Léonie, 10 ans, fera sa dernière rentrée en CM2 en septembre 2024. Face au refus de la maintenir un an de plus dans cette classe, la fillette atteinte du syndrome de Di George, qui entraîne notamment un retard d'acquisition du langage, sera contrainte de rester chez elle jusqu'à ce qu'une place se libère en IME (Institut médico-éducatif). Son cas est malheureusement loin d'être isolé...
« Au-delà d'être illégal, c'est indigne, sur le plan humain, de laisser ces enfants sans solution ! », réagit Chams-Ddine Belkhayat, directeur du développement de l'offre chez AFG autisme, association qui gère plus de 70 établissements, services et dispositifs dédiés aux personnes autistes.
Sept ans d'attente pour un IME
Et les notifications délivrées par la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) ne sont pas des garanties... Les délais d'attente pour obtenir une place en Sessad ? Cinq ans. Pour un IME ? Sept ans, répond-il, désabusé. Faut-il alors se tourner vers les classes ordinaires ? « L'Etat a vendu l'école inclusive comme une solution adaptée qui accueille tout le monde. Or, certains élèves très déficitaires, pour qui l'école n'est pas adaptée sont toujours en attente d'une place en IME ; de fait, ils ne bénéficient pas d'accompagnement », déplore-t-il. A côté de ça, dans certains IME de gestionnaires généralistes, on peut croiser des jeunes qui pourraient être scolarisés. Certains opérateurs ne jouent pas réellement le jeu.
Quelle solution si « pas de solution » ?
Face à ce constat, quelle alternative ? « Si un enfant n'obtient pas de solution adaptée à ses besoins, il est du devoir de l'institution de déclencher un plan d'accompagnement global (PAG), qui doit donner lieu à un groupe opérationnel de synthèse (GOS), piloté par la MPDH et au sein duquel les agences régionales de santé (ARS) vont convier des établissements médico-sociaux », explique Chams-Ddine Belkhayat. Que ce soit dans un dispositif de répit ou un hôpital de jour, même si ce n'est pas totalement adapté, l'objectif est de trouver une prise en charge durant ce délai d'attente.
Et si ça bloque vraiment ?
Et si aucune solution n'est trouvée d'ici la rentrée? « Ce n'est pas envisageable. Aucun établissement scolaire n'a le droit de refuser l'inscription d'un enfant. De même que l'ARS et la MDPH ne peuvent pas se satisfaire en répondant qu'il n'y a pas de solution. La MDPH doit éditer une orientation et charge à l'ARS et à l'Education nationale d'élaborer des solutions adaptées. Les familles n'ont plus à subir les carences de l'Etat. Stop, il faut arrêter maintenant ! », martèle-t-il, réprimant cet acte illégal.
Vers qui se tourner ?
Vers qui les familles doivent-elles se tourner ? Les communautés 360 ? « L'Etat a créé ce réseau dédié à l'accompagnement des personnes handicapées afin de répondre à ces problématiques. Mais, dans les faits, celles qui les saisissent n'ont pas davantage de réponses », déplore-t-il. Mais alors à qui la faute ? « Communautés 360, MDPH... tout le monde est en difficulté et se renvoie la balle. »
Quelles actions mener ?
« Les familles doivent alors se battre pour faire appliquer les droits les plus fondamentaux, prendre un avocat, se porter partie civile, entamer un procès auprès du tribunal administratif pour défaut de prise en charge et non-respect de la loi », encourage-t-il. Pourquoi nombre d'entre elles jettent l'éponge ? « Parce qu'elles sont épuisées par leur quotidien et parce que le droit commun est, la plupart du temps, ignoré, bafoué », regrette-t-il.
Quel rôle du médico-social ?
« Orchestrés par les MDPH et les ARS, les acteurs du médico-social, bien qu'il n'y ait pas de place à temps plein pour accueillir ces enfants, doivent mettre en œuvre des solutions innovantes, en coopération avec l'école et différents établissements et services médico-sociaux », insiste Chams-Ddine. Selon lui, il est également du ressort de l'Education nationale, notamment via le Geva-sco (guide d'évaluation des besoins de compensation en matière de scolarisation), de « proposer non pas une mais différentes options, par exemple IME, Ulis ou encore classe ordinaire avec un accompagnement maximal par les AESH ». « Dans le médico-social, on se doit d'être agiles, de revoir notre façon de fonctionner, de travailler en 'file active' et non en 'place constante', ce qui signifie que l'on doit proposer une solution, dans la limite du possible pour nos équipes, à toutes les personnes qui sont sur liste d'attente, exhorte-t-il, mais encore faut-il que les acteurs en aient les moyens. C'est le travail auquel on s'emploie chez AFG Autisme mais tout le monde doit le faire, c'est un devoir. »
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