Par Fran Blandy
Stigmatisés et même pourchassés dans certains pays d'Afrique, de jeunes albinos étaient le 20 octobre 2016 sous le feu des projecteurs à Nairobi où se déroulait l'élection des premiers Miss et Mister Albinisme Kenya. Le premier concours de ce type, selon ses promoteurs, avait pour objectif de montrer « qu'il existe des albinos beaux et bien dans leur peau », deux termes « rarement associés » en ce qui les concerne, a expliqué Isaac Mwaura, le premier député albinos kényan qui est aussi l'organisateur de la compétition. « Nous voulons montrer notre talent, nous voulons faire face à la stigmatisation et à la discrimination », a-t-il souligné.
En Afrique : une malédiction
L'albinisme se traduit par une absence de pigmentation dans la peau, le système pileux et l'iris des yeux. « En Afrique, les gens ont la peau noire. Lorsqu'une femme donne naissance à un albinos, les gens disent que c'est une malédiction », a témoigné Nancy Njeri Kariuki, 24 ans, venue du centre du Kenya pour participer à cette compétition. « Même les enfants de votre âge ont peur de vous », a raconté la jeune femme aux yeux verts qui a défilé coiffée d'une perruque brune devant le vice-président du Kenya William Ruto. Le pas sûr et la tête haute. Les participants ont défilé dans leurs tenues professionnelles, du pêcheur au soldat en passant par une joueuse de rugby, afin de montrer qu'ils peuvent eux aussi faire partie de la population active du pays. Qu'il s'agisse de s'éduquer ou de travailler, les albinos ont beaucoup de mal à trouver leur place, regrette le député Mwaura.
Personne ne voulait être avec moi
Fan de skate-board, Sarah Wanjohi, 21 ans, ne croise pas beaucoup d'albinos dans ses loisirs. Elle est venue avec tout son attirail pour montrer « que nous pouvons aimer, nous pouvons défiler (...) Nous pouvons faire tout ce que les gens nous pensent incapables de faire ». « Ça été difficile pour moi : les talons, les froufrous ce n'est pas trop le style skateboard !», plaisante-t-elle. Ces mannequins d'un jour, choisis dans tout le pays lors d'une pré-sélection, ont dû se plier aux règles d'airain du podium, en apprenant démarche et sens du spectacle. Un défi idéal pour requinquer une confiance en soi souvent fragile, a estimé Michael Ogochi, un participant de 21 ans. « Grandir a été difficile pour moi. Personne ne voulait être avec moi. Vous devez travailler sur votre estime personnelle et avoir la peau dure », a expliqué le jeune homme.
Amputés, tués
Ces dernières années quelques mannequins albinos ont fait des apparitions dans les défilés ou dans les pages magazines de mode mais leur peau rosée et leurs yeux clairs leur vaut le plus souvent d'être violemment rejetés de leur communauté. Chaque année, dans toute l'Afrique, des albinos sont pourchassés, tués et amputés de leurs membres qui sont ensuite utilisés pour des rituels censés apporter richesse et chance. Un phénomène qui a pris une ampleur encore plus grande récemment au sud et à l'est du continent, notamment en Tanzanie, au Malawi ou au Mozambique, où les attaques se comptent par dizaines et n'épargnent pas les très jeunes enfants.
Une image sanglante glace le défilé
Si ce type d'attaque est plus rare au Kenya, Isaac Mwaura souligne que la Société de l'albinisme qu'il dirige a du plusieurs fois intervenir pour sauver des enfants ou des adultes menacés de meurtre rituel. Un homme de 56 ans est mort des suites d'une attaque l'an dernier dans le sud-ouest du pays. Le silence tombe sur la foule bavarde des spectateurs du défilé lorsque le député projette l'image sanglante d'un membre amputé lors d'une attaque contre un albinos en Tanzanie. L'organisation non gouvernementale canadienne « Under the same sun » (Sous le même soleil), a recensé 169 agressions, dont 76 meurtres, contre des personnes albinos en Tanzanie ces dernières années. Plus que partout ailleurs en Afrique.
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