Chaque entreprise de 250 salariés et plus est tenue, depuis le vote de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, de nommer un référent handicap. Un poste « déterminant » qu'occupe Amélie Gautier, en charge de la mission handicap et diversité d'O2 (entreprise spécialisée dans les services à domicile), à temps plein, depuis deux ans. Le point sur cette nouveauté en amont de la première Université du réseau des référents handicap (URRH) qui se tiendra les 19 et 20 octobre 2020 (initialement prévue les 17 et 18 mars, elle a été reportée en raison de l'épidémie de coronavirus), à Lyon (article en lien ci-dessous).
Handicap.fr : Quel est, selon vous, l'enjeu de cette obligation ?
Amélie Gautier : Le taux de chômage des personnes handicapées est deux fois plus élevé que la moyenne nationale. L'enjeu de cette loi est clair : répondre à cette problématique ! De plus, pour les entreprises qui ne se sont pas déjà emparées du sujet, cela permet d'accorder à la fonction de référent handicap une réelle expertise et une certaine importance au sein de l'organisation. Le signal envoyé aux salariés concernés par un handicap ou des problèmes de santé est ainsi positif, et permet d'établir le dialogue et la recherche de solutions.
H.fr : Concrètement, quel est votre rôle ?
AG : Je suis une personne ressource pour l'ensemble de nos personnels supports, encadrants comme intervenants à domicile. Ainsi, je fais le lien entre tous nos acteurs internes et externes (médecins du travail, ergonomes, Cap Emploi, centres de rééducation professionnelle, ESAT, écoles...) et anime notre politique handicap au quotidien : aide au recrutement, suivi de l'obligation d'emploi de chaque structure, accompagnement de nos managers, communication et sensibilisation, mise en place de forums, adaptations de postes et maintien dans l'emploi, prévention des inaptitudes… Mon périmètre d'intervention est national pour 14 000 salariés potentiels, dont 500 reconnus handicapés.
H.fr : Pourquoi avoir choisi cette fonction ?
AG : Cela me tient à cœur de pouvoir aider, accompagner, conseiller et orienter nos collaborateurs actuels et futurs dans leur intégration tout comme dans leur maintien en emploi. La mission du référent handicap est aussi de montrer que les travailleurs en situation de handicap possèdent des compétences et sont une richesse pour l'entreprise. Nous avons tous à apprendre des uns et des autres ! Cette fonction a du sens pour moi et est utile de façon sociétale.
H.fr : Avez-vous suivi une formation spécifique ou bénéficiez-vous d'une expérience en matière de handicap ?
AG : A l'origine, je ne bénéficie d'aucune expérience en la matière. Pour changer la donne, quelques mois après ma prise de poste, j'ai suivi une formation intensive de référent handicap proposée par l'Agefiph (fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans le privé), sur deux jours. Mon apprentissage s'est ensuite perfectionné progressivement en interne, via la mise en place d'un binôme et d'actions de tutorat.
H.fr : Un exemple d'action que vous avez menée pour booster l'inclusion dans votre entreprise ?
AG : Récemment, j'ai été sollicitée par un médecin du travail qui envisageait une inaptitude professionnelle pour l'une de nos collaboratrices, chargée de clientèle. Je l'ai contactée afin de faire un point sur sa situation et ai été touchée par son parcours de vie, sa crainte de perdre son emploi, son attachement à l'entreprise… Nous lui avons donc proposé un accompagnement complet : reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) ; analyse des compétences, contraintes et postes en lien avec Cap Emploi, recherche d'emplois adaptés en interne. Elle occupe aujourd'hui le poste d'assistante d'agence. Une belle réussite pour tous ! Dans quelques jours, cette collaboratrice deviendra d'ailleurs l'égérie de notre nouvelle campagne de sensibilisation en interne.
H.fr : Pensez-vous qu'un référent handicap devrait être obligatoire dans chaque entreprise, quelle que soit sa taille ?
AG : La notion d'obligation me dérange en ce sens qu'« obliger » reviendrait à avouer, quelque part, un constat d'échec collectif face au sujet du handicap dans les entreprises. Il y a, à mon sens, encore beaucoup à faire au travers des verbes « sensibiliser », « accompagner » et « former ».
H.fr : Qu'attendez-vous de la première Université du réseau des référents handicap ?
AG : Des réponses à mes problématiques de terrain, pouvoir échanger avec mes pairs, élargir mes connaissances et compétences, voir comment mes homologues traitent certains sujets. J'aimerais également découvrir des innovations en matière de sensibilisation, d'inclusion, pour, in fine, me professionnaliser davantage.
Référent handicap entreprise : la personne sur qui compter?
La loi impose désormais aux entreprises de 250 salariés et plus de désigner un référent handicap. Son rôle, sa valeur ajoutée ? Réponses d'Amélie Gautier, chargée de mission handicap chez O2. Une piste pour rendre l'emploi réellement inclusif ?
"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Cassandre Rogeret, journaliste Handicap.fr"