A première vue, la machine Iconeus ressemble à une imprimante XXL, montée sur roulettes. En réalité, dans le ventre de cette innovation 100 % made in France, se cache non pas de l'encre et du papier mais une nouvelle méthode d'imagerie dernier cri qui permet d'observer le cerveau humain en action. Pensée et commercialisée par la start-up Iconeus, elle-même hébergée dans les locaux de l'hôpital Cochin, à Paris, cette technologie « Focus ultrasons system », aussi appelée « imagerie fonctionnelle ultrasonore », semble prometteuse pour le diagnostic hyper-précoce des troubles du neurodéveloppement (TND). Alors que va s'achever le quatrième plan autisme (2018-2022) à la fin de l'année (article en lien ci-dessous), le constat des scientifiques reste le même : de trop nombreux patients avec TND ou trouble du spectre de l'autisme (TSA) subissent l'errance médicale. « Si l'âge moyen de diagnostic était de six ans et demi en 2015, on est aujourd'hui à moins de cinq ans », reconnaît Claire Compagnon, déléguée interministérielle à la stratégie nationale autisme et TND. Or, « plus on prend les enfants tôt, plus on a de chances de rattraper une trajectoire », affirme-t-elle. L'idéal selon les scientifiques ? Détecter un TND dès le berceau, dans les six à douze premiers mois de vie du nourrisson.
La neuro-imagerie au chevet du bébé
Jusqu'à maintenant, seule l'IRM en était capable. Mais l'échographe Iconeus a un atout supplémentaire : sa maniabilité (il est portatif) et sa simplicité d'utilisation, primordiales en périnatalité. « La neuro-imagerie au chevet du bébé : on est les seuls au monde à avoir fait ça », vante Mickaël Tanter, directeur de recherche à l'Inserm et au CNRS (Centre national de la recherche scientifique), qui a collaboré au projet. Grâce à sa cadence ultra-rapide, l'outil peut visualiser le sang dans chaque vaisseau du cerveau et donc analyser l'activité cérébrale en temps réel, indétectable à l'aide d'un échographe classique. En effet, lorsqu'une zone du cerveau s'active, elle convoque un afflux de sang pour alimenter les neurones en oxygène. C'est ce mouvement ou l'altération de celui-ci, imperceptible à l'examen clinique, qui peut orienter les médecins sur la piste d'un trouble neurodéveloppemental ou non.
Une étude clinique à l'hôpital Robert-Debré
« On essaie de voir l'invisible », poursuit Mickaël Tanter. D'abord éprouvé en phase pré-clinique et expérimentale sur des rongeurs, ce dispositif va être testé sur les premiers nourrissons en début d'année 2023, à l'hôpital Robert-Debré, à Paris. La prématurité étant un des facteurs de risque, l'étude se portera dans un premier temps uniquement sur les naissances avant terme. L'essai clinique va s'étendre sur trois ans, avec des premiers résultats concrets d'ici cinq à dix ans. Outre sa sensibilité et sa relative rapidité de traitement, la technique des ultrasons n'est pas irradiante et donc « indolore et non invasive », rassurent les chercheurs.
Les « GIS » : quel bilan depuis 3 ans ?
D'autres dispositifs, qui commencent à porter leurs fruits, ont éclos durant ce quatrième plan autisme. A commencer par le réseau des groupements d'intérêts scientifique (GIS) dédiés, dont le premier souffle sa troisième bougie le 10 novembre 2022. 650 chercheurs français issus de différentes spécialités (de la biologie fondamentale jusqu'aux sciences humaines et sociales) travaillent main dans la main depuis trois ans avec les familles et le tissu associatif pour faire avancer la recherche et proposer une méthodologie innovante. Le procédé d'eye-tracking en fait partie. Egalement facilement utilisable sur des bébés à partir de six mois, cette technique informatisée de suivi du regard pourrait permettre de repérer des TSA grâce au simple mouvement des yeux.
Reconduction de la stratégie autisme en 2023
Autre preuve de l'engouement scientifique pour ce sujet : les financements nationaux sur les TND auprès de l'Agence nationale de recherche (ANR) ont bondi de 180 % depuis cinq ans. Prochains objectifs : « intensifier les actions à l'international », admet Claire Compagnon, ou encore « améliorer la formation en particulier dans les universités de psychologie », ajoute Catherine Barthélémy, pédopsychiatre, membre de l'Académie nationale de médecine. Pour rappel, la stratégie autisme et TND arrive à son terme le 31 décembre 2022. Lors du Comité interministériel du handicap (CIH), la Première ministre Elisabeth Borne a annoncé sa reconduction à partir de 2023 (article en lien ci-dessous).
© Clotilde Costil