C'est une première le 15 juillet 2020 ! Le compte rendu du Conseil des ministres qui se tient en général chaque mercredi après la rencontre sera désormais « systématiquement » traduit en langue des signes française (LSF) grâce à la présence d'un interprète aux côtés du porte-parole du gouvernement. Ce dernier, Gabriel Attal, récemment nommé, s'est félicité de cette démarche : « Rendre les travaux du gouvernement et de la Présidence accessibles à tous nos concitoyens, c'est faire progresser l'inclusion et la démocratie. ».
Une promesse de la CNH
Le CNCPH (Conseil national consultatif des personnes handicapées) a aussitôt réagi : « Il s'agissait d'une attente très forte pour l'accès de tous les citoyens au débat public, en attendant sa généralisation et la transcription », rappelant que cette promesse a été formulée lors de la dernière Conférence nationale du handicap le 11 février 2020 par Emmanuel Macron. Le chef de l'Etat s'est engagé à renforcer «l'accessibilité des programmes essentiels pour nos concitoyens (émissions se rapportant aux campagnes électorales, événements d'importance majeure, interventions du président de la République et du gouvernement)». Gabriel Attal a précisé qu'il s'agissait également « d'une demande très forte de la secrétaire d'État au Handicap, Sophie Cluzel, depuis un certain temps. » Dans un tweet, cette dernière a aussitôt remercié le porte-parole pour sa « réactivité et son engagement ».
Un élan durant dans la crise
Depuis quelques mois, la LSF a en effet fait une percée « inespérée » sur nos petits écrans. À situations exceptionnelles, communications exceptionnelles. D'abord lors de la mobilisation des Gilets jaunes puis dans le cadre de la crise du Covid, des interprètes figuraient aux côtés du président de la République à l'occasion de ses discours télévisés et tous les soirs à l'heure du bilan de la pandémie par le directeur général de la santé, Jérôme Salomon. Jérémie Boroy, président du CNCPH, lui-même sourd, déplore malgré tout le « rendez-vous manqué du 14 juillet », lors de l'échange entre Emmanuel Macron et les journalistes Léa Salamé et Gilles Bouleau, sans « transcription native ni interprétation LSF ». Il ajoute : « La parole présidentielle doit être accessible à tous. Ce n'est pourtant pas compliqué ! ». Sur les réseaux sociaux, d'autres réactions ont abondé en ce sens : « Comment être fière d'être française comme vous le dites si vous n'imposez pas l'accessibilité en LSF ? », « Si tous ceux qui se battent pour l'écriture inclusive pouvaient se battre avec la même énergie pour imposer la LSF… ». Rappelons qu'elle fut interdite dans l'éducation des personnes sourdes jusqu'en… 1977 et enseignée seulement à partir de 1991, avant que la loi de 2005 ne la reconnaisse officiellement comme langue à part entière !
Des gens qui gesticulent à l'écran ?
Ce dispositif encore insuffisamment développé sur les chaînes françaises permet pourtant à près de 300 000 utilisateurs (chiffres Dress) de se tenir informés et surtout d'être enfin « reconnus comme des citoyens à part entière ». Même si de nombreux détournements d'images de cette langue particulièrement « gestuelle » ont pu exaspérer les personnes concernées... «Profiter et jouir de ce que ces gens appellent de l'humour revient à tourner en ridicule un combat des plus importants pour une minorité culturelle invisibilisée dans la société », a d'ailleurs réagi la Fédération nationale des sourds de France dans une lettre ouverte. Florence Encrevé, interprète et enseignante-chercheuse, rappelle, dans le media Slate.fr, que « dès 2005, les interprètes nous racontaient que des gens envoyaient aux chaînes des lettres disant que la personne qui gesticulait à l'écran les gênait. Heureusement, on a fait beaucoup de progrès depuis, et il y a une meilleure acceptation de leur image ».