Mai 1940. La guerre s'intensifie, l'armée française s'effondre, les Allemands seront bientôt à Paris. La panique gagne le gouvernement qui envisage d'accepter la défaite. Un homme, Charles de Gaulle, fraîchement promu général, veut infléchir le cours de l'Histoire. Sa femme, Yvonne, est son premier soutien mais, très vite, les évènements les séparent. Elle se lance sur les routes de l'exode, avec ses trois enfants. Parmi eux, Anne, 12 ans, porteuse de trisomie 21. Elle est incarnée par Clémence Hittin, 13 ans, dans le film De Gaulle, en salle le 4 mars 2020. Une aventure « extrêmement enrichissante » aussi bien pour l'adolescente que pour Lambert Wilson et Isabelle Carré qui interprètent le couple phare de la Résistance.
Une équipe « aux petits soins »
La scénariste du film a repéré Clémence via le blog de sa mère, Agnès Hittin. « Elle n'avait aucune expérience dans le cinéma et, au bout de deux essais avec le staff, nous nous sommes rendu compte qu'elle ne pourrait pas apprendre ses répliques par cœur, explique cette dernière. Elle était à la fois très joyeuse et angoissée car elle ne comprenait pas complètement ce qu'on attendait d'elle. » « Emballée » par ce projet, Clémence accepte finalement et improvise. Cette spontanéité contagieuse oblige les acteurs à se réinventer et à « se laisser guider par ce que Clémence a à leur offrir ». « Cette proximité avec des inconnus, c'est difficile pour une enfant trisomique. Au début, elle n'était pas très à l'aise lorsque les acteurs lui témoignaient de l'affection. Sans compter la fatigue qui s'installe après de longues journées de tournage... Mais l'équipe a su s'adapter à ses spécificités et l'a vraiment choyée », se félicite Agnès.
Sans solution éducative
Depuis la fin du tournage, le scénario a bien changé... Déscolarisée depuis décembre 2019, l'apprentie actrice se sent « terriblement seule » et vient gonfler les rangs des élèves en situation de handicap « sans solution » éducative. Nouveau synopsis ? Clémence, jeune fille souriante et pleine de vie, recherche « petite » structure spécialisée qui prône une approche ludique et bienveillante, pour s'épanouir sur le plan scolaire et social. Sur Facebook, sa mère lance un appel à la mobilisation pour l'aider à trouver cet établissement adapté. « Comment cette jeune actrice capable de tenir un rôle pour le cinéma peut être, en même temps, déscolarisée aussi longtemps ? C'est incompréhensible ! », s'insurge-t-elle. Avant le tournage, Clémence a passé « sept années exceptionnelles » au sein de l'école spécialisée « Aime la vie », située au cœur de Voisins-le-Bretonneux, une petite ville des Yvelines. Cette structure accueille six enfants en situation de handicap, qui suivent des cours le matin et prennent part à des activités l'après-midi. Le hic, c'est qu'elle est réservée aux enfants de 5 à 12 ans et Clémence vient d'en avoir 13. « Nous avions trouvé une place en Ulis (Unité localisée pour l'inclusion scolaire, ndlr) mais elle s'est fait littéralement virer au bout d'à peine trois mois, regrette Agnès. Les institutrices n'ont pas réussi à comprendre comment fonctionnait Clémence et n'ont pas cherché plus loin... »
Les établissements spécialisés saturés
Depuis, « nous avons contacté, voire harcelé, tous les établissements spécialisés des alentours. En vain, déplore la maman. Il n'y a plus aucune place nulle part, les portes se ferment les unes après les autres ». Selon elle, seul un Institut médico-éducatif a répondu présent mais « il n'était pas adapté aux besoins et au caractère de Clémence ». « Nous avons donc pris la décision qui nous semblait la meilleure, ne pouvant nous résoudre à un simple 'placement', poursuit Agnès. Comme tout parent, nous souhaitons le meilleur pour notre enfant et cherchons un endroit où nous serons certains que notre fille sera pleinement heureuse et épanouie. » En attendant, Agnès, ancienne aide-soignante, s'improvise professeur des écoles et lui fait cours tous les matins. « Je suis une maman, pas une institutrice, donc je fais tout mon possible pour que Clémence ne lâche pas l'école mais ce n'est pas suffisant », ajoute-t-elle.
« Comment font les parents qui travaillent ? Heureusement, ce n'est pas mon cas, sinon quelles solutions aurions-nous ? », questionne la maman qui constate « un manque considérable d'établissements intermédiaires ». « Nous n'avons pas beaucoup de choix, c'est soit l'IME, soit une classe Ulis, observe-t-elle. L'inclusion, c'est bien mais ce n'est pas adapté à tous les enfants. Clémence n'est pas une élève 'comme les autres', elle aime l'école mais à petite dose et affectionne particulièrement le sport et les activités manuelles. » Agnès assure avoir reçu de nombreux soutiens mais aussi des témoignages de parents confrontés aux mêmes difficultés qui, selon elle, « souffrent en silence et se sentent seuls ». « Nous sommes fatigués de devoir sans cesse nous battre mais nous n'abandonnerons pas ! », promet-elle.