Conseil national refondation : une place pour le handicap?

Le 8 septembre 2022 est lancé le Conseil national de la refondation, une méthode pour relever les grands défis à venir. Quelle place pour le handicap ? Le CNCPH portera la parole des associations.

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8 septembre 2022, rendez-vous à Marcoussis (Essonne). Top départ pour l'installation du Conseil national de la refondation (CNR) évoqué par Emmanuel Macron lors de sa campagne. Cette « instance de partage et d'échange » doit réunir toutes les « parties prenantes » (forces politiques, économiques, sociales, associatives et des élus des territoires) pour « relever les grands défis de notre société ». Le gouvernement entend donc faire appel aux « forces vives » pour, le répète-t-il à l'envi, mettre en œuvre une « nouvelle méthode ». Cinq thèmes seront au cœur des débats : le plein emploi, l'école, la santé, le bien vieillir (un communiqué de presse de la présidence de la République du 7 septembre au soir emploie le terme d'autonomie) et la transition écologique. En ce qui concerne les personnes en situation de handicap, ses objectifs visent l'école inclusive, l'accessibilité universelle, le renforcement de l'accès des droits et l'accompagnement dans l'emploi.

Handicap : pas assez représenté ?

Mais quelles sont donc ces « forces vives » dans le champ du handicap ? Un seul participant est convié, le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), représenté par son président Jérémie Boroy. Alors que des partis d'opposition refusent de participer au CNR, alors que des associations d'élus freinent des quatre fers, alors que certains syndicats s'y rendent avec réserve, d'autres déplorent de ne pas y avoir été invités. C'est notamment le cas du Collectif handicaps, qui rassemble une cinquantaine d'associations. Rappelant au passage que le président du CNCPH est « nommé » par le gouvernement, il dénonce le fait « qu'aucune association indépendante représentative des personnes en situation de handicap » n'ait été conviée en nom propre, jugeant cette « mise à l'écart » contraire aux observations du Comité des Nations unies pour les droits des personnes handicapées qui promeut une participation pleine et entière. Pour Arnaud de Broca, son président, il y a une « différence entre un conseil national consultatif et un mouvement associatif », mentionnant que, « dans le domaine de la santé et de la précarité, le gouvernement ne s'y est pas trompé, puisqu'il n'a pas désigné la Conférence nationale de santé mais France Assos Santé, ni le Conseil de lutte contre l'exclusion mais le collectif Alerte. ». De son côté, Pascale Ribes, présidente d'APF France handicap, fait valoir dans un tweet que « la refondation ne peut se faire sans prendre en compte les personnes en situation de handicap, soit 20 % de la population française ». La polémique est lancée…

Un CNCPH légitime

Réagissant à ces propos, Jérémie Boroy rappelle qu'avec 160 membres le CNCPH offre un « espace privilégié de l'échange entre les personnes handicapées et leurs représentants » et que la « quasi-totalité de ses membres sont impliqués dans ses travaux ». Il dit n'avoir « aucun doute sur leur capacité à prendre toute leur place dans les travaux du CNR », promettant de « veiller à ce que les personnes handicapées puissent elles-mêmes assurer leur propre représentation avec leurs associations ». En réponse aux propos du Collectif, il juge ainsi que « toute communication d'organisations qui ne parviennent pas à s'y conformer et qui tendent à nier la légitimité des membres du CNCPH » est « malvenue ». 

« La place que nous prendrons »

Quelle place pour le handicap dans ce Conseil national de la refondation ? « Celle que nous prendrons », répond Jérémie Boroy, voyant dans cette instance une « opportunité nouvelle de co-construction » afin de ne pas « rester enfermés dans notre entre-soi habituel et que nous puissions confronter nos réalités à celles des autres acteurs ». Il se dit « par définition concerné par chacun des cinq thèmes » mais entend aussi avancer sur « d'autres chantiers qui mériteraient d'être soumis à l'ensemble des parties prenantes ». 

Il attend également que ce CNR permette de « réaffirmer haut et fort les impératifs d'accessibilité ». Selon lui, cette « incapacité à faire respecter la loi et à réduire à néant les violences et les discriminations encore subies au quotidien » peuvent expliquer la « désaffection grandissante des citoyens pour notre démocratie, la faible participation aux dernières élections et la perte de confiance envers les élus, l'engagement politique et associatif » qui « ont justifié le lancement de cette méthode ». S'engager dans les travaux de ce CNR est donc, selon Jérémie Boroy, un « devoir », rappelant au passage qu'il veillera à l'accessibilité des débats à venir.

Autonomie ou bien vieillir ?

Pour autant, le Collectif handicaps maintient ses « inquiétudes » après que le ministre de l'Autonomie et des Personnes handicapées, Jean-Christophe Combe, a annoncé cet été qu'il n'y « aura pas de loi Autonomie » et que le quatrième thème abordé par le CNR de « soutien à l'autonomie » s'est transformé en « bien vieillir » (Attention, comme précisé en début d'article, c'est bien le terme « autonomie » qui apparait dans le dernier communiqué de la présidence de la République à la veille du CNR). Il déplore que le gouvernement se « focalise uniquement sur les enjeux liés au vieillissement », appelant les membres du CNR à sortir de cette « commande ». A son tour, Jérémie Boroy promet de s'assurer que l'autonomie ne se résume pas au grand âge. 

Un miroir aux alouettes ?

Sur la forme, le Collectif handicaps déplore que « les missions et les modalités de travail (de ce CNR) restent extrêmement floues ». Rappelons par ailleurs qu'il existe déjà une instance, récemment réformée, qui est précisément chargée d'associer les associations, les syndicats et les forces économiques aux décisions politiques : le Conseil économique, social et environnemental (CESE). Pour autant, si on en entend si peu parler c'est qu'il est rarement écouté par le pouvoir. Ce qui fait dire à l'Anpihm (Association nationale pour l'intégration des personnes handicapées moteurs) de ne pas céder au « miroir aux alouettes », déplorant une « diversion politique », illustrée par le fait que ni le Grand débat national ni la Convention citoyenne pour le climat n'ont fait « changer d'un iota la politique du gouvernement ». Pour croire à une réelle « Refondation », l'association demande au président de la République s'il envisage d'abroger l'article 64 de la loi Elan sur l'adaptabilité des logements neufs ou de réformer la question des ressources qui « condamne les personnes à vivre très en-dessous du seuil de pauvreté ». 

D'autres RV à venir

Ces travaux supposent alors, selon Jérémie Boroy, de « veiller à une bonne articulation » avec deux rendez-vous à venir : le Comité interministériel du handicap (CIH) le 6 octobre 2022 (article en lien ci-dessous) et surtout la Conférence nationale du handicap (CNH) annoncée en février 2023. Le 31 août, Elisabeth Borne a confié à ses ministres leur feuille de route, souhaitant que le handicap figure dans chacun d'elles, question jugée « prioritaire » qui doit « irriguer l'ensemble des politiques publiques (emploi, santé, transport...) », en y « associant fortement le CNCPH ». Selon le Collectif handicaps, ces directives « restent floues sur les missions concrètes des ministres pour améliorer le quotidien des personnes en situation de handicap (accessibilité, ressources, compensation, etc.) », certaines « n'abordant même pas le sujet ». Déplorant des « rendez-vous ratés », il alerte le gouvernement sur la nécessité de coconstruire avec les associations représentatives, le sommant de dévoiler urgemment des « axes de réforme concrets concernant la 5e branche Autonomie, l'accessibilité universelle ou encore les ressources »« Plus que de belles promesses », les associations attendent des « actes, dès cet automne ». 

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Emmanuelle Dal'Secco, journaliste Handicap.fr"
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