Autisme : des règles sang pour sang taboues

50 % des femmes autistes affirment ne pas comprendre leurs règles alors qu'elles vivent parfois cette période avec davantage d'intensité. D'après une étude inédite, beaucoup se sentent ignorées et mal informées sur un sujet intime jamais abordé.

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Tabous renforcés, difficultés de compréhension ou effets sensoriels démultipliés (…), l'expérience des règles pour les femmes avec autisme peut se révéler douloureuse, tant sur le plan physique que psychique, d'après une étude menée par Intimina, une marque de produits d'hygiène féminine. Son objectif ? Faire entendre la voix des personnes avec autisme, pour aider à comprendre les défis auxquels elles sont confrontées et surmonter la stigmatisation autour de ce sujet. Une démarche assez inédite pour une marque, qui mérite d'être soulignée.

Peur d'être humiliées

Si les règles demeurent un tabou universel, il l'est d'autant plus pour une femme avec autisme. « Les personnes autistes, comme moi, peuvent avoir du mal à parler des règles parce qu'elles ont honte », explique Steph Jones, psychothérapeute avec autisme, membre de la National autistic society en Grande-Bretagne, qui a contribué à cette étude. Du fait de difficultés dans les interactions sociales, il est parfois difficile voire impossible pour des jeunes filles menstruées de se confier sur un sujet aussi intime, même auprès de leurs proches, déclarent 40 % d'entre elles. « On ne demande pas d'aide car cela laisse les individus ouverts à la possibilité d'être rejetés, humiliés ou invalidés », poursuit Steph Jones. Résultat, cet isolement conduit à une méconnaissance de l'appareil reproducteur. 39 % des femmes interrogées ne savent pas identifier correctement le col de l'utérus. Et, plus globalement, elles sont une sur deux à ne pas comprendre leurs règles. Pour certaines d'entre elles, quatre à cinq ans sont nécessaires pour appréhender ce bouleversement hormonal, quand il faut plutôt un an pour une personne « neuro-typique ».

Hyper réaction aux stimuli sensoriels

Ballonnements, dépression, anxiété, maux de tête, douleurs dorsales, crampes, fatigue… font partie du lot commun des femmes. Or, ces effets peuvent être décuplés pour les personnes autistes, qui « ont des expériences différentes en ce qui concerne leurs sens, leurs effets physiques, leur santé mentale », rappelle l'enquête. L'une d'entre elles signale par exemple des « vagues de dépression, d'anxiété croissante, d'attaques de panique et de crises de larmes aléatoires ». 96 % des participantes au sondage rapportent des changements émotionnels, un chiffre qui correspond plus ou moins à la moyenne globale féminine (90 %) d'après l'Office on women's health. En revanche, les odeurs des produits menstruels comme les tampons, les coupes menstruelles et les serviettes hygiéniques peuvent être une source de gêne pour 70 % des femmes atteintes de TSA (troubles du spectre de l'autisme) car hyper réactives aux stimuli sensoriels.

Une hypersensibilité olfactive dérangeante

Sophie en témoigne ; elle dit « ne pas supporter l'odeur de (ses) propres menstruations », « qui lui remonte au nez ». Même si cela n'est « pas compatible ni avec l'écologie, ni avec une journée de travail en présentiel (à cause des absences répétées) », elle doit « changer de serviette toutes les deux à quatre heures » et juge cela « contraignant ». Elle n'ose pas non plus se promener avec une culotte propre dans son sac, à cause des « risques de mauvaise interprétation ». Quant aux tampons, elle ne les supporte pas, d'autant qu'étant dyspraxique (trouble du geste), elle dit n'avoir « jamais réussi à en mettre sans avoir mal ». Une de ses amies, elle aussi autiste, assure « sentir les règles des femmes à côté d'elle » et en être gênée.

Apprentissage adapté de la puberté ?

Après avoir été longtemps occultée, l'intimité des personnes handicapées, et notamment la santé féminine des personnes avec TSA, commence à être enfin mise en lumière à travers ce type d'enquêtes. « Nous espérons vraiment que le rapport et les conseils qu'il contient les aideront », souligne la marque Intimina. Steph Jones incite par exemple les jeunes filles à « suivre leurs humeurs pour déterminer si elles semblent liées à des changements hormonaux ou si elles relèvent d'un problème sous-jacent ». « N'hésitez pas à consulter un médecin si des mesures simples telles que des bouillottes, des exercices doux et un soulagement de la douleur ne permettent pas de gérer les douleurs menstruelles », avertit de son côté Shree Datta, gynécologue, sollicitée par les auteurs de l'etude pour livrer ses conseils. Mais franchir la porte d'un cabinet gynécologique n'est pas toujours évident pour une personne « neuro-atypique ». Sophie témoigne n'avoir « jamais parlé (de ses réticences) avec qui que ce soit ». C'est pourquoi il existe des dispositifs comme « Handigynéco » qui permet à des femmes en situation de handicap, accueillies en établissement médico-social, de bénéficier d'un suivi adapté, dans un cadre rassurant et familier. Elles se voient également proposer des ateliers sur la vie affective et sexuelle (article en lien ci-dessous). Pour les jeunes scolarisés, il devient également nécessaire d'adapter les supports dans l'apprentissage de la sexualité et de la puberté, notamment dans le cadre des cours d'éducation sexuelle au collège, encore trop peu pris en compte (article en lien ci-dessous).

A noter qu'un collectif organise un colloque départemental sur l'accompagnement à la vie affective et sexuelle des personnes en situation de handicap en établissement et services médico-sociaux le 2 juin 2022 à Grenoble (Isère, Centre des Congrès WTC, de 9h30 à 17h). Intitulé « Handicaps et sexualités : tabous, réalités, perspectives », il proposera notamment trois conférences.

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Clotilde Costil, journaliste Handicap.fr"
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