Confinement avec une maladie rare : des familles épuisées

Après 7 semaines de confinement, l'épuisement impacte certaines familles touchées par le handicap. Trois d'entre elles mettent en exergue les difficultés en cas de maladie rare, espérant voir le bout du tunnel le 11 mai.

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Des nuits courtes, trop courtes, des jours à la fois longs et surchargés, monotones... Un aperçu du quotidien de Delphine, maman d'Amélia, 13 ans, autiste, et d'Arnaldo, 10 ans, polyhandicapé, depuis le début du confinement. Elle aimerait sortir plus, lui voudrait dormir, Delphine aussi, mais le jeune garçon n'arrive pas à fermer l'œil de la nuit. Une fois le jour levé, il nécessite beaucoup de soins, d'attention. Il ne marche pas, ne parle pas et est sujet aux crises d'épilepsie et convulsions. « Bref, à surveiller de très près ! », résume sa maman, « surmenée » depuis le retour à domicile de son benjamin en raison de la fermeture de son internat. Sa plus grande peur ? Ce n'est pas le Covid-19 mais l'épuisement. « Si les nuits blanches continuent, la fatigue aura raison de ma santé », se désole-t-elle. Comme Delphine, des milliers de familles touchées par une maladie rare se retrouvent démunies en cette période épidémique et craignent un second confinement autant que le prolongement du premier.

Un déconfinement attendu

Lors de son discours à l'Assemblée nationale le 28 avril 2020 (article en lien ci-dessous), Edouard Philippe a prévenu : « En cas de relâchement » ou face à une recrudescence de cas, « le déconfinement n'aura pas lieu le 11 mai ». Quels recours pour les parents d'enfants handicapés, harassés, parfois contraints de cumuler leur emploi et leur rôle d'aidant ? Motus et bouche-cousue ! « Pas un mot à ce sujet » lors de cette allocution, regrettent parents et associations du champ du handicap. Si Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat au Handicap, assure travailler avec ces dernières sur les mesures d'accompagnement nécessaires qu'elle doit présenter « prochainement », les familles ne cachent pas leurs appréhensions. En attendant, la secrétaire d'Etat en appelle à la solidarité des Français. Mais s'il est plus ou moins aisé en ville de solliciter ses voisins (plus nombreux) pour aller faire ses courses ou récupérer son traitement à la pharmacie, c'est nettement plus difficile à la campagne. Dans le petit village de Delphine, il n'y a pas foule. La seule personne qui puisse l'aider ? La grand-mère des enfants. Le hic, âgée de 70 ans, elle a pour consigne de rester « cloîtrée » chez elle, à l'abri de ce « satané virus ».

Isolement total, douleurs invivables

Pour rassurer les familles face à cette crise sanitaire sans précédent, les associations restent mobilisées pour relayer les difficultés rencontrées par les personnes en situation de handicap et leurs proches et les aiguiller en cas de besoin. C'est notamment le cas de SolhandSolidarité handicap autour des maladies rares, qui assure « que l'aide humaine perdure même de loin ». Mais, plus d'un mois après le début du confinement, elle dresse un bilan « catastrophique » et souhaite alerter le gouvernement sur les inquiétudes qui perdurent à la fois chez les personnes en situation de handicap mais aussi chez les aidants et les professionnels de santé. Selon Annie Moissin, sa présidente, « le confinement plonge les familles dans un isolement total, et provoque de profondes difficultés, voire des mises en danger », notamment en l'absence de prise en charge médicale et de continuité des soins. Et de poursuivre : « Les douleurs physiques et morales sont parfois invivables, alors le confinement prend une autre dimension ». Quant au « manque de solutions de répit, il va accélérer l'épuisement des familles », projette-t-elle. C'est peu dire...

Aidant à plein temps, un rôle harassant

« Passée l'excitation des premiers jours et la joie partagée des moments mère-fille, l'anxiété reprend le dessus. Jeanne fait des crises d'angoisse. Beaucoup. » Jeanne, 10 ans, souffre du CDG syndrome de type 1P, une maladie rare qui l'empêche de marcher, de parler ou encore de saisir des objets. Seul moyen pour entrer en communication avec elle ? La toucher. Alors, en cette période de crise sanitaire où l'heure est à la distanciation sociale et au respect des gestes barrière, elle ne s'est jamais sentie aussi seule. Moi non plus , confie sa mère, Isabelle Bros (article complet en lien ci-dessous). Grâce à une prise en charge pluridisciplinaire (infirmiers, psychomotricienne, acuponctrice, ostéopathe) mise en place en 2018, la jeune fille avait fait des « progrès considérables » et pouvait désormais « tenir sa tête ». « Mais, le 17 mars 2020, date de début du confinement, tout s'est littéralement cassé la gueule, déplore sa mère. Ses soignants ont été dans l'obligation de déserter. » Depuis, c'est elle qui occupe tous ces postes. Tantôt institutrice, tantôt kiné... Une situation épuisante à la fois physiquement et moralement, une charge mentale prégnante. « Se poser dix minutes sur le canapé ? Même pas en rêve ! C'est un rôle qui ne laisse aucun répit », affirme-t-elle.

A court de réponse

Pour Matthieu, atteint de neurofibromatose de type 1, une maladie génétique évolutive qui provoque des tumeurs, c'est l'incompréhension qui demeure. Pour limiter la propagation du coronavirus, les pouvoirs publics ont mis en place un dispositif dérogatoire permettant aux personnes présentant un risque de développer une forme grave d'infection de bénéficier d'un arrêt de travail à titre préventif (article en lien ci-dessous). Matthieu a donc fait la demande en ligne auprès de l'Assurance maladie, comme le stipule la procédure. En vain. « Aucune réponse, comme s'il n'était pas reconnu », regrette Annie Moissin qui s'avoue parfois « perdue face aux méandres et incompréhensions du système actuel ». Le jeune homme se voit donc dans l'obligation de poursuivre son activité professionnelle au grand dam de sa mère Laurence, préoccupée et impuissante. « Les complications peuvent être dramatiques pour ces patients », poursuit-elle, sans parler d'une éventuelle infection au Covid-19... Or, « le patron de Matthieu ne prend aucune précaution particulière et ne lui fournit même pas de protection », ajoute Annie Moissin, inquiète « pour ces jeunes atteints de pathologies rares qui travaillent, restent dans l'ombre et ne se plaignent que rarement, trop heureux de subvenir à leurs besoins ».

« Pour l'instant, on tient grâce à ce que l'on peut apporter aux autres », confie Annie Moissin, même si elle reconnaît se trouver régulièrement à court de réponses et de conseils face à la complexité de la situation. « Dès lors, comment soutenir les personnes qui me sollicitent, comment les aider ? », interpelle-t-elle. Dans l'attente d'une réponse, elle mise sur l'espoir, l'écoute et l'empathie.

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Cassandre Rogeret, journaliste Handicap.fr"
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