Le premier Comité interministériel du handicap (CIH) du gouvernement Borne (et septième de l'ère Macron) s'est tenu le 6 octobre 2022 au sein du Campus Grands Moulins de l'Université Paris-cité (Paris 13), en présence de la Première ministre et de onze ministres. Selon Matignon, il est défini comme un « CIH de méthode visant à fixer la manière de travailler du gouvernement, impulser une nouvelle dynamique et définir les priorités », en vue de la Conférence nationale du handicap (CNH), prévue au printemps 2023. « Ce CIH s'inscrit dans une logique de concertation dans l'esprit du Conseil national de la refondation (CNR) », lancé par Emmanuel Macron le 8 septembre 2022, explique, en introduction, Elisabeth Borne. En attendant une feuille de route plus complète, le gouvernement réaffirme des actions déjà en cours et annonce quelques mesures. Le Dossier de presse du CIH en 52 pages est consultable en ligne.
Quelles mesures ?
Il entend poursuivre le travail de co-construction avec le secteur, notamment via la présence, lors de ce CIH, du Collectif handicaps et du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH). Il assure également que le handicap « figurera dans tous les sujets portés par les différents ministères ». Une circulaire doit être publiée le 6 octobre pour « ramasser tous les outils de pilotage interministériel et renforcer l'attention portée aux enjeux du handicap ». Elle confirme l'organisation du CIH deux fois par an (contre une seule avant cette décision prise par Jean Castex) ainsi que la pérennisation du réseau des hauts fonctionnaires dédiés au handicap et à l'inclusion, initié il y a quelques mois. Elle prévoit également la désignation de sous-préfets référents sur les questions de handicap dans chacun des départements afin « d'animer les politiques du handicap dans les territoires », mais qui restent à être nommés.
Autre élément : cette circulaire promet « de suivre de manière plus attentive les textes comprenant une dimension handicap ainsi que les études d'impact portant sur les textes soumis à l'avis du CNCPH ». Dernier point : la volonté de faire un Etat « exemplaire » et « 100 % accessible » en matière de communication, lors des prises de parole officielles et dans les dossiers de presse. Un schéma directeur sur ce thème devrait notamment être annexé à cette circulaire ; une « étape supplémentaire dans les exigences » déjà en cours qui pourra servir d'exemple dans tous les services publics.
Un délégué interministériel à l'accessibilité
L'accessibilité est également au cœur des annonces, avec la nomination d'un délégué interministériel dédié, sous le pilotage du secrétariat général du CIH, notamment chargé de piloter les agendas d'accessibilité (Ad'ap), dont le suivi « n'a pas encore été bien assuré », et d'enclencher une dynamique nouvelle avec les territoires. « Un délégué ministériel existe déjà mais uniquement sur la dimension de l'accessibilité physique, et l'objectif de ce pilotage interministériel est d'y inclure toute autre forme d'accessibilité notamment numérique », indique Matignon. La Première ministre a reconnu que les attentes étaient très fortes mais que « pour le coup, on n'était pas en avance ».
Une CNH, 4 thèmes
Prochaine étape : la CNH, avec des groupes de travail mis en place sur quatre thèmes. Le premier concerne l'accessibilité. A ce titre, le gouvernement s'engage à rattraper son retard et à transcrire, d'ici fin 2022 (alors qu'elle devait l'être avant juin), la disposition de la directive de l'acte législatif européen qui vise à faciliter l'accès des citoyens handicapés à certains produits et services, y compris numériques (Accessibility act). Notre pays avait été rappelé à l'ordre à ce sujet par la Commission européenne en juillet 2022 (article en lien ci-dessous). Le second thème est dédié à l'acte 2 de l'école et de l'université inclusives, le gouvernement reconnaissant « qu'encore 67 000 enfants sont accueillis dans les établissements médico-sociaux » et souhaitant travailler sur une « meilleure scolarisation ». Troisième thème ? Le plein emploi, Matignon assurant que les personnes handicapées auront « toute leur place » dans le grand chantier France travail, lancé par le gouvernement le 12 septembre 2022. Enfin, dernier thème, la simplification des parcours et de l'offre médico-sociale, avec l'objectif de rendre les démarches plus accessibles, de réduire les délais et les disparités entre départements.
Du nouveau pour la Stratégie autisme ?
Alors que la Stratégie autisme initiée en 2017 arrive à son terme le 31 décembre 2022, le gouvernement annonce sa pérennisation, une « évidence », selon Matignon, puisqu'elle « a bien fonctionné ». La totalité de son contenu sera dévoilé en avril 2023. En attendant, pour le gouvernement, « le bilan est là, même s'il reste beaucoup à faire », notamment dans trois domaines : la continuité du parcours des élèves dans le secondaire (de la sixième à la terminale), les adultes, notamment avec des troubles « complexes » et, enfin, l'accès à l'emploi. Cette stratégie entend également poursuivre son ouverture aux troubles du neurodéveloppement (dys, TDAH...) car « ils nécessitent des réponses communes » avec l'autisme. Le gouvernement promet de « monter d'un cran » sur la recherche, se félicitant de « publications importantes en France ».
Nouvelle stratégie nationale pour les aidants
Par ailleurs, le CIH se tenant le 6 octobre, journée nationale des aidants, le gouvernement rappelle que ces 11 millions de Français qui accompagnent un proche handicapé ou en perte d'autonomie sont « des maillons indispensables de nos solidarités ». Alors que, selon lui, la stratégie nationale « Agir pour les aidants 2020-2022 » a permis d'en faire « pour la première fois un véritable enjeu de politique publique », il souhaite « aller plus loin » en déployant une nouvelle stratégie nationale. L'objectif : généraliser les solutions de répit et de relayage à domicile tout en reconnaissant le rôle des aidants en leur donnant accès à la validation des acquis de l'expérience (VAE).
En réponse aux questions des journalistes, d'autres sujets ont été abordés, notamment celui de la retraite anticipée pour les personnes handicapées qui sera évoquée lors des concertations mais ne sera « en aucun cas remise en cause par la réforme des retraites envisagée ». Enfin, la hausse de l'Allocation adulte handicapé (AAH) au-dessus du seuil de pauvreté, réclamée par les associations, n'est pas à l'ordre du jour.
Des urgences qui ne peuvent pas attendre
Présent lors de ce CIH, le Collectif handicaps qui regroupe 52 associations se « réjouit » que la co-construction soit au cœur de la méthode et dit se « retrouver globalement dans les axes annoncés » mais regrette qu'aucun calendrier ni engagement budgétaire n'ait été précisé. Il réaffirme l'urgence de mesures concrètes sur l'accessibilité universelle « au-delà des grandes déclarations », saluant la nomination d'un délégué interministériel à l'accessibilité qui « ne sera une bonne nouvelle » qu'avec des moyens humains et financiers. Le Collectif Handicaps regrette, par ailleurs, la disparition, dans les annonces, d'une des très rares promesses d'Emmanuel Macron durant la campagne électorale, à savoir la création des fonds territoriaux d'accessibilité. Il rappelle également l'importance des chantiers sur la transformation de l'offre médico-sociale et la politique de l'autonomie, avec pour boussole une application de la Convention internationale des droits des personnes handicapées et « non pas des interprétations partisanes ».
D'autres déceptions : pas de véritable politique transversale de l'autonomie qui pourrait être portée par la 5e Branche, l'absence d'objectifs sur la compensation notamment en cas de handicap complexe ou encore les imprécisions des annonces sur les ressources des personnes en situation de handicap car la « déconjugalisation de l'AAH ne suffit pas », ajoute l'Apajh. De nombreux chantiers sont renvoyés à la prochaine CNH. Trop tard, selon le Collectif, presque un an après l'élection ! L'Apajh confirme à son tour que « des urgences ne peuvent pas attendre » car elles renverraient au budget 2024, mentionnant en tout premier lieu l'attractivité des métiers du médico-social.