« Décloisonner notre approche et engager en profondeur l'ensemble de nos politiques publiques », c'est l'objectif affiché d'Elisabeth Borne avec « un seul but : améliorer concrètement le quotidien des millions de Français concernés par le handicap ». Elle s'est exprimée le 20 septembre 2023 à l'occasion de son 2e Comité interministériel du handicap (le 8e de l'ère Macron), qui a réuni autour d'elle dix ministres (Lire : Un Comité interministériel du handicap le 20 septembre 2023). Selon Matignon, il se situe dans le sillage de la Conférence nationale du handicap (CNH) du 26 avril 2023, permettant de « réaffirmer le cap ».
Un travail de co-construction avec les asso ?
Ce CIH s'est tenu à Saint-Denis, au sein du Campus Rimbaud de la SNCF. Selon Matignon, le lieu et le moment n'ont pas été choisis au hasard. C'est sur ce site que sont organisées, du 18 eu 20 septembre, les 4e Universités d'été du CNCPH (Conseil national consultatif des personnes handicapées). L'objectif étant ainsi « d'incarner un travail de co-construction entre les associations du handicap et le gouvernement alors même que le CNCPH voit son mandat 2023-2026 renouvelé », notamment la présidence de Jérémie Boroy, avec une priorité donnée à l'autoreprésentation des personnes handicapées -au détriment de certaines grosses associations gestionnaires ?-. Alors quoi de neuf à l'horizon ?
56 mesures au total
56 mesures au total, qui font écho à celles annoncées lors de la CNH, pour certaines également évoquées par Fadila Kathabbi, ministre déléguée aux Personnes handicapées, le 14 septembre dans une interview de rentrée accordée à la presse (Lire : F. Khattabi, ministre du handicap : ses chantiers en cours!). En 48 pages, le dossier dresse un bilan des encours et des chantiers à venir et fixe un calendrier dans quatre grands domaines : emploi, école, accessibilité universelle et simplification des parcours/transformation de l'offre médico-sociale.
Quelques mesures ?
• Ce CIH apporte également des précisions sur les contours de certaines mesures. Il détaille par exemple la répartition du 1,5 milliard d'euros en faveur de l'accessibilité annoncé en avril par Emmanuel Macron ; ainsi, 300 millions d'euros sur cinq ans seront consacrés aux petits commerces, hôtels, cabinets médicaux (ERP de 5e catégorie) via le fonds territorial pour l'accessibilité, dont 100 millions dès 2024 avec une priorité donnée aux territoires qui accueillent les Jeux de Paris 2024. 300 millions pour 2 millions de ces ERP, faites le calcul ! Il réitère par ailleurs l'annonce d'un renforcement des contrôles et des sanctions sur l'accessibilité du bâti mais pas avant 2025.
• Il présente une carte avec les premières projections pour les 50 000 solutions d'accueil pour enfants et adultes promises par Emmanuel Macron d'ici à 2030, région par région. Une circulaire ministérielle, publiée à l'automne 2023, précisera les crédits alloués par région et les conditions de déploiement de ces solutions.
• Le service de repérage, de diagnostic et d'intervention précoce annoncé lors de la CNH sera créé dès 2024 pour les enfants de 0 à 6 ans quel que soit leur handicap. Il est inscrit dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2024.
• A partir de 2024, lancement d'une nouvelle vague de contrôles des établissements et services médico-sociaux, pour s'assurer du respect des droits fondamentaux des personnes accompagnées et de l'application des recommandations des bonnes pratiques professionnelles.
• Dès janvier 2024, le reste à charge des personnes qui emploient directement une aide à domicile sera réduit, la PCH emploi direct passant de 140 à 150 % du salaire brut.
• Aurore Berger, ministre des Solidarités, à l'issue du CIH, a par ailleurs redit que tous les fauteuils roulants seront sans reste à charge à compter de l'été 2024.
• Ce CIH confirme le rapprochement nécessaire entre les acteurs médico-sociaux et l'Education nationale. Ainsi, 3 000 équipes médico-sociales seront déployées pour intervenir directement auprès des élèves dans l'école. Une mission sur ce thème confiée notamment à Lucie Carrasco, personnalité qualifiée, doit rendre ses conclusions en février 2024.
• D'ici la fin 2024, toutes les personnes qui déposent leur premier dossier à la MDPH (Maison départementale des personnes handicapées) pourront obtenir un rendez-vous pour être accompagnées dans leur demande. Un référent sera désigné qui sera joignable directement.
• Ce comité fait par ailleurs un point d'étape sur les dix engagements du manifeste pour un état inclusif.
• Promesse pleine de fraîcheur, un massif forestier sera rendu accessible dans chaque département d'ici 2027, avec le concours de l'ONF (Office national des forêts).
Focus sur l'accessibilité des transports
En matière d'accessibilité, le nerf de la guerre, ce sont les transports. C'est pourquoi, à cette occasion, la première ministre et le ministre des Transports ont visité le laboratoire d'innovation de la SNCF dans lequel sont présentés des équipements accessibles (portail d'accès, billetterie), avant de signer, en présence des trois PDG des opérateurs de transport (RATP, SNCF et Aéroports de Paris (ADP)), un plan d'action pour renforcer l'accessibilité en vue de Paris 2024. Il comprend dix mesures prioritaires à déployer dans les dix prochains mois. Des exemples ? Généraliser l'accessibilité sonore et visuelle dans les rames de métro, rehausser le niveau d'information sur l'accessibilité du métro pour mieux préparer son trajet en amont, déployer une plateforme d'information et de réservation des prestations d'assistance à la SNCF et réduire les délais, accroître la disponibilité des équipements en gare. Ainsi, une nouvelle plateforme unique permettra aux voyageurs en situation de handicap, à partir de début 2024, de réserver des prestations d'assistance en gare, quel que soit le transporteur ferroviaire.
Deux actions concernent également les aéroports parisiens : rehausser et contrôler les formations des agents et généraliser la possibilité de conserver son fauteuil jusqu'à la porte de l'avion (travail en cours avec les compagnies aériennes et prestataires).
L'Etat promet un « héritage très concret à l'issue des Jeux et une nouvelle dynamique en matière d'accessibilité », notamment « en faisant avancer l'accessibilité du métro historique qui est une préoccupation très forte ». Il compte, par ailleurs, début 2024, intégrer par décret les Jeux paralympiques à la liste des Evénements d'importance majeure.
Enfin, interrogé sur la prochaine stratégie autisme et TND en attente depuis des mois, le gouvernement n'y voit « pas de retard mais une question d'agenda pour trouver le bon créneau ». C'est donc pour bientôt !