes insuffisamment formées aux spécificités de l'autisme et à l'accompagnement des troubles graves du comportement dans les établissements médico-sociaux et sanitaires », tandis que le « fréquent défaut d'accès aux soins somatiques » est un « facteur aggravant des troubles du comportement ». « Ces troubles ont été fabriqués par incompétence dans le sanitaire ou le médico-social, sans aucun outil de communication ni d'aménagement du temps et de l'espace et une absence d'activités structurées », complète Danièle Langloys, présidente d'Autisme France. Cette carence de prise en charge engendre, selon elle, « des comportements-problèmes » et, pour les régler, ces « patients » sont « bourrés de médicaments ». Claire Compagnon, à la tête de la délégation, admet à son tour que « ces traitements peuvent parfois renforcer les troubles et n'ont pas l'effet apaisant espéré ». Il y a alors souvent de la violence, envers soi-même ou les autres… En effet.
Des projets d'unités résidentielles
L'aveu ne pourrait guère être plus exhaustif mais que faire ? Parmi les cinq engagements majeurs de la Stratégie autisme 2018-2022 figure celui envers les « adultes autistes très complexes ». Le gouvernement entend donc « trouver des solutions nouvelles » pour ces situations jugées « critiques ». Parmi elles, des « unités résidentielles » sans que ce nom, qui figurait déjà dans le 4e plan autisme, ne soit définitif. « Une demande des associations de familles », selon Danièle Langloys, qui ont été conviées à s'exprimer sur ce sujet fin 2020. A ne pas confondre avec un autre dispositif dans l'air du temps, celui d'habitat inclusif (article en lien ci-dessous) qui permet de regrouper des personnes handicapées dans des petites unités de lieu au cœur des villes. Le principe n'est pourtant pas si différent. Un cahier des charges national permet d'en définir les modalités.
6 personnes max
Ces unités de toute petite taille doivent accueillir six résidents maximum (3x2 ou 2x3) avec l'objectif de leur offrir, en milieu urbain, un « lieu de vie pérenne » et « digne ». Il s'appuiera sur les établissements médico-sociaux et le secteur sanitaire, notamment psychiatrique. 4,4 personnes (éducateurs, aides, médecins…) en équivalent temps plein sont prévues pour assurer l'accompagnement 365 jours par an et 24h sur 24. Cet écosystème doit permettre de gérer les crises éventuelles et d'assurer la continuité des prises en charge lors des hospitalisations et prévoit des temps d'échange avec les familles… Presque du un pour un, même si Autisme France précise que ces adultes ont souvent besoin d'un encadrement de deux pour un, « avec des professionnels techniquement très formés et supervisés ». Selon l'association, il faut, pour ces « très grands handicapés, des activités strictement adaptées à leurs particularités individuelles : besoin de marcher, d'être dehors ou dans l'eau ». « Il leur faut surtout du bien-être et de la dignité », insiste sa présidente.
Le groupe de travail dédié a identifié 200 à 240 personnes susceptibles d'intégrer ces unités, soit une quarantaine au total sur tout le territoire. Encore faut-il les moyens dédiés, estimés par Autisme France à 160 000 euros par an pour une « place ». Les premiers projets devraient être déployés dès 2021, avec des ouvertures en 2022 ou 2023, sans qu'un calendrier précis ne soit arrêté. Un espoir pour ces humains « fracassés » ?