Après un an à Rennes, le coffee-shop Joyeux connaît un tel succès qu'un deuxième établissement ouvrira ses portes au public le 22 mars 2018 dans le 2e arrondissement de Paris (23 rue Saint Augustin, passage Choiseul). L'inauguration est prévue la veille, journée mondiale de la Trisomie 21, en présence de la secrétaire d'État au Handicap, Sophie Cluzel, dont l'agenda indique qu'elle sera accompagnée de Brigitte Macron (elle avait également visité le restaurant Le Reflet à Nantes qui propose un concept similaire, article en lien ci-dessous) et de Nicolas Hulot. De la cuisine au service, tout est pris en main par 25 serveurs et cuisiniers en situation de handicap mental ou cognitif, dont certains ne travaillent que quelques heures par semaine. À l'initiative de ce projet, Yann Bucaille Lanrezac, un homme d'affaires aux passions variées, qui souhaite montrer que les personnes en situation de handicap ont, elles aussi, toute leur place dans le monde du travail.
Servi avec le cœur
Permettre aux salariés handicapés de travailler dans un milieu ordinaire et non dans des structures spécialisées, c'est l'ambition de ce projet. "Il s'agit d'abord d'un établissement où vous pourrez boire un excellent café et déguster de très bonnes pâtisseries. Mais, surtout, vous serez accueillis par des gens un peu différents, pour qui ce coffee-shop représente beaucoup", assure-t-il. Son credo : "Servi avec le cœur". Dans une décoration soignée et cosy, les employés en situation de handicap assurent le service en salle, en cuisine et au comptoir. Vianney, Fabian, Brandon, Mathilde, Lucie, Cécile, Thérèse et Eliza sont porteurs de trisomie ou de troubles autistiques. Cet emploi est un moyen pour eux de retrouver leur dignité et de briser les aprioris que le grand public se fait du handicap mental. "On a envie de montrer que cela marche et qu'on n'a pas à rougir face aux autres enseignes", affirme Yann Bucaille Lanrezac.
Des adaptations bien pensées
Si Joyeux est un café solidaire, le choix et la qualité des produits proposés sont primordial. Ainsi, toute la carte est composée de recettes faites maison préparées avec des produits frais. La commande de soupes, quiches, salades ou sandwiches se fait au comptoir. Un élément de jeu Duplo est donné au client et une pièce de même couleur est posée sur son plateau qui, une fois prêt, est apporté à sa table par un serveur. "Pour la machine à café, on a repéré que certains salariés ne savaient pas dans quel sens tourner le percolateur, on va mettre des pictogrammes ou des numéros", explique Laure Germain, psychologue du travail. "Des personnes ayant une trisomie sont tout à fait capables d'écrire, d'utiliser un vocabulaire élaboré, alors que d'autres sont incapables de lire, voire de verbaliser". Il faut "détecter les activités les plus adaptées à chacun", souligne-t-elle. Ceux qui savent "lire, écrire, compter, ont été formés particulièrement pour prendre les commandes", selon Camille Lorthiois, responsable du coffee-shop.
Au commencement était un bateau
La totalité des dividendes est redistribuée à la fondation Émeraude Solidaire, actionnaire unique. D'après son créateur, le projet Joyeux ce sont d'abord de belles rencontres. Avant d'ouvrir son premier café, rue Vasselot, à Nantes, Yann a créé une association : Émeraude voile solidaire. Avec quelques amis, il propose à des personnes en situation de handicap ou de précarité de voyager, le temps d'une après-midi, à bord d'un catamaran qu'il a fait construire. Lors d'une de ses virées en mer, un jeune homme trisomique l'interpelle : "Capitaine, t'as pas un métier pour moi ?". Il répond d'abord par la négative mais lui vient ensuite l'idée de créer sa propre entreprise, qui emploiera des personnes en situation de handicap : c'est ainsi que nait Joyeux. Aujourd'hui, d'autres ouvertures sont envisagées à Bordeaux, Lyon et peut-être Lille.
D'autres initiatives
En France, et ailleurs, de plus en plus d'initiatives similaires voient le jour. Le Reflet, à Nantes, est un restaurant qui emploie des serveurs porteurs de trisomie 21 (article en lien ci-dessous). L'établissement a ouvert ses portes début 2017 et ne désemplit pas. À Valenciennes, Valérie et Jean-Yves Sybille ont monté leur propre restaurant, La Cantine, pour embaucher leur fille Joséphine. Souffrant d'un retard des acquisitions, de troubles du langage et de fatigue récurrente, elle ne trouvait pas d'emploi (article en lien ci-dessous). Deux exemples parmi d'autres qui permettent à des personnes avec un handicap mental d'être, enfin, mises au contact du public et surtout de faire valoir leurs talents.