En cette rentrée, dix jeunes autistes ont rejoint les rangs de l'Ecole des pupilles de l'air (EPA) de Montbonnot (Isère). Leur particularité ? Des problèmes de comportement, des difficultés à communiquer et une hypersensibilité sensorielle. Le 25 septembre 2019, ils ont reçu leur insigne au même titre que les 700 autres élèves, devant leurs parents, pas peu fiers. Une émotion partagée par Dominique Dossena, ancien militaire de l'Armée de l'Air, et désormais adjoint de direction au sein d'APF France handicap Isère. « Surfant sur la vague inclusive », il a « réactivé le partenariat » qui liait, depuis plusieurs années, l'école militaire et l'Institut d'éducation motrice (IEM) où étaient accueillis les jeunes autistes. L'objectif : une inclusion progressive en milieu ordinaire.
Education structurée
Les nouvelles recrues sont reconnaissables car, contrairement aux autres élèves, elles ne portent pas d'uniforme. « C'est parce qu'elles ne font pas partie de l'école à proprement parlé. Elles ne sont pas non plus comptabilisées dans les effectifs car elles sont encore rattachées à l'IEM, explique Dominique Dossena. Nous occupons simplement deux salles de classe au sein de l'établissement. » Leur niveau, très hétérogène, ne leur permet pas d'intégrer une classe ordinaire de type 4e ou 5e. Un enseignant détaché de l'Education nationale leur prodigue un enseignement individualisé et « structuré », notamment en appliquant la méthode Teacch (traitement et éducation des enfants autistes ou souffrant de handicaps de communication). Toutes les activités sont planifiées à l'avance et l'emploi du temps est scrupuleusement respecté. Le but : éviter au maximum les imprévus, source de stress. « On structure le temps, l'espace, et tout est très visuel, précise Dominique Dossena. L'enfant est rassuré car il sait ce qui l'attend au fil de la journée et connaît même l'âge des élèves à qui il s'adresse grâce à des tenues différentielles selon les classes. » C'est l'atout d'un établissement militaire, tout est organisé « manu militari », les réprimandes en moins... Pas de punitions ni de sanctions, la pédagogie positive et les récompenses sont de « rigueur ».
L'expertise du médico-social
Pour s'habituer à ce nouveau cadre de travail, l'équipe médico-sociale, rattachée à l'IEM, a pris ses quartiers il y a environ un mois. Educateurs spécialisés, orthophonistes, orthopédagogues, ergothérapeutes et accompagnants éducatifs et sociaux sont à la disposition des jeunes autistes mais aussi des autres élèves en cas de besoin. Une collaboration « gagnante-gagnante », selon les principaux concernés, car « le médico-social n'a plus à vivre en autarcie », et l'équipe médicale de l'école fait évoluer ses pratiques au contact de spécialistes. « Ces derniers apportent de la technicité dans une école qui accueille de plus en plus d'élèves à profil particulier, notamment avec des troubles de l'apprentissage et dys », souligne Dominique Dossena.
Démystifier le handicap
Avant l'arrivée des nouveaux élèves, des actions de sensibilisation ont été menées dans chacune des classes pour démystifier le handicap. Leitmotiv : « Le handicap fait peur, l'autisme plus encore, lorsqu'on ne le connaît pas », regrette Dominique. Cette initiative a porté ses fruits, au vu, selon lui, de « l'intégration réussie » des jeunes porteurs de ce trouble. « Ces derniers ont reçu un accueil de qualité et, pour l'heure, la cohabitation se passe pour le mieux, affirme-t-il. Ensemble, ils échangent à la pause, se questionnent, sans tabou, se retrouvent pour déjeuner... » Une « belle victoire » pour des personnes ayant des troubles de la communication, se félicite les deux parties. « Depuis quelques semaines, ces derniers mangent même sans casque anti-bruit au milieu de centaines d'élèves ! », se réjouit Dominique Dossena. Elèves « valides » et en situation de handicap se côtoient également dans certains cours. En effet, plusieurs enseignants leur proposent d'intégrer la classe le temps d'une leçon d'anglais ou d'un projet de « techno », selon les facultés de chacun. « Notre ambition, c'est de les remettre à niveau et de les rendre le plus réceptif possible à l'apprentissage », poursuit-il. A l'issue de ce cursus spécialisé, certains d'entre eux, plus sereins, intégreront le milieu ordinaire via un bac pro.
Forte de cette expérience réussie, APF France handicap -qui s'ouvre peu à peu à d'autres types de handicaps que le handicap moteur- a décidé d'inaugurer, toujours lors de cette rentrée 2019, une classe de « type Ulis » (Unité localisée pour l'inclusion scolaire) spécialisée dans les troubles du spectre autistique au sein du collège Robert Desnos de Rives (Isère). Une alternative plus nuancée à l'école ordinaire grâce à une immersion « en douceur » ?