« Il y a deux ans, Naïzel ne nous regardait même pas. Aujourd'hui, on constate de vraies évolutions au niveau de son comportement. Il est plus calme et détendu et ne semble plus en souffrance. » Naïzel a aujourd'hui 8 ans, diagnostiqué autiste moyen. Il ne parle pas. Mais sourit, souvent... Selon sa grand-mère, Joëlle, bien des choses ont changé depuis qu'a été mise en place la méthode des 3I qui, selon ses promoteurs, « permet aux jeunes autistes de communiquer et de sortir de leur monde par le jeu, d'entrer en relation avec l'autre en l'imitant » (article en lien ci-dessous).
Parcours chaotique
Ses parents ont essayé d'autres méthodes, comme PECS, mais sans résultats visibles. « Pourquoi ne pas retenter maintenant, d'ailleurs ? », confie Joëlle. Cette famille n'a jamais cessé de chercher, d'expérimenter. Un parcours chaotique, comme souvent, fait d'errance... Pas de place en IME, un centre pour enfants polyhandicapés. « Une horreur, selon sa grand-mère. Compte tenu de leur handicap, les enfants étaient maintenus attachés sur des sièges et criaient, ce qui effrayait Naïzel et le rendait irritable ». La direction suggère de le mettre sous neuroleptique, ce que ses parents refusent. Ils sont alors contraints de le garder à domicile. Mais ils en ont la garde alternée et sont dans l'obligation de travailler ; ils n'ont pas d'autre choix que d'accepter de confier leur enfant à ses grands-parents qui mettent en place la méthode des 3I à leur domicile avec le soutien de parents déterminés à donner toutes ses chances à leur fils.
Des bénévoles 40h par semaine
Le jeune garçon peut compter sur le soutien d'une trentaine de bénévoles qui 40 heures par semaine, soit 6 heures par jour, se relaient auprès de lui au domicile familial, dans une salle spécialement aménagée à cet effet. Ce « monde » respecte un protocole scrupuleux : un sol doux, un toboggan, une petite balançoire, deux étagères placées en hauteur pour que l'enfant prenne l'habitude de désigner ce qu'il veut. Et des films sur les vitres pour plonger la pièce dans une ambiance tamisée. Rien n'est laissé au hasard. Chaque bénévole, formé par l'association, est présent en moyenne 1h30 par semaine. Jamais aucun forcing, ils sont tenus d'aller au rythme de l'enfant, quitte à se mettre en retrait lorsque ce dernier n'est pas réceptif. Des mouvements, des balancements, des contines, des câlins parfois.
C'est l'enfant qui dirige la séance
Naïzel est apaisé car on s'adapte à son rythme, à ses temps de repos. C'est lui qui dirige la séance ; rien ne lui est imposé. Tempo pianissimo... « Alors, parfois, explique Joëlle, certaines personnes ont le sentiment de ne servir à rien, de ne pas être à la hauteur mais ce n'est pas le résultat immédiat qui est recherché ». Les séances sont filmées en permanence ce qui permet une analyse ultérieure qui fait l'objet d'une restitution en présence de la psychologue de l'association. Des grilles d'évaluation sont remplies tous les 4 à 5 mois. « Ce sont les familles qui rémunèrent la psychologue, en moyenne 300 à 400 euros par mois. A part cela, parce que cette méthode se base sur la présence de bénévoles, elle ne coûte rien, et encore moins à l'Etat. » Un accompagnement dans la durée, non-stop, même pendant les vacances. « Parfois, nous sommes tout de même obligés d'interrompre les séances, poursuit Joëlle, et les retours sont alors plus difficiles, ce qui prouve que cette méthode a un effet bénéfique sur mon petit-fils ».
En 3 phases
Paolo, 13 ans, le petit-fils d'une des bénévoles, a eu l'occasion de participer à quelques séances de jeu et parfois de retrouver Naïzel à la piscine de sa ville, dans le Val d'Oise. Car, après la phase 1 qui se déroule exclusivement dans la salle de jeu, la suivante permet de sortir à l'extérieur. L'objectif de la méthode 3I étant de parvenir jusqu'à la phase 3 avec une scolarisation à domicile ou en milieu ordinaire. « Cela a réussi avec d'autres enfants, conclut Joëlle. Je ne sais pas vraiment si ce sera le cas pour Naïzel car il a débuté assez tard. C'est pourquoi il est important de commencer dès que le diagnostic est posé, à deux ans pour certains. »
Une méthode non reconnue
En France, chaque année, un enfant sur 150 naît avec un trouble envahissant du développement (TED). 77% des enfants autistes de moins de 16 ans en âge d'aller à l'école ne sont pas scolarisés et seuls 20% d'entre eux le sont en milieu ordinaire. C'est l'association AEVE (Autisme espoir vers l'école) qui a lancé en France, en 2005, la méthode des 3I, « Intensive, Individuelle, Interactive ». Elle a permis, selon elle, à la moitié des enfants qui l'ont suivie de prendre le chemin de l'école. Inspirée d'approches américaines, elle est centrée sur le jeu, avec pour objectif premier d'établir la communication, et donc la création d'une relation avec l'enfant. Elle n'est cependant pas reconnue officiellement. En avril 2016, à l'occasion du Comité national autisme, AEVE interpelait la ministre de la santé et lançait une pétition réclamant la « liberté de choix et la non exclusivité des méthodes comportementales (NDLR : par exemple de type ABA) » et dénonçant la « pensée unique ». Ils sont plus de 5 000 bénévoles en 2015 et plus de 15 000 depuis dix ans à donner de leur temps à des enfants autistes dans le cadre de cette méthode.