DERNIERE MINUTE DU 2 AVRIL 2024
Réactions aux « auticides » ! Cette diffusion a provoqué l'indignation de personnes concernées, celle d'Amélie, notamment, qui épingle Samuel Le Bihan lorsqu'il déclare « un acte rare qui arrive à peu près tous les dix ans ». « Lire ce genre de mensonge dans le cadre de la journée mondiale de l'autisme, c'est comme si un média laissait la parole à un tueur féminicide le 8 mars, journée mondiale des droits des femmes, et qui dirait, au mépris de toutes les sources sur le sujet, que les féminicides sont rares », pointe-t-elle. Le relevé des articles de presse du Disability Memorial donne un chiffre beaucoup plus élevé (et avec toutes les sources nécessaires). « Il existe une journée dédiée aux meurtres de personnes handicapées par leurs proches, mais tout le monde en France s'en fout », réagit-elle.
Amélie a lancé sur Twitter le hashtag #balancetoneugéniste, « pour que toutes les personnes handicapées qui ont entendu un jour qu'elles seraient mieux mortes que vivantes puissent s'exprimer ». De son côté, CLE (Collectif pour la liberté d'expression des autistes) dénonce la « promotion du meurtre des handis ». « Si la détresse des familles est réel, ce cadrage pose problème car il privilégie le temps et l'empathie d'une meurtrière au lieu du vécu des personnes concernées », fait valoir l'association sur sa page Facebook. Dans ce contexte, elle lance une pétition et appelle à se rassembler devant le siège de France TV le 3 avril à 21h.
ARTICLE INITIAL DU 25 MARS 2024
« Je ne me suis pas levée en me disant que j'allais tuer ma fille. » C'est pourtant l'irréparable qu'a commis Elsa Sainthier le 15 février 2021. « A bout », après de longues années à s'occuper seule de Clara, « autiste sévère » et polyhandicapée, rythmées par des actes de violence et d'automutilation répétés, Elsa la pousse dans le fleuve au bord duquel elles ont l'habitude de se promener.
Le pire des crimes
Accusée du « pire des crimes », le matricide, elle croupit en prison, murée dans le silence, sans prendre la peine de se défendre, ni d'expliquer son geste... L'attitude de cette femme déclenche quelque chose chez Simon Marchand : sans jamais chercher à l'exonérer ou à la dédouaner, cet avocat va la défendre. « Pour expliquer, pour comprendre. Pour qu'un tel drame ne se reproduise plus. Jamais. »
Inspiré d'histoires vraies
Cette histoire est l'intrigue du film Tu ne tueras point, réalisé par Leslie Gwinner, d'après une idée originale de Samuel Le Bihan, à retrouver prochainement sur France 2. Il s'inspire notamment de celle d'Anne Ratier qui a décidé « d'offrir la mort à son fils » (Lire : Anne Ratier a "offert la mort à son fils" : son livre choc) ; sa confession publique avait suscité un débat de fond, entre compassion et indignation. Mais aussi du parcours d'autres parents qui, se disant « esseulés » et « démunis » face à la souffrance de leur enfant et au « manque de prise en charge adaptée », ont mis fin à ses jours. Un acte « rare qui arrive à peu près tous les dix ans », selon le comédien. L'enjeu de ce film « n'est pas d'amener de réponse mais au moins de poser la question, parce qu'elle existe », explique Samuel Le Bihan, qui incarne maître Marchand.
Samuel Le Bihan, père d'une ado autiste
« Etant père d'une ado autiste, ce film a forcément remué des choses personnelles mais je crois que, quelque part, c'était le but. Ma fille a fait beaucoup de progrès mais elle reste différente... Donc on se pose toujours plein de questions : quelle prise en charge ? Comment fera-t-elle quand je ne serai plus là ? », livre le comédien, qui a souhaité traiter ce sujet « particulièrement tabou » car il ne l'était pas encore par la télévision ou le cinéma. Ni par la société d'ailleurs…
Des familles en déshérence
Le film met en lumière le quotidien des familles concernées par l'autisme, ponctué notamment par le manque de structures adaptées, un couple en « déshérence », l'enjeu du diagnostic précoce, les prises en charge thérapeutiques comme l'équithérapie, et fait voler les préjugés en éclats : « Quand on parle de l'autisme, on va encore trop chercher le lien entre la mère et l'enfant ». Une mère qui, dans ce film d'1h30, est dépeinte comme « une maniaque du contrôle, narcissique, castratrice » par les avocats de l'accusation.
Mettre l'Etat face à ses responsabilités
Autre enjeu ? « Mettre l'Etat face à ses responsabilités. » « Elsa s'est condamnée elle-même, elle se fiche du verdict du procès », analyse Samuel Le Bihan. Le combat est ailleurs. « Le handicap n'appartient pas à la sphère privée, c'est une question d'ordre politique. Que le gouvernement tienne ses promesses en matière de handicap », exhorte l'avocat qui souhaite également « faire évoluer le regard de toute la société ». En prison, Elsa, incarnée par Natacha Régnier, se fait régulièrement agressée. « Il faut la sortir de là. Vite », implore sa mère. Mais, à l'extérieur, l'hostilité est la même. L'un la culpabilise, l'autre la juge et veut la faire payer.
Une plaidoirie de 15 min
Le film s'achève sur la plaidoirie de l'avocat de la défense. Quinze minutes saisissantes durant lesquelles maître Marchand appelle à la « compassion ». « C'était un grand moment, fort en émotions. A la fin, toute l'équipe du film, les figurants, les avocats et magistrats présents se sont levés et ont applaudi », confie la productrice, Delphine Wautier. Le fruit de deux mois de répétition. « C'était un vrai challenge d'acteur qui m'a demandé beaucoup d'investissement. J'ai assisté à plusieurs plaidoiries au Palais de justice de Paris et ai regardé des dizaines de films et séries avec des avocats », indique Samuel Le Bihan.
Soirée spéciale autisme sur France 2
Sa verve a-t-elle convaincu le jury ? Réponse le 3 avril 2024, à 21h10, au lendemain de la Journée mondiale de l'autisme. Le film sera diffusé dans le cadre d'une « soirée spéciale », suivi d'un débat animé par Julian Bugier.
© Capture d'écran du film