A seulement 11 ans, Sacha a déjà un « agenda de ministre ». Ergothérapeute, kinésithérapeute, orthophoniste... Son quotidien est rythmé par un ballet incessant de professionnels de santé. Née avec un handicap rare, la fillette souffre de troubles du langage et de la vue, de difficultés de compréhension et de dyspraxie sévère. Grâce à une accompagnante d'élève en situation de handicap (AESH), elle est scolarisée en milieu ordinaire depuis ses 2 ans et demi. Un soutien de taille qui lui a permis de faire de « gros progrès ». Aujourd'hui en CM1, Sacha affiche de bons résultats scolaires et fait la fierté de sa famille. Mais voilà... Dans deux ans, une ombre risque bien d'obscurcir ce tableau : l'entrée au collège. La solution la plus adaptée, selon ses parents ? Une unité localisée pour l'inclusion scolaire. Problème, au pays de Douarnenez (Finistère), pas d'Ulis à l'horizon.
Zone blanche
La famille Youinou habite une zone blanche. Alors que ce territoire de 32 000 habitants (Douarnenez-Cap Sizun) abrite deux Ulis primaire, celle du collège la plus proche se trouve à plus d'une trentaine de minutes en voiture. A titre de comparaison, la communauté de Quimper, qui regroupe 100 000 habitants, possède six établissements secondaires de ce type. « A l'heure où le mot 'inclusion' est dans toutes les bouches, est-il normal d'imposer à des enfants déjà fragiles une heure de trajet minimum par jour pour se rendre à l'école ? », questionnent les proches. Et encore faut-il qu'il reste des places disponibles...
Dans l'attente
Anticipant cette situation, les parents entreprennent, dès 2016, des démarches pour ouvrir une classe Ulis au collège Jean-Marie Le Bris de Douarnenez. Ce n'est que deux ans plus tard qu'ils obtiennent une réponse. Caroline Lombardi-Pasquier, inspectrice d'académie à la délégation du Finistère, leur fait savoir qu'une étude est en cours « afin de définir s'il est opportun d'implanter ce dispositif à la rentrée 2019 ». La rentrée a bien eu lieu... mais aucun signe de l'ouverture d'une nouvelle classe. Refusant de se décourager, les Youinou repartent de plus belle, multiplient les relances et les demandes de rendez-vous. Seule réponse de la part de l'Académie : « Cela pourrait se faire, les effectifs sont là, l'étude est toujours en cours. Nous vous tiendrons au courant quand la décision sera prise ». En attendant, des dizaines d'élèves handicapés s'inquiètent à l'idée de venir gonfler les rangs des « sans solution éducative ». Leurs parents appellent à la mobilisation pour qu'ils puissent, comme tout le monde, suivre un parcours scolaire adapté et sans embûche.
Manque d'alternatives
Récemment, c'est Agnès Hittin qui s'insurgeait du manque de place en Ulis et d'alternatives proposées aux « enfants différents » (article en lien ci-dessous). Sa fille, Clémence Hittin, crève l'écran dans le film De Gaulle (en salle depuis le 4 mars 2020) où elle interprète Anne, la fille trisomique du général. Depuis la fin du tournage, se joue un tout autre scénario ; déscolarisée, elle recherche un établissement adapté. « Nous avons contacté, voire harcelé, toutes les Ulis et autres établissements spécialisés des alentours. En vain. Il n'y a plus aucune place nulle part, les portes se ferment les unes après les autres », déplore la maman. « Comme tout parent, nous souhaitons le meilleur pour notre fille et cherchons un endroit où nous serons certains qu'elle sera pleinement heureuse et épanouie », explique-t-elle. En attendant, Agnès, ancienne aide-soignante, s'improvise professeur des écoles et lui fait cours tous les matins. « Je suis une maman, pas une institutrice, donc je fais tout mon possible pour que Clémence ne lâche pas l'école mais ce n'est pas suffisant », constate-t-elle.
Exclusion scolaire ?
En août 2019, l'Unapei, association qui milite pour les droits des personnes en situation de handicap mental, lançait la plateforme marentree.org visant à récolter des témoignages de parents sur la « réalité de parcours éducatif et scolaire » de leurs enfants afin de recenser les besoins. Ils en ont reçu des centaines... « Anouk n'a pas de place au collège en classe Ulis pour septembre, expliquent les parents de cette fillette de 12 ans. L'inspection académique vient de nous informer qu'elle était sur liste d'attente. Elle doit donc rester en Ulis primaire. Nous savons que 'liste d'attente' signifie qu'elle n'aura pas de place avant septembre 2020. » « Mon fils a été exclu de l'école dès le CE1, se désole le père d'Antoine, 17 ans. Ma bataille dure depuis presque 10 ans, je n'ai toujours pas de solution. J'ai presque tout tenté à part une grève de la faim... » Même mobiliser les médias ? Cela a permis de faire avancer les
choses pour la famille Youinou...
« Après quatre années de lutte acharnée, nous avons enfin obtenu gain de cause ! Une
classe Ulis sera ouverte en septembre 2020 dans l'établissement secondaire public de notre
secteur », se réjouit Christelle, la maman. C'est le maire et le sénateur local qui lui ont appris la
bonne nouvelle, le 2 mars. La raison de cette décision ? Personne ne le sait vraiment. « Une
chose est sûre, c'est qu'un article relatant notre parcours du combattant a fait un petit buzz
à l'échelle locale, révèle la maman. La journaliste a tenté de contacter l'académie pour
recueillir leur réaction et, quelques semaines plus tard, la situation s'est décantée. Pour
notre plus grand bonheur. »