En vue des élections présidentielles de 2017, handicap.fr souhaite donner la parole à tous les candidats aux primaires des grands partis, ainsi qu'aux candidats déclarés, sur leur politique handicap. Nous leur avons soumis le même questionnaire, par écrit, et publions les réponses telles qu'elles nous ont été rendues, sans retouche.
Handicap.fr : Contrairement aux élections précédentes, plusieurs candidats aux prochaines présidentielles semblent vouloir davantage s'exprimer sur la question du handicap. Certains politiques auraient-ils pris conscience que 10% de la population, c'est un électorat qu'on ne peut pas se permettre de négliger ?
Bruno Le Maire : Je porte un projet politique qui s'adresse à tous les Français, sans exception. Il n'est pas question de cliver encore davantage la population ou de ne pas répondre aux préoccupations de nombreuses familles qui vivent au quotidien avec le handicap. Depuis 2012, lors de mes déplacements, partout en France, j'ai rencontré des familles, des enfants, des adultes en situation de handicap qui m'ont interpellé sur leurs difficultés, leurs inquiétudes, mais qui ont également la rage de se battre, l'envie, l'énergie et des propositions pour avancer, l'espoir que les choses évoluent. Le contrat présidentiel que je propose aux Français résulte de ces rencontres, de ces discussions et de la conviction que le handicap fait partie de notre vie et fonde une identité personnelle qui est une expérience riche d'enseignements pour les autres si elle est partagée. Je ferai du handicap la grande cause nationale de mon quinquennat pour faire évoluer le message politique, porté par des élus, des chefs d'entreprise, des artistes, des sportifs, des femmes et des hommes qui, en affirmant leurs différences, feront avancer les mentalités. Pour cela, il n'est pas nécessaire d'adopter une nouvelle loi mais il faut une volonté politique claire et des moyens d'action concrets pour s'assurer de la mise en œuvre effective des principes d'autonomie et d'accessibilité posés par la loi de 2005. Une politique centrée sur la pédagogie, la sensibilisation, la formation de tous les acteurs avec des incitations fondées sur l'exemplarité, l'innovation et les bonnes pratiques. Partout sur notre territoire, la solidarité s'exprime par des initiatives locales : dispositifs d'accueil temporaire, de relais, de répit pour soutenir les familles, entreprises qui permettent à des personnes éloignées de l'emploi en raison de leur handicap de retrouver un travail et la fierté qui va avec, étudiants, chercheurs qui créent des outils numériques pour faciliter la communication des personnes qui en sont privées. Je crois en la volonté des acteurs de terrain. Donnons-leur les moyens d'agir pour transformer la société. La société que nous voulons est une société juste où chacun trouve sa place et sa fierté !
H.fr : Dans cette primaire, qu'est-ce qui vous distingue des autres candidats LR sur la question du handicap ?
BLM : Il ne s'agit pas de se distinguer mais de répondre aux préoccupations et aux priorités de tous les Français que sont l'éducation et l'emploi. L'éducation est au cœur de mon projet. Pour lutter contre les représentations trop souvent dévalorisantes, les discriminations qui touchent encore trop de personnes en situation de handicap, pour construire une société ouverte aux différences, il est indispensable d'agir dès le plus jeune âge à l'école. Je veux en finir avec une école qui « trie » et construire une école qui ouvre. L'attention portée à l'éducation pour les enfants en situation de handicap est primordiale : formation et soutien des enseignants, professionnalisation des aidants, développement des centres de ressources et d'expertise vers les établissements scolaires. L'accès des personnes en situation de handicap à la formation initiale et continue constitue le moyen le plus sûr pour leur permettre d'acquérir des compétences recherchées sur le marché du travail et adaptées aux besoins des entreprises. Plutôt que des aides sociales pour tous, notre projet vise à permettre à chacun d'avoir un travail et la fierté de vivre de ce travail. Les aides sociales doivent aller à ceux qui en ont le plus besoin, et la solidarité, qui fait la fierté et la force de notre Nation, notamment envers les personnes en situation de handicap, doit retrouver tout son sens.
H.fr : Quelle serait votre mesure phare en matière de handicap si vous accédiez au pouvoir ?
BLM : En termes de méthode de gouvernement tout d'abord puisque ce sujet mérite d'être porté au plus haut niveau de l'Etat et systématiquement inclus dans les projets de loi débattus par les assemblées. Dans tous les cas, le droit commun doit prévaloir sur toute autre forme de dérogation ou de spécialisation de l'accompagnement. Un plan d'actions interministériel fixera des objectifs opposables à chacun des ministères sur les sujets identifiés comme étant prioritaires : éducation, emploi, justice, santé, accessibilité de l'environnement. L'une des mesures phares que nous présenterons s'adressera aux familles pour les soutenir et garantir qualité et continuité de l'accompagnement en mettant fin aux charges sociales pour les employeurs à domicile au niveau du SMIC, soit 2,42€/heure d'économisés. Le chantier de l'éducation et la réforme de notre système éducatif sera également prioritaire.
H.fr : Faut-il réellement jeter la pierre au gouvernement de Manuel Valls en matière d'accessibilité des lieux publics quand il hérite d'une situation qui a pris du retard sous d'autres majorités que la sienne ?
BLM : Un nouveau recul, sur le respect d'obligations clairement établies, entraînerait une décrédibilisation pérenne de l'objectif d'accessibilité. Des actions de dialogue et de prévention avant l'arrivée de l'échéance doivent être mises en place, de façon ciblée et pertinente. Le principe d'une accessibilité raisonnée doit être porté et soutenu financièrement, et les sanctions financières doivent être appliquées afin de réinjecter ces sommes pour financer des actions d'aide à la mise en accessibilité. Plusieurs villes françaises ont montré la voie en s'inspirant des bonnes pratiques de nos voisins européens, il faut renforcer ce mouvement.
H.fr : Parce que l'école est le nerf de la guerre en termes d'inclusion, « une » mesure phare pour la scolarité des enfants handicapés ?
BLM : Comme je l'ai déjà souligné, il s'agit pour moi, et avant tout pour les familles et enfants concernés du chantier prioritaire. L'apprentissage ne se réduit pas à l'acquisition de savoirs, mais également de savoir-faire et de savoir être en société. Tous les enfants en situation de handicap sont en capacité d'apprendre et de progresser mais ils ont besoin pour cela d'un environnement éducatif beaucoup plus structuré et adapté à leur fonctionnement. Chaque élève doit disposer d'un « plan individualisé d'apprentissage », concerté avec lui et sa famille. Le dispositif scolaire doit rechercher la collaboration active avec la famille. Le projet d'intégration scolaire, développé dans le cadre d'une collaboration renforcée entre l'école et les structures spécialisées, doit être pleinement intégré au projet d'établissement et être mis en place par un personnel (direction, enseignants, auxiliaire de vie scolaire (AVS), professionnels paramédicaux, etc.) spécifiquement formé. Pour rendre l'école plus inclusive, il est important de reconnaître la fonction des AVS comme un véritable métier, mais il faut aussi impliquer fortement les enseignants qui sont les responsables des situations pédagogiques. Rien ne pourra se faire sans le concours des enseignants, et sans une évolution de leurs approches. Pour cela, nous rénoverons la politique de formation initiale et continue des enseignants.
H.fr : Parce que le chômage des personnes handicapées est deux fois supérieur à la moyenne nationale, quelle serait votre mesure prioritaire ?
BLM : Le chômage est un fléau pour la société française dans son ensemble. Pour autant, le Président de la République ne crée ni croissance ni emploi. Sa responsabilité est de créer l'environnement le plus favorable possible pour les entreprises et de révolutionner le système éducatif. Si l'accès des personnes en situation de handicap à la formation est indispensable pour leur permettre de disposer de compétences, il faut également aider les entreprises à mieux appréhender les réalités du handicap en les informant et en les guidant dans les démarches d'insertion professionnelle durable des collaborateurs en situation de handicap. Nous pouvons également diminuer le coût du travail par des baisses de charges et des aides financières de manière ciblée et personnalisée. Ces aides financières ne pèsent pas sur les finances publiques mais correspondent au « reversement » à l'employeur d'une partie de ce qu'aurait coûté l'accueil de la personne en ESAT (établissement et service d'aide par le travail) par exemple, ou sa sortie de l'emploi.
H.fr : Les Républicains avaient la particularité d'être le seul parti à avoir un mouvement associatif militant comme Handipop, qui portait la parole des personnes handicapées. Aurait-il disparu ?
BLM : Ce mouvement des élus de droite n'a pas disparu, et reste une force de réflexion et de propositions sur la question du handicap. Dans mon équipe politique, des élus portent ces sujets, comme Damien Abad ou Mathieu Annereau.
H.fr : Contrairement aux candidats américains qui n'ont pas brillé par l'accessibilité de leur campagne (article en lien ci-dessous), comptez-vous faire un effort dans ce sens, par exemple vélotypie lors des conférences, sites internet aux normes, accessibilité des meetings, pour que les personnes handicapées puissent elles aussi prendre part au débat démocratique ?
BLM : Je suis le seul candidat à avoir demandé officiellement à la commission d'organisation de la primaire l'accessibilité des débats, via une retranscription en langue des signes et un sous-titrage adapté. La demande a été transmise aux chaînes de télévision, avec le résultat que l'on connait. Nous avons encore beaucoup de progrès à faire, en France, dans ce domaine, et notamment sur la représentation du handicap dans les médias.
H.fr : Autre chose à ajouter ?
BLM : Nous avons besoin de changer et renouveler la classe politique pour qu'elle soit plus représentative de la société française. J'ai rencontré des milliers de personnes, certaines en situation de handicap, qui veulent faire évoluer les choses et qui croient au projet que je porte : qu'elles nous rejoignent !
© Eddy Duluc