« L'architecture de l'autisme est très complexe, nos observations le montrent encore ! », affirme Thomas Bourgeron, professeur à l'Institut Pasteur. Lui et d'autres chercheurs français et internationaux ont découvert que des variations génétiques impliquées dans l'autisme étaient non seulement présentes chez 4 % des personnes concernées par ce trouble neurodéveloppemental (TND) mais également chez près de 1 % des individus issus de la population générale, donc, sans diagnostic. 700 000 Français vivraient aujourd'hui avec un trouble du spectre de l'autisme (TSA), selon l'Institut Pasteur, mais combien présentent en réalité des traits autistiques et sont passés sous les radars du diagnostic ? Pour rappel, les TSA se caractérisent par des difficultés de communication sociale et par des comportements, activités ou intérêts restreints et répétitifs.
Comprendre l'architecture génétique de l'autisme
Si la piste génétique s'impose depuis plusieurs années comme « la cause la plus déterminante » (Lire : Origines de l'autisme : la génétique, piste "déterminante""), les mécanismes en jeu dans la survenue de ce TND sont bien plus complexes. Il n'y a pas une mais plusieurs formes d'autisme, d'intensité « légère » à « sévère ». En effet, depuis 2003, des variations génétiques rares ont été identifiées « dans plus de 200 gènes », affirme l'Institut Pasteur. « C'est pour tenter de mieux cerner l'architecture génétique de l'autisme –la combinaison de gènes et de variants qui explique son expression– et ce qui module l'intensité de ses manifestations que nous avons entrepris ce travail de fourmi », explique Thomas Rolland, chercheur au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et premier auteur de l'étude.
Une étude comparative internationale
Les données génétiques de 13 000 personnes avec autisme ont été analysées en France et à l'international. Elles ont été comparées avec 180 000 personnes issues de la population générale, non diagnostiquée. Les résultats de cette étude comparative ont été publiés le 26 juin 2023 dans la revue Nature medicine. Pourquoi le trouble est-il resté en « sommeil » chez certaines d'entre elles ? D'après les chercheurs, la « conjonction d'autres facteurs, génétiques et environnementaux, est nécessaire pour aboutir à sa manifestation ». Si les symptômes de la « diade autistique » semblent absents, plusieurs manifestations « légères » du TSA sont tout de même perceptibles. « Les variants semblent affecter les performances cognitives des personnes sans diagnostic d'autisme qui en sont porteuses, ainsi que leur niveau d'éducation avec des niveaux de diplômes plus bas, leur niveau de revenus avec des salaires nets plus bas et leurs conditions matérielles de vie », rapporte un autre chercheur, Richard Delorme, professeur à Université Paris cité.
L'importance du facteur environnemental
Prises indépendamment, ces variations ou différences génétiques n'auraient pas d'effet manifeste « mais, combinées, elles favoriseraient l'apparition de traits autistiques », poursuit Thomas Bourgeron. L'étude relève également la prévalence de variants génétiques rares associés à un diagnostic d'autisme chez les femmes. A l'inverse, « les hommes seraient plus sensibles à la présence de variants à effet plus léger pour l'autisme par rapport aux femmes », ce qui expliquerait un probable sous-diagnostic masculin. Ces résultats vont permettre une « approche globale des personnes avec autisme », prenant notamment en compte le facteur environnemental et permettant de mieux orienter ensuite la trajectoire de la personne diagnostiquée.