Par Adel Zaanoun
Sur son fauteuil roulant, Wessal enchaîne passes et paniers avec enthousiasme : en compagnie d'autres Palestiniennes, elle s'apprête à former la première équipe féminine de basketball paralympique de la bande de Gaza. Et aujourd'hui tout particulièrement, les joueuses ne ménagent pas leurs efforts car dans les gradins vides de la salle de Khan Younès, un coach de marque est venu leur donner conseils et encouragements : l'Américain Jess Markt, figure légendaire du basketball en fauteuil roulant. Paralysé après un accident à 19 ans, il s'est lancé dans ce sport et a formé des joueurs et entraîneurs en Afghanistan, en Inde et au Cambodge. A Gaza, à l'invitation du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), il encadre pendant trois semaines 115 joueuses et joueurs.
« Société handicapée »
Pour Wessal Abou Aliane, mère de quatre enfants de 40 ans, évoluer sur le terrain, c'est un moyen de se « sentir libre et forte » et d'oublier « le regard négatif des gens sur le handicap ». « J'essaye de ne pas y faire attention, mais je sais qu'il y a encore une longue lutte à mener pour que nous soyons totalement intégrés dans la société », explique à l'AFP cette Palestinienne, en jogging et le visage ceint d'un voile. « C'est la société qui est handicapée », s'insurge en écho sa coéquipière Taghrid Abou Hatab, 48 ans. « On ne leur demande pas de la pitié, on connaît notre force et notre volonté et on sait qu'on pourrait apporter beaucoup à la société », explique cette mère divorcée, qui élève seule ses deux filles.
Les filles privées de sport
A la fin du premier entraînement, Jess Markt applaudit les 24 joueuses du jour. L'année dernière, il les avait déjà vues et pour son retour, dit-il à l'AFP, « elles ont fait de vrais progrès » et « pourraient bientôt se comparer à des équipes à l'étranger ». Mais il reste du chemin à faire, et pas seulement en termes sportifs : « Les plus gros obstacles pour ces femmes, c'est de trouver des soutiens, que des clubs leur donnent l'occasion de jouer régulièrement et avec des équipements adaptés ». Et « les familles et la société » aussi doivent jouer un rôle face à « la forte pression sociale qui empêche souvent les filles de faire du sport », à Gaza peut-être encore plus que dans les autres pays où il a travaillé, dit-il. Les joueurs en fauteuil pourraient « montrer que Gaza, ce n'est pas que la guerre et la violence » et « devenir ses ambassadeurs dans des compétitions internationales », affirme Souheir Zaqout, porte-parole du CICR à Gaza.
Objectif : championne du monde
Plus de 75 000 Gazaouis, sur une population de 1,9 millions de personnes, souffrent de handicap moteur ou visuel. Il s'agit pour un tiers d'entre eux de personnes blessées lors des trois guerres menées par Israël sur Gaza depuis 2008. Des clubs paralympiques commencent doucement à se créer. Cette année, le CICR a fourni 70 fauteuils roulants à huit clubs. L'un d'eux, Al-Farissat, où s'entraînent une soixantaine de femmes, a permis à Faïza Abou Hassan de remonter la pente. « J'étais déprimée et frustrée, mais grâce au club, je me suis inscrite à l'université », dit fièrement cette étudiante en deuxième année de Sciences de l'éducation, qui s'est promis de devenir « championne du monde de basketball ».
Dans chaque maison, un blessé de guerre
Mais, déplore Sawsan al-Khalili qui dirige Al-Farissat, depuis son ouverture il y a un an le club se bat pour obtenir une salle, en vain faute de financement. « La société intègre de mieux en mieux les personnes handicapées, notamment parce qu'après les guerres dans chaque maison ou presque quelqu'un est touché par le handicap », note Fadi Dib, entraîneur de 32 ans du club paralympique du Croissant-Rouge de Khan Younès (sud). Mais ce qui manque cruellement, aujourd'hui, ce sont « des décisions politiques et des lois pour promouvoir leurs droits ». Relever le défi, Houda Abou Odeh en fait son affaire. A 36 ans, elle aussi croit dur comme fer à l'équipe féminine de basketball en fauteuil roulant : « On ne va pas céder devant les contraintes imposées par la société ». « On va réaliser notre rêve d'accéder à des compétitions internationales. Et on va gagner !».