Le Comité interministériel du handicap du 16 mai 2024 a rendu sa copie. Une soixantaine de mesures, presque en totalité déjà en cours, sans « annonces bouleversantes », selon Arnaud de Broca, président du Collectif handicaps, qui dit « rester sur sa faim ». Alors, un coup pour rien ?
Mobiliser le gouvernement
« Non », poursuit-il, le CIH a le mérite de « mobiliser le gouvernement », en l'occurrence un nouveau puisque Gabriel Attal y siégeait pour la première fois, de « réaffirmer un cap politique et de faire un point sur l'état d'avancement des dossiers ». Avec quelques bémols sur le format : « l'impossibilité de passer tous les sujets en revue en deux heures et le manque de dialogues et d'échanges entre les parties ». Il juge donc ce CIH à la fois « décevant et indispensable ». Si une quinzaine de ministres étaient annoncés, on peut déplorer l'absence de la ministre de tutelle Catherine Vautrin qui couvre la santé, la solidarité et le travail.
L'heure des bilans et des actes
Déjà le dernier CIH de septembre 2023 avait permis de « réaffirmer le cap » à la suite des « 10 grands engagements » pris lors de la Conférence nationale du handicap d'avril 2023. Un an après, le gouvernement se dit « à l'heure du bilan et des actes ». Gabriel Attal veut que les « décisions prises soient tangibles le plus rapidement possible », assurant que « l'accueil des Jeux olympiques et paralympiques constitue un accélérateur formidable dans cette perspective ». Il définit également un calendrier pour la plupart des actions en cours.
Focus sur l'école inclusive
Ce CIH proposait un focus particulier sur l'Ecole pour tous qui, selon le Premier ministre, « doit être chaque jour une réalité plus concrète, avec de nouveaux dispositifs et de nouvelles modalités d'accompagnement pour davantage d'enfants scolarisés ».
Pour tout savoir sur ce sujet : Ecole inclusive : les promesses d'Attal au CIH 2024.
Pour Trisomie 21 France, « si ce CIH a le mérite de donner une feuille de route aux ministères concernés cette dernière reste encore bien floue et on regrettera notamment l'absence d'un engagement ferme et précis sur la question de l'école inclusive ».
Une « feuille de route incomplète »
Pour Arnaud de Broca, cette « réaffirmation de la feuille de route de la CNH reste incomplète et ne peut pas être la seule boussole du gouvernement ». « Alors, certes, on ne peut pas faire des annonces tous les six mois mais pas question d'attendre la CNH tous les trois ans », ajoute-t-il. Manquent des mesures majeures sur les ressources et la compensation (avec une urgente revalorisation de la Prestation de compensation du handicap), même si le remboursement des fauteuils est en marche. A son tour, l'Unapei s'interroge sur l'impact éventuel de ce CIH puisque de nombreuses mesures « ne pourront pas être effectives sans moyens humains et financiers à la hauteur des enjeux ».
Les nouvelles mesures
On a comparé les versions des dossiers de presse des deux derniers CIH, de septembre 2023 et mai 2024. Seuls quelques changements y figurent, notamment pour ajuster les dates de mises en œuvre. Ainsi le portail national du livre accessible verra le jour en 2024 au lieu de 2023 ou encore l'identifiant unique pour tous les élèves est reporté à la rentrée 2024.
Voici les mesures nouvelles :
• Signature d'une convention pour l'emploi des personnes autistes en février 2024.
• L'activité des AESH élargie sur le temps de la pause méridienne dès la rentrée scolaire 2024 (PPL Vial).
• Lancement d'une expérimentation « SESSAD-école » afin de conjuguer réponses scolaires et médico-sociales (sans plus de précisions).
• Soutien aux aidants des personnes handicapées du ministère des Armées avec mise en œuvre de séjours répit à titre expérimental (T1 2024) puis pérenne (T2 2024).
• La PPL Bien vieillir, adoptée par le Sénat en mars 2024, prévoit plusieurs mesures visant à soutenir le déploiement de l'habitat inclusif : prise en compte des espaces communs dans les projets, clarification de la réglementation sécurité incendie, possibilité de sous-location.
• La suite logicielle Acceslibre Mobilités, développée par le ministère des transports, qui permet la collecte des données d'accessibilité des transports et son utilisation dans les calculateurs d'itinéraires, sera déployée en 2024 et 2025.
• Un plan de contrôle contre la violence dédié aux établissements médico-sociaux est lancé en 2024.
• 50 millions d'euros par an seront dédiés à des places réservées dans les établissements du handicap au bénéfice des enfants en situation de double vulnérabilité.
• Le déploiement des centres de ressource à la vie intime, affective, sexuelle et au soutien à la parentalité, dit « Intimagir » sera lancé en Martinique, Guadeloupe et Mayotte. Le financement du dispositif sera sécurisé à hauteur de 3 millions d'euros à partir de 2024.
• La stérilisation forcée est érigée en infraction pénale tandis que des travaux sont en cours pour accompagner les professionnels de santé afin de mieux les sensibiliser au recueil du consentement des femmes en situation de handicap pour les actes à visée contraceptive.
• Une campagne de communication nationale pour lutter contre les violences faites aux enfants, notamment handicapés, est prévue en octobre 2024.
• Une enveloppe complémentaire de 500 000 euros est prévue en 2024 pour développer des modules permettant aux enseignants chercheurs d'avoir une pratique pédagogique inclusive.
• A noter également la disparition du projet de fusion des AESH et AED (assistants d'éducation), dont les premiers contrats étaient pourtant annoncés en 2024.
© X Fadila Khattabi