Catherine Marchal, actrice : "Le handicap manque à l'écran"

Engagée pour une société plus inclusive, la journaliste et écrivaine Olivia Cattan, présidente de SOS autisme France, inaugure pour Handicap.fr une série de "grands entretiens". Premier RDV avec l'actrice Catherine Marchal, marraine de l'association.

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Portrait de Catherine Marchal, souriante, vêtue d’une veste blanche.

Comédienne fidèle à ses valeurs, Catherine Marchal trace une route singulière entre théâtre, cinéma et télévision. Derrière ses rôles de femmes fortes, notamment dans la série Ici tout commence, et les films Bronx, Diamant 13 ou encore 36 quai des Orfèvres, elle revendique une sincérité artistique et un profond respect de l'humain. Marraine de SOS autisme France, elle évoque avec sensibilité son engagement, son regard sur la représentation du handicap et la liberté qui guide chacun de ses choix.

Handicap.fr : Le cinéma et les séries s'ouvrent peu à peu à plus de diversité, au handicap (TV : la représentation du handicap franchit la barre de 1 %), est-ce suffisant selon vous ? Et surtout abordé de la bonne façon ?
Catherine Marchal : Je ne suis pas certaine que le handicap soit si bien intégré dans les fictions françaises ou au cinéma. Il y a évidemment des phénomènes, comme Un p'tit truc en plus qui mettent un bon coup de projecteur sur le sujet (10 millions de raisons de voir "Un p'tit truc en plus"). Mais, pour autant, je ne crois pas que cela suffise à rendre naturel la présence d'un personnage handicapé dans une histoire dont le sujet principal n'est pas le handicap. Les personnes handicapées font partie de notre quotidien, cela mériterait qu'elles soient mieux représentées dans les fictions. Cela pourrait commencer par une meilleure intégration dans les cours d'art dramatique, rien ne devrait empêcher une personne « différente » de devenir comédienne.

H.fr : Si un réalisateur vous proposait un rôle de femme en situation de handicap, comment aborderiez-vous cette responsabilité de représentation ?
CM : J'ai déjà interprété une femme en fauteuil roulant dans un téléfilm. Ce fut une expérience assez intense. Je me souviens en particulier d'une journée passée aux côtés d'une femme exceptionnelle, Félicie, en fauteuil depuis l'âge de quatre ans. Ce fut une véritable leçon de vie. Nous avons circulé ensemble dans les rues de Paris et j'ai pu voir à quel point le manque d'aménagement des voies publiques compliquait la vie des personnes en fauteuil : entrer dans un café, traverser la rue, aller aux toilettes… Pour moi, chaque trottoir était un obstacle, je suis tombée plusieurs fois. En rentrant chez moi je me souviens que Félicie m'a appelé pour me féliciter et me dire que j'avais été très courageuse… un comble !

H.fr : Avez-vous déjà croisé, sur un tournage ou au théâtre, des comédiens « différents », qui vous ont marquée ?
CM : J'ai été totalement impressionnée par une comédienne avec laquelle j'ai joué dans un épisode de la série de Jean-luc Reichmann, Léo Matteï. La puissance de jeu de Marie Dal Zotto, porteuse de trisomie 21, son émotion et sa concentration nous a donnés une leçon à tous (Mention particulière 2 : TF1 recrute 3 acteurs trisomiques). 

H.fr : Vous êtes marraine de SOS autisme France, ce rôle vous a-t-il fait changer de regard sur l'autisme ?
CM : Tout à fait. Avant, ma vision de l'autisme reflétait celle de la plupart des gens : soit l'image stéréotypée de Rain Man, soit celle d'un enfant mutique et violent, coupé du monde.

Grâce à SOS autisme France, j'ai découvert que chaque enfant est unique. J'ai écouté les difficultés des parents mais j'ai surtout perçu l'immensité d'amour qui unit ces familles.

Il reste énormément à faire pour intégrer pleinement les personnes différentes dans notre société. La première étape serait de ne plus en avoir peur. Pour ça il faut les connaître et les comprendre, ce qui exige une vraie volonté et des efforts individuels et collectifs.

H.fr : Vous naviguez entre cinéma, théâtre et télévision, avec une vraie fidélité du public. Comment réussissez-vous à rester populaire, sans jamais renoncer à votre exigence artistique ?
CM : C'est un peu plus complexe que cela. Ce à quoi je ne pourrais jamais renoncer, c'est mon honnêteté artistique : le fait d'être en accord avec mes choix, de faire ce qui me semble juste ou, au contraire, de refuser ce qui irait à l'encontre de mes convictions. Quant à l'exigence, elle nécessite une liberté totale, ce que je n'ai pas toujours. Mais à l'intérieur des limites que nous imposent parfois les décideurs, chaînes ou productions, j'ai besoin de garder mon libre arbitre. Il faut que les demandes me paraissent pertinentes et cohérentes pour que je puisse y adhérer en toute liberté, sinon, je préfère renoncer. La popularité c'est beaucoup plus abstrait, ça nous échappe complètement, c'est un cadeau, une chance, et encore plus quand elle dure dans le temps.

H.fr : On vous associe souvent à des femmes puissantes, de caractère, parfois dures. Mais dans vos rôles récents, on perçoit davantage leur fragilité, leurs failles. C'est une évolution de votre jeu ou une part de vous que vous assumez davantage aujourd'hui ?
CM : Je ne suis ni une femme dure, ni une femme puissante. Je ne l'ai jamais été. Mais, quand on commence par être identifiée dans un certain style de rôle, il est normal que les propositions suivantes soient sur le même registre, c'est plus rassurant. Cela prend du temps pour que l'on vous propose d'explorer d'autres styles de rôles. Je n'ai pas de problème avec ça, je suis patiente.

H.fr : Dans la famille Marchal, l'art semble être une langue commune. Qu'est-ce que cela dit de vous, de votre lien au père de vos enfants Olivier, à votre fille Zoé ? Et comment se transmet ce goût de raconter, de jouer, d'incarner ?
CM : Ni Olivier ni moi ne venons de familles d'artistes, et nous n'avons pas cherché à transmettre le virus à nos enfants : c'est venu naturellement d'eux. Nous avons simplement respecté leurs choix et encouragé leurs passions, quelles qu'elles soient. Avoir un rêve dans la vie est ce qu'il y a de plus précieux et pouvoir tenter d'y accéder une chance. C'est ce que nous avons essayé de leur offrir.

H.fr : Vous avez su imposer votre place, sans jamais tricher. Mais y a-t-il encore un rôle que vous rêvez d'incarner, un personnage qui vous hante ou que vous attendez ?
CM : J'aime les rôles aux personnalités et aux fonctions fortes, et d'autant plus quand il s'agit d' un personnage ayant réellement existé. S'il est fictif, j'ai toujours tendance à lui prêter les traits de quelqu'un de réel, comme pour l'ancrer dans la vie. Aujourd'hui, j'adorerais incarner une héroïne du quotidien : pas forcément une figure célèbre mais une femme ayant accompli une prouesse discrète, défendu une cause juste ou consacré sa vie aux autres. Ces héroïnes de l'ombre, on leur rend trop rarement hommage.

H.fr : Vous venez de terminer une longue tournée au théâtre. Dans quoi va-t-on avoir le plaisir de vous retrouver prochainement ?
CM : Je termine dans quelques jours le tournage d'une nouvelle saison de la série Zodiaque pour TF1, où je suis très bien entourée. Impossible d'en dire plus car nous sommes contraints au plus grand secret. Et, bien sûr, je continue cette année encore d'interpréter mon personnage de la cheffe Guinot dans Ici tout commence, également sur TF1. En parallèle, je travaille sur plusieurs projets de théâtre en tant que comédienne et metteure en scène. J'espère remonter sur scène l'année prochaine.

© Adé Adjou

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