DERNIERE MINUTE DU 19 JANVIER 2022
La première phase de sélection des futurs astronautes européens s'est achevée. Parmi les 23 300 postulants issus de 25 pays, 1 362 ont été retenus. Parmi eux, il y aura un ou une « parastronaute », une première mondiale, même s'il n'a pas la garantie d'aller dans les prochaines missions, l'objectif étant, pour le moment, de lever les obstacles potentiels en cas de handicap. L'agence doit annoncer le nom des successeurs de Thomas Pesquet et Samantha Cristoforetti à l'automne 2022.
ARTICLE INITIAL DU 31 MARS 2021
Top départ le 31 mars 2021 ; les candidatures peuvent être déposées sur jobs.esa.int. Les places sont rares pour cette nouvelle sélection, la première depuis 11 ans au sein de l'Europe spatiale. Entre quatre et six candidats seulement seront retenus à l'issue de ce long processus qui s'achèvera en octobre 2022. Pour la précédente promotion de 2008, celle de Thomas Pesquet, seuls sept avaient franchi la ligne d'arrivée, sur plus de 8 000 candidatures. « On s'attend à encore plus de candidats cette fois », a déclaré Guillaume Weerts, responsable de la gestion du centre des astronautes européens. Parmi les nouveautés, l'Agence spatiale européenne (ESA) qui dit faire de la diversité son cheval de bataille et défend le « pouvoir de l'inclusion », invite les personnes avec un handicap physique à postuler pour participer à une étude de « faisabilité » sur l'accès des vols spatiaux aux « parastronautes » (programme et conditions en lien à la fin de l'article, document en anglais). Questions concrètes à Guillaume Weerts…
Question : Comment vous est venue cette idée ?
Guillaume Weerts : Nous nous sommes posé la question suivante : « Comment peut-on faire pour permettre à des personnes avec un handicap d'accéder à l'espace, non pas en touriste mais de façon professionnelle ? » Traditionnellement, les agences spatiales ne considèrent pas le handicap comme une catégorie de candidats possible. Nous en sommes donc à l'étape zéro. Il y a beaucoup d'interrogations, nous n'avons pas encore toutes les réponses, voire relativement peu. L'ESA va lancer cette étude et c'est la raison pour laquelle nous ouvrons les candidatures aux personnes handicapées.
Q : Que peuvent apporter les parastronautes à une telle aventure ?
GW : S'il y a une chose que nous avons apprise en travaillant sur la Station spatiale internationale (ISS), c'est qu'il y a une grande valeur à la diversité. Inclure les personnes ayant des besoins particuliers, c'est aussi profiter de leur expérience hors du commun, de leur capacité d'adaptation à des environnements difficiles et de leur point de vue.
Q : Pourquoi maintenant ?
GW : Depuis dix ans, date de la dernière sélection d'astronautes de l'ESA en 2008-09, les attentes de la société envers la diversité et l'inclusion ont changé. Le coût élevé du programme de vols habités (qui est financé par les contribuables européens) signifie que l'ESA ne peut et ne veut pas ignorer ces changements. Une représentation équitable de toutes les composantes de la société est une priorité d'action pour les gouvernements, les institutions et les entreprises. Ceci est visible dans le secteur spatial et fortement exprimé par les délégations nationales auprès de l'ESA.
Q : L'agence n'est pas spécialiste du handicap, alors comment définir les candidats possibles ?
GW : A chaque handicap correspond un certain nombre de problématiques, notamment en termes de sécurité et d'adaptation aux tâches exécutées par un astronaute. Pour limiter la complexité, nous nous sommes inspirés de la classification des handicaps du Comité paralympique international. Trois catégories ont ainsi été définies.
Q : Qui sont les heureux élus ?
GW : Les personnes avec un handicap d'un ou des deux membres inférieurs (amputation ou déficience congénitale), de préférence en dessous du genou, un critère technique lié à l'adaptation du matériel ou encore celles ayant une jambe plus courte que l'autre. La troisième, ce sont les personnes de petite taille (de moins de 1m30). Il nous faudra alors voir quelles sont les adaptations nécessaires, soit dans les procédures, soit dans le matériel, les fusées, la station orbitale, pour définir des réponses concrètes. Même si nous n'avons pas de garantie de succès, nous devons essayer. C'est pourquoi, en parallèle de la sélection d'astronautes handicapés, nous lançons une étude pour travailler en interne, avec nos partenaires internationaux et des fournisseurs de véhicules spatiaux, pour identifier les adaptations potentielles pour permettre à terme à un astronaute handicapé de voler dans l'espace.
Q : Avez-vous dû alléger les critères de sélection physiques pour les candidats en situation de handicap ?
GW : Nous tenons à briser un mythe. Nous ne cherchons pas des super-héros mais des personnes qualifiées pour ce job. Les critères, y compris médicaux, sont de moins en moins restrictifs, même si, bien sûr, le nombre de postes à pourvoir est extrêmement restreint. Nous focalisons nos demandes pour répondre à ce qui est exigé dans l'espace, par exemple gérer le risque, mais sans forcément sélectionner des athlètes. Il suffit donc d'être en bonne santé, physique et psychologique, et surtout compétent. Si cette étude s'avère positive, ce projet ouvrira une opportunité de vol pour une ou plusieurs personnes handicapées (ndlr : plus vraissemblablement lors de la 5ème campagne de recrutement).
Comment postuler ?
Pour postuler en ligne, il faut avoir un master dans un domaine scientifique et trois ans d'expérience professionnelle. Une nouveauté : la limite d'âge a été repoussée à 50 ans (contre moins de 40 ans la dernière fois). Il faut parler parfaitement l'anglais, bien maîtriser une deuxième langue mais le Russe n'est pas obligatoire. Le mécanisme de sélection « ne comprend aucun critère lié au sexe, et les femmes ont autant de chances de passer au travers », a commenté Guillaume Weerts. En 2008, moins de 16% des candidates étaient des femmes. « En 1985, c'était 10% », a rappelé l'astronaute française Claudie Haigneré.
Encouragés par Thomas Pesquet
« Ce qui fait un bon astronaute, c'est surtout sa curiosité, le désir de se mettre à l'épreuve et de sortir de sa zone de confort », explique Luca Parmitano, astronaute italien. « L'important, c'est de ne pas s'autocensurer », a souligné pour sa part Thomas Pesquet dans un message vidéo. « Inscrivez-vous, même si vous doutez de vous ! Et rendez-vous à l'entraînement », a lancé l'astronaute français, dans la dernière ligne droite avant sa deuxième mission dans la station spatiale internationale (ISS). Les jeunes recrues auront vocation à voler dans un premier temps vers l'ISS, et, à l'avenir, à participer aux futures missions lunaires. Pour la première fois, l'ESA va créer un corps de réserve, en parallèle, au cas où de nouvelles occasions de vols, moins longs, se présenteraient.