Une annulation de dernière minute, un appel qui n'aboutit pas, un trajet reporté sans solution de remplacement... Pour de nombreux Franciliens en situation de handicap, la mobilité reste fragile, imprévisible, épuisante. Consciente de ces réalités, la Région Île-de-France a récemment multiplié les annonces pour améliorer l'accessibilité des transports, à commencer par le PAM (Pour aider à la mobilité). Objectif ? Sécuriser les déplacements du quotidien tout en posant les bases d'une politique « plus structurée et concertée ».
PAM : un service indispensable sous forte pression
Créé en 2002, le PAM est un service de transport à la demande destiné aux personnes en situation de handicap qui ne peuvent pas utiliser les transports en commun classiques. Longtemps géré à l'échelle départementale, le service a été progressivement régionalisé, un processus achevé en septembre avec l'intégration du Val-d'Oise, entraînant des effets immédiats sur son attractivité. En 2025, le service compte plus de 23 000 usagers, soit près de deux fois plus qu'en 2019, pour près de 800 000 courses réalisées sur l'année. Une montée en charge qui reflète autant son utilité que la dépendance de certains publics à ce mode de déplacement.
Des progrès réels mais des freins persistants
La Région met en avant des indicateurs en amélioration : 93 % de ponctualité en septembre 2025 contre 74 % un an plus tôt, et 96 % des appels pris en charge en moins de trois minutes. La régionalisation a également permis des « avancées sociales et économiques notables pour les usagers », selon Valérie Pécresse, présidente de la Région Île-de-France, parmi lesquelles l'harmonisation des tarifs, désormais plafonnés entre 2 euros (pour un trajet de moins de 15 kilomètres) et 14 euros pour ceux de plus de 50, et la suppression des frontières départementales. « Malgré les efforts réalisés par l'opérateur Kisio depuis sa mise en demeure par Île-de-France mobilités (IDFM) il y a un an (Les ratés du PAM, transport dédié aux Franciliens handicapés), le service PAM doit continuer d'être amélioré et perfectionné », pointe-t-elle. Un problème majeur continue de cristalliser la colère des usagers : la gestion des annulations de dernière minute par la plateforme (information voyageur, proposition rapide d'une alternative fiable), vécues comme un véritable échec du service rendu.
Des mesures concrètes dès 2026
Pour répondre à ces dysfonctionnements, la Région a annoncé, le 5 décembre 2025, une série de mesures concrètes dès 2026. Le budget du PAM sera, tout d'abord, porté à 78 millions d'euros, soit 16 millions de plus qu'en 2025, avec un objectif de 50 000 courses supplémentaires. En cas d'annulation ou de décalage tardif imputable à la plateforme, les frais de taxi ou de VTC pourront désormais être remboursés. S'y ajoutent un système de notation des conducteurs et un nouveau marché unifié pour améliorer l'organisation globale du service. Enfin, Valérie Pécresse annonce la mise en place d'un médiateur d'IDFM dès janvier 2026 pour faciliter et garantir le traitement des réclamations.
Lancement du CIMIF, 1ère instance de concertation
Les difficultés du PAM ont aussi mis en lumière un enjeu plus large : celui de la place accordée aux personnes en situation de handicap dans la définition des politiques liées aux transports. C'est dans ce contexte qu'a été lancé, le 27 novembre 2025, le Comité inclusion et mobilités d'Île-de-France (CIMIF), première instance régionale de concertation réunissant autorités organisatrices, opérateurs et associations (AFM Téléthon, APF France handicap, Association des personnes de petite taille). Cette nouvelle instance vise à « structurer un espace d'échanges et de suivi » entre les différents acteurs de la mobilité inclusive. Sous la présidence de Valérie Pécresse, elle se réunira deux fois par an pour suivre l'avancement des politiques d'accessibilité, identifier les priorités et préparer des expérimentations de terrain. Ce dispositif répond à une revendication de longue date du secteur associatif, lassé d'être consulté de manière ponctuelle.
Schéma directeur d'accessibilité : colonne vertébrale de l'action
Lors de la première réunion, deux priorités ont été clairement posées : la poursuite du Schéma directeur d'accessibilité et l'avancement du programme « Métro pour tous ». Lancé en 2009 puis complété en 2015, le SDA fixe la feuille de route de mise en accessibilité des gares et des lignes les plus fréquentées. Il définit les sites prioritaires, le calendrier des travaux et les financements mobilisés pour permettre aux personnes en situation de handicap d'accéder au réseau ferré dans des conditions autonomes et sécurisées. Huit nouvelles gares doivent ainsi être intégrées au schéma dans les prochaines années, pour un investissement de 150 millions d'euros.
Métro, trains, bus : une accessibilité à plusieurs vitesses
Si le réseau ferré a bénéficié d'investissements massifs, avec 300 gares désormais accessibles et 95 % du trafic voyageurs concerné, le métro « historique » (lignes 1 à 13) reste le point noir. « Construit il y a plus de 100 ans, il n'a pas été pensé, à sa conception, pour être accessible à tous. Aujourd'hui enfouit sous une zone urbaine dense, qui comprend des monuments historiques, des réseaux d'eaux, d'égouts ou de gaz, il ne pourra sans doute pas être 100 % accessible, mais des progrès majeurs ont été effectués ces dernières années », souligne IDFM (Métro parisien entièrement accessible : un projet utopique?). Et de rappeler : « depuis 2005, tout prolongement ou nouvelle ligne prend en compte les critères d'accessibilité ». Les lignes 15, 16, 17 et 18 seront, elles, « 100 % accessibles en toute autonomie dès leur inauguration, soit 60 stations supplémentaires à horizon 2030 », promet l'autorité organisatrice des transports de cette région.
En parallèle, le programme « Métro pour tous » prévoit, pour la ligne 6, des études destinées à identifier, station par station, les aménagements techniquement réalisables afin d'améliorer l'accessibilité pour l'ensemble des usagers en situation de handicap, et pas uniquement ceux en fauteuil roulant.
À l'inverse, le réseau de surface apparaît plus avancé : 506 lignes de bus et de cars sont aujourd'hui déclarées accessibles, tout comme 98 % des lignes de tramway, grâce au renouvellement des véhicules et à la formation des conducteurs.
La feuille de route « Accessibilité et mobilité inclusive »
Pour donner de la cohérence à l'ensemble de ces actions, IDFM s'est dotée d'une feuille de route « Accessibilité et mobilité inclusive », présentée comme un cadre stratégique destiné à « accélérer la transformation du réseau vers une mobilité plus inclusive ». Conçue à l'issue d'un travail de co-construction avec les associations et les usagers, elle vise à « mettre en visibilité et en cohérence les actions engagées », tout en fixant un cap commun aux opérateurs et aux institutions.
40 actions, 4 axes pour agir concrètement
Ce document stratégique repose sur 40 actions concrètes, réparties en quatre axes. Le premier concerne les infrastructures et équipements, avec des chantiers structurants comme le programme « Métro pour tous », le déploiement d'escaliers mécaniques ou le développement de vélos adaptés. Le deuxième cible les services et le numérique, afin d'améliorer l'information voyageurs, la lisibilité des écrans ou encore l'état de fonctionnement des ascenseurs. Le troisième axe met l'accent sur les interactions humaines, en renforçant l'accompagnement des usagers dans les pôles multimodaux et la formation des agents. Enfin, le dernier volet porte sur l'organisation et le pilotage, avec la création du CIMIF, la mise en place d'outils de suivi et une priorisation plus lisible des projets.
Un cadre commun, encore à éprouver sur le terrain
Selon Île-de-France mobilités, cette feuille de route repose sur une conviction centrale : « l'accessibilité ne peut se construire sans les associations et les usagers concernés ». Pensée comme transversale à l'ensemble des politiques de transport, elle ambitionne de dépasser une logique de mesures ponctuelles pour inscrire la mobilité inclusive dans la durée. Reste à voir comment ces orientations se traduiront, concrètement, dans l'expérience quotidienne des voyageurs concernés...
© Clermont Fu / IDFM



