Craintes de part et d'autre de la table d'examen, manque de matériel adapté ou de praticiens disponibles... Les femmes en situation de handicap vont moins que les autres chez le gynéco, une situation que des sages-femmes et des médecins tentent d'améliorer. Selon une étude menée par l'Agence régionale de santé (ARS) d'Ile-de-France en 2017, 58% d'entre elles disaient avoir un suivi gynécologique, contre 77% des femmes en général. Pourquoi une telle différence ? Sont évoqués l'accessibilité des cabinets de gynécologie et les préjugés que subissent ces femmes concernant leur vie affective et sexuelle. « C'est comme si ces personnes étaient asexuées », lâche Chantal Etienne, présidente de l'antenne en Charente de l'Adapei (Association départementale de parents et d'amis des personnes handicapées mentales).
Risques de cancers accrus
A l'âge de la première visite chez le gynéco, en général à l'adolescence, « les proches de la jeune femme handicapée doivent l'inciter à cette visite, en abordant le sujet et en l'amenant chez le praticien », souligne Chantal Etienne. Car avoir un suivi gynécologique est un impératif sanitaire, tant « les études montrent que les femmes en situation de handicap développent davantage de cancers, parce que les dépistages se font trop tard », constate Frédérique Perrotte, sage-femme à Paris. Pour lever les obstacles entre les femmes et le circuit de soins, Sabrina Hedhili, elle aussi sage-femme, et Catherine Ray-Quinio, médecin, ont lancé en 2018 le dispositif « Handigynéco » (article en lien ci-dessous) ; des sages-femmes interviennent directement au sein des établissements médico-sociaux, où l'accessibilité est plus adaptée. Outre le suivi gynécologique, sont proposés des ateliers sur la vie affective et sexuelle (article en lien ci-dessous).
Manque de praticiens formés
Lorsqu'elles ont lancé « Handigynéco », les fondatrices ont fait face à une difficulté : le recrutement de praticiens formés aux consultations de cette patientèle. « Ou les professionnels ne savent pas faire, ou ils n'ont pas le temps ». Il faut une heure pour examiner une femme en situation de handicap. En une heure, « le praticien peut consulter trois ou quatre patientes valides », constate Mme Hedhili. Un temps « long » nécessaire pour les examens mais surtout pour les échanges sur la vie affective et sexuelle de la patiente, qui a peu l'occasion de le faire ailleurs. Des réticences existent également du côté des patientes, qui sont plus souvent orientées « vers des sages-femmes plutôt que des gynécologues et elles ont l'impression que les sages-femmes sont moins crédibles », explique Chantal Etienne. Autre obstacle : des femmes en situation de handicap doivent être aidées lors de la consultation, relève la présidente de l'Adapei Charente. « Une infirmière ou une aide-soignante peut assister au rendez-vous ou aider la patiente à se déshabiller mais cela reste très intrusif ».
Des consultations blanches
Pour lever les réticences, les professionnelles de santé appellent à créer des groupes d'échanges sur les vies sexuelles et affectives avec des psychologues ou développer des « consultations blanches ». Ces rendez-vous avec un gynéco, sans examen physique, permettent une première prise de contact, une mise en confiance des patientes et une attention plus particulière à leur vie affective et sexuelle. Avec pour objectif « de briser des tabous », indique la sage-femme Frédérique Perrotte. Pendant ces rendez-vous, le praticien et la patiente abordent le sujet de la sexualité, « puis les questions de la violence et du consentement ». Les échanges avec un médecin ou une sage-femme ont ainsi permis de dresser un bilan des agressions dont ont été victimes les personnes hébergées en établissement ; 25% des femmes en situation de handicap ont déclaré avoir subi des violences sexuelles, selon les données recueillies lors de 434 consultations menées dans le cadre du dispositif « Handigynéco ».