École inclusive : AESH, un métier essentiel mais précaire

Sans eux, pas d'école inclusive. Les AESH, des femmes dans leur grande majorité, sont indispensables mais si précaires et mal considérés que le métier peine à attirer, laissant des centaines d'enfants en grande difficulté sans accompagnement.

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Une femme aide une élève en train d’écrire sur son cahier.

Par Julie Pacorel

Sheynesse Tani, 33 ans, est AESH dans le 15e arrondissement de Marseille. Elle décrit à l'AFP une vraie « vocation » : « notre rôle c'est de créer les conditions pour que l'élève puisse entrer dans les apprentissages, ça crée un lien incroyable ».

« Je gagnais peu et me faisais frapper »

L'intégration à l'école des enfants porteurs d'un handicap, prévue par la loi depuis 2005, repose principalement sur les AESH. Pourtant, selon des chiffres de l'Éducation nationale, à la rentrée de septembre, près de 49 000 élèves en situation de handicap étaient en attente d'un tel accompagnement, dont plus de 7 500 dans l'académie d'Aix-Marseille, la plus mal dotée en la matière (Handicap à l'école : 50 000 élèves sans accompagnement). C'est « un métier si beau » mais un vrai sacerdoce, résume Sheynesse Tani : à ses débuts, elle a accompagné un enfant « qui criait, qui frappait ». « Je gagnais 698 euros par mois, je me faisais frapper, il faut être folle pour accepter ça... »

Un statut de fonctionnaire attendu

Le 16 décembre 2025, à l'appel d'une intersyndicale, les AESH ont manifesté dans toute la France, aux côtés des personnels enseignants, pour réclamer un statut de fonctionnaire. À Paris, quelque 150 personnes se sont rassemblées aux cris notamment de « Un métier, un statut ». « On n'est pas reconnus du tout », résume Laurianne, AESH à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). « On ne gagne pas du tout assez pour vivre, surtout quand on a des enfants ».

« Obtenir un statut de fonctionnaire pour les AESH, c'est urgent et nécessaire pour sécuriser cette profession d'abord, et la reconnaître », explique Jérôme Fournier, secrétaire national du syndicat SE Unsa. « Si on veut pouvoir accompagner les élèves pour l'inclusion, il faut avoir des personnels formés. »

Une manifestation à Strasbourg

À Strasbourg, une cinquantaine de manifestants se sont rassemblés devant le rectorat, comme Catherine, 27 ans, AESH depuis octobre 2024. « Je trouve que ça peut plus durer », a-t-elle déclaré à l'AFP. En un an, elle a écumé six établissements strasbourgeois pour s'occuper de 16 enfants, « tout ça pour 900 euros par mois ». « Elles ont une expertise, elles minimisent les crises des élèves et, pourtant, elles sont très mal considérées », explique Frédéric Grimaud, professeur des écoles et chercheur, auteur d'une étude sur les AESH pour le syndicat FSU-Snuipp, majoritaire dans le premier degré.

Des femmes de plus de 50 ans : le profil des AESH

Il a interrogé plus de 2 600 AESH et peut dresser leur profil : le plus souvent des femmes, de plus de 50 ans et peu ou pas diplômées. En temps partiel imposé (24 heures maximum soit le temps que passe un enfant à l'école), au mieux en CDI mais pas fonctionnaires, elles sont « dans une grande précarité ». « J'en connais qui font le marché aux puces le matin avant l'école, c'est du bricolage », raconte-t-il.

Un métier sans formation ni reconnaissance

Plus que la précarité, ce que regrette Sabine Savelli, AESH à Marseille également, c'est d'être « invisible ». Ça commence dès le recrutement, selon elle : les AESH sont « jetées dans une classe », sans réelle formation. En 60 heures seulement, elles n'apprennent « pas du tout comment exercer (leur) métier ». Dans les écoles, les AESH n'ont « pas de place », poursuit Frédéric Grimaud. Ni enseignantes ni personnel municipal, elles n'ont pas de casier pour poser leurs affaires, de salle pour se reposer ou manger, et ne sont représentées dans aucune instance.

Manque de moyens, enfants mal accompagnés

Contacté par l'AFP, le rectorat d'Aix-Marseille a indiqué que fin octobre « le taux effectif d'élèves accompagnés s'établi(ssait) à 92% » dans l'académie. Mais ces chiffres cachent, selon Frédéric Grimaud, une réalité plus nuancée. « La plupart des enfants partagent leur AESH avec d'autres », détaille-t-il. « On réduit le temps avec elle. » Selon un rapport parlementaire rendu public le 16 décembre, le ratio moyen d'élèves par équivalent temps plein d'AESH, à 6,8 en 2024, constitue « un indice fort de l'état de saturation des effectifs déployés ».

Le député socialiste rapporteur de cette commission d'enquête, Sébastien Saint-Pasteur, plaide pour une revalorisation du statut qui « aura une plus-value importante sur l'attractivité » du métier. Une proposition de loi pour accorder le statut de fonctionnaires aux AESH sera discutée au Sénat le 17 décembre 2025 et le 7 janvier 2026.

© Ivan-balvan de Getty Images

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