« J'aurais aimé que mon garçon de 3 ans bénéficie d'un tel dispositif lorsqu'il avait 3 ans ; il en a aujourd'hui 24 », explique André Masin, président d'AFG autisme. Ce dispositif, c'est une Unité d'enseignement (UE) pour enfants autistes. Celle de l'école de la rue Surmelin, dans le 20ème arrondissement de Paris, reçoit, le 5 septembre 2017, la visite de Sophie Cluzel. En ce lendemain de rentrée, la secrétaire d'État chargée du handicap fait une tournée parisienne des initiatives mises en place pour permettre une meilleure inclusion des élèves en situation de handicap. En tout début de matinée, elle a rencontré un élève accompagné en classe ordinaire par une AVS et, l'après-midi, se rend au lycée Claude Monet (Paris 13) pour visiter une Ulis-collège (unité localisée pour l'inclusion scolaire).
UE : nées en 2014
Les UE ont vu le jour en 2014. L'une des mesures phares du 3ème plan autisme prévoit la création d'unités d'enseignement d'IME (institut médico-éducatif) implantées dans les écoles. Chacune permet la scolarisation de sept enfants autistes âgés de 3 à 6 ans pas suffisamment autonomes pour rejoindre les bancs d'une classe ordinaire. Leur accompagnement global se fait au sein des écoles afin de mobiliser les capacités d'inclusion et d'apprentissage au plus tôt, par des approches éducatives, thérapeutiques et d'enseignements adaptées. Elles visent à amener ces enfants à suivre un cursus classique au terme de ces trois ans, parfois même avant. La ville de Paris recence cinq UE autisme en élémentaire et une en maternelle. Pour Véronique Lafarge-Villain, IEN-ASH (inspecteur de l'Éducation nationale chargé de la scolarisation des élèves handicapés) au rectorat de Paris, « la présence de la ministre ce jour-là est importante car l'inclusion des enfants handicapés exige une impulsion qui ne doit pas être uniquement locale mais relever d'une politique plus large ».
Une équipe étoffée
Pour le moment, 6 enfants sont accueillis dans cette unité parisienne. Une fille et cinq garçons. Ils sont scolarisés cinq jours par semaine, parfois seulement en matinée ou jusqu'à 15h. En UE, le taux d'encadrement est de un pour un. « Il y a peu de dispositifs qui prennent aussi bien en charge les enfants, se félicite Sophie Cluzel. Tous le moyens ont été mis en œuvre pour assurer leur réussite ». L'équipe est en effet particulièrement étoffée : une enseignante et quatre éducateurs spécialisés, un Atsem, un AVS collectif, ainsi qu'une psychomotricienne, une orthophoniste et une psychologue à mi-temps. Une superviseuse est également présente un jour par mois pour former l'équipe. « Ce système favorise les échanges permanents entre les professionnels », explique l'une d'entre elles.
Médico-social et école : mieux cohabiter
« Le maître mot, selon la ministre, c'est de faire travailler ensemble le médico-social et l'Education nationale ». Selon l'équipe, cette « porosité » entre deux mondes qui d'ordinaire peinent à collaborer fonctionne puisque certains enfants ont pu faire leur rentrée en CP dans une classe ordinaire avec le soutien d'un AVS. Encore faut-il qu'il soit présent, ce qui n'est visiblement pas le cas ce jour-là ; on demande à l'école d'attendre deux à trois semaines minimum. La ministre se fâche : « On ne peut pas se permettre sur une sortie d'UE maternelle de ne pas avoir l'accompagnement ad hoc. » Elle promet de régler ce « cas particulier ».
Peut encore mieux faire
Malgré un système bien rodé, les équipes recommandent quelques aménagements, y compris des plus insolites ; la rentrée 2017 en musique prônée par Jean-Michel Blanquer a en effet perturbé certains enfants, tout comme les néons au plafond trop lumineux ou encore le manque d'isolation phonique de la salle qui renvoie en écho l'agitation de la cours de récréation mitoyenne, incompatible avec l'hypersensibilité des enfants autistes -des casque anti-bruit ont même été prévus pour les temps de cantine-. Frédérique Calandra, maire du 20ème arrondissement de Paris, promet de faire prioritairement les travaux dans « des lieux qui sont particuliers de ce point de vue-là ».
Des parents plus impliqués
Les équipes regrettent également que les parents ne soient pas davantage impliqués, a fortiori lorsque les problèmes de langue limitent les échanges. « Nous avons de nombreuses familles étrangères qui parlent très mal le français et pour lesquelles la notion d'autisme est très baroque, avec parfois un regard très dur sur le handicap, poursuit Frédérique Calandra, à la tête d'un arrondissement particulièrement cosmopolite. Beaucoup de mamans seules et beaucoup de langues, c'est compliqué pour la guidance parentale. » « Il faudrait prévoir une pré-rentrée avec un système de garde d'enfant pour que les parents, mais aussi les AVS, puissent y assister », ajoute alors une des membres de l'équipe. D'autres suggestions sont faites qui doivent nourrir ce système encore perfectible et initier une véritable révolution sociétale en matière de prise en compte des besoins des personnes autistes…
Vers un 4ème plan autisme ?
Deux jours plus tard, Sophie Cluzel doit assister au comité de pilotage (article en lien ci-dessus) dans le cadre du lancement du 4è plan autisme prévu en 2018 et assure que « ses troupes sont en ordre de marche » qui doivent faire une analyse des bonnes pratiques recommandées par la Haute autorité de la santé. « On a perdu assez de temps dans des guerres stériles. (…) Le handicap, c'est de la dentelle, c'est du sur-mesure, dès la crèche, mais qui doit s'inscrire dans le droit commun, affirme la ministre. Selon elle, ce type de dispositif est un vrai terreau, et puis ça marche. Il faut vraiment capitaliser sur ces initiatives particulièrement riches dont on verra les bénéfices dans 20 ans. »