L'autisme est une « maladie à guérir », qui « entraîne des difficultés à nouer des liens avec les autres », tandis que des « souris autistes », terme utilisé pour simplifier la compréhension, font l'objet d'un sujet du brevet. Ces propos figurent dans un manuel scolaire de SVT (sciences et vie de la terre) paru en 2017 et dédié aux collégiens de la 5e à la 3e. Un « traitement » à base d'ocytocine est par ailleurs évoqué alors qu'il n'est qu'une piste de recherche parmi tant d'autres. Cette « perle » est tombée entre les mains d'un élève autiste fin janvier 2021, relayée par l'association SOS autisme France, qui juge ce contenu « totalement inapproprié », « truffé de désinformations et de théories charlatanesques ». « Non seulement la définition de l'autisme n'est pas conforme à celle donnée par l'Organisation mondiale de la santé mais certaines pistes de recherche sont présentées comme des vérités scientifiques », précise sa présidente, Olivia Cattan. Rappelons que l'autisme n'est pas une maladie mais un trouble envahissant du développement qui, en tout état de cause, même s'il peut être pris en charge et accompagné, ne se « guérit pas ».
Une image stéréotypée
C'est surtout la portée de cette vision stéréotypée de l'autisme qui inquiète, « au regard de l'inclusion difficile des collégiens autistes », le mot « autiste » étant, selon une étude menée en 2018 par l'Ifop/SOS autisme, devenu une insulte récurrente dans les cours de récré. Comment faire évoluer l'inclusion de ces élèves si les manuels contiennent des propos qui peuvent engendrer moqueries et discriminations ? « Vous mettez en péril tout le travail d'information et de sensibilisation que les associations mènent depuis des années », écrit SOS autisme à l'éditeur, lettre co-signée en quelques heures par des milliers de parents. L'association y réclame le « retrait immédiat de la version numérique » et de l'ouvrage en attendant sa réimpression ; dans le cas contraire, une plainte sera déposée.
Bien plus qu'une maladresse
Le soir même, le ministère de l'Education nationale, le secrétariat d'Etat au handicap, ainsi que l'éditeur, Belin Education, sont alertés. De son côté, la Délégation interministérielle à l'autisme (DIA) prend contact avec l'éditeur qui déplore une « maladresse ». Les réseaux sociaux se sont rapidement chargés de relayer l'affaire, de nombreuses familles s'indignant qu'un tel contenu ait pu être validé par l'Education nationale. Mais chaque établissement scolaire est libre de choisir ses manuels et, au titre de la liberté éditoriale, chaque éditeur est responsable de ses contenus, sans contrôle ni pression possible du ministère. Si le fait de mentionner l'autisme dans un ouvrage scolaire est plutôt une bonne chose en soi, qui peut participer à l'inclusion, il faut avoir la prudence de ne pas véhiculer une « série d'inexactitudes scientifiques », selon la DIA.
Une réunion prévue
« Impossible de rester avec cette vision de l'autisme ! », a twitté Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat au Handicap. Les personnes et leurs familles qui vivent au quotidien l'autisme ont droit au respect et à la vérité de la Science ». La ministre demande alors à Belin Education de « réagir ». Chose faite publiquement sur Twitter ; il répond « avoir bien pris connaissance de tous les messages adressés » et dit « regretter que les propos (…) puissent avoir heurté ». A l'initiative de la délégation autisme, une réunion est prévue dans la semaine, accueillant, notamment, une personnalité scientifique qui aura pour mission d'apporter un éclairage plus pertinent et de « faire la rectification nécessaire ». Belin a pris les devants en publiant, le 3 février, un long message d'excuses, dans lequel il dit « reconnaître » une à une ses erreurs. Si cet éditeur scolaire assure que ses « manuels sont reconnus pour leur qualité pédagogique et leur rigueur », il admet que, « dans ce cas précis », sa « vigilance a été mise en défaut ». Il assure que « l'exercice va être entièrement réécrit » dès « aujourd'hui ».